Enfants, n’avez-vous rien à manger? – prédication des 18 et 19 mai 2019

Cultes présidés par André Chédel, prédicateur laïc, le 18 mai à Môtiers et le 19 mai à Noiraigue.

Berger loup

Lecture biblique : 

 

Prédication (texte à télécharger ici)

«Enfants, n’avez-vous rien à manger ?» (v.5)

Ce texte est pathétique, tellement il s’adapte à la chrétienté d’aujourd’hui. Monter toute une nuit dans une barque, sans prendre aucun poisson.

Pendant toute la nuit, chacun a œuvré à la lueur des torches pour éponger la barque de nos communautés qui s’amenuise de toute part. Ceci amplifié par une dérive d’indifférence générale de la population.

Pour les fidèles, la boussole de la semaine sainte est “oubliée” sur les bancs d’église après le service dominical. Tous sont pressés de retourner à l’ouvrage, c’est-à-dire s’inscrire à un cours de perfectionnement, ou d’offrir du temps à telle bonne œuvre, de s’investir dans les multiples besoins communautaires.

De longues veillées de courbature à attendre l’aurore se lever, avec des filets vides de poissons pour l’œuvre du salut. Où sommes-nous dans la barque à chercher de quel côté jeter les filets ?

Je suis l’un d’eux. A mes côtés il y a Marie-Christine avec l’écharpe de l’unité ; il y a David avec la robe du savoir ; il y a Jean-Luc, épuisé par le devoir et dénudé comme Simon-Pierre ; avec nous beaucoup d’autres pêcheurs aguerris et plein d’enthousiasme pour tenir la barque à flot.

Bien équilibrer sa place pour que cela ne penche pas, ni d’un côté ni de l’autre. Oh quelle œuvre de cohérence pour se tenir ensemble toute la nuit…

Que dis-je ? Toutes les nuits sans sommeil pour tenter de jeter les filets de la grâce là où crient les orphelins de cœur et les veuves de l’amour intégral.

Et voilà que l’étranger sur la rive, plein de compassion, dit :

– Enfants, n’avez-vous rien à manger ?

Comment est-ce possible de reconnaître que le soleil se lève et que le ventre restera toujours creux ?

Où est-il donc ce banc de poissons à prendre ?

Épuisés, mais sans cesse à l’œuvre, les fidèles persévèrent.

Bien sûr, l’instruction et le savoir-faire a une grande importance pour faciliter l’ouvrage.

Donner l’école du dimanche aux enfants est judicieux, mais où projeter le filet de la grâce pour rejoindre le besoin d’espérance à ces petits cœurs réceptifs ?

Visiter les aînés, les solitaires, est une vocation louable, mais les cours de formation donnent-ils la clef pour lancer le filet précieux dans l’abîme de solitude de nos prédécesseurs aux cheveux blancs ?

Bien sûr que piocher les Écritures pour construire une prédication prospère pour toucher les âmes assoiffées est primordiale. Mais dans quelle direction faut-il orienter le filet pour atteindre l’ouvrier craintif d’un licenciement, et de la maman inquiète pour la frugalité du garde-manger ?

Je le disais tout à l’heure, chacun s’agite, chacune prend courage, tous se prennent la tête pour ramer.

Voilà que le texte nous présente un inconnu qui ose nous interpeler : « Enfants, n’avez-vous rien à manger ? »

– “Non” est la réponse franche et salvatrice, car l’étranger ordonne :

– Jetez le filet du côté droit de la barque.

Être considéré comme des enfants est gratifiant, car cela rejoint leur doute, leur besoin d’être pris par la main.

Ces vaillants travailleurs de la nuit acceptent l’invitation de cet étranger qui ne connait pas ce dur métier. Ils retournent au loin sur cette eau stérile et jettent le filet à l’endroit indiqué. La pêche est là, abondante.

Alors ils reconnaissent leur maître crucifié, l’enseignement reçu pendant 3 ans porte enfin du fruit.

Sur la rive, le foyer est déjà allumé pour cuire le poisson frais. Ce foyer incandescent est le buisson ardent qu’a vu Moïse en primeur. C’est l’endroit où Dieu réchauffe et nourrit le peuple sans relâche.

La parole vivante agit sans cesse, en tout lieu, à toute heure. Là où Dieu pose son regard, la flamme jaillit, mais le poisson échappe au filet tant qu’on n’entend pas la voix du Ressuscité.

Rassasiés sur la rive, pour la troisième fois selon le texte (verset 14), les disciples voient apparaître Jésus en gloire. Par 3 fois aussi Jésus demande alors à Pierre : m’aimes-tu ?

Aujourd’hui c’est à nous que Jésus demande : m’aimes-tu ?

Nous sommes autant bousculés que Simon-Pierre, parce qu’on ne comprend pas la signification d’aimer. C’est trop près des émotions avides de contact direct.

Si Jésus avait dit : me reconnais-tu ?

Là non plus c’est encore trop, car la réalité du matin de Pâques n’est pas encore intégrée.

C’est pourquoi le texte du jour s’arrête à cette parole d’invitation pressante :

– Prends soin de mes brebis.

Comment entendre cela comme prédicateur ?

Ne suis-je pas à l’ouvrage ? C’est vrai, mais le lumineux chemin ne sera révélé qu’à pentecôte : le Consolateur est là-bas qui attend la maturité missionnaire des pêcheurs de poisson devenir des pêcheurs de voyageurs égarés dans le marais du monde.

Tant qu’on ne reconnait pas l’appel de celui qui est encore l’étranger – parce que trop peu présent en nous – la pêche est infructueuse.

Pour le chrétien, chaque parole de vie est une allumette, pour l’enflammer il faut toucher la robe du ressuscité, c’est l’œuvre du Saint-Esprit, don de Pentecôte.

Longtemps, le fidèle se contente de toucher l’autel de sa communauté pour illuminer la Parole. C’est suffisant comme pour les disciples quand le Christ était avec eux.

Mais pour prendre soin de « ses“ brebis dans le monde extérieur au cercle restreint de la communauté, il est nécessaire de laisser l’esprit-Saint nous visiter pour que s’enflamme la Parole ; comme l’allumette frottée contre la paroi rugueuse de la boîte.

Donc allons ensemble jusqu’à Pentecôte pour que nous soyons transformés en buisson ardent perpétuel.

Amen.