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Texte biblique : Luc 11, 1-13
Prédication à 2 voix le 28 juillet 2013 à la Côte-aux-Fées
Sarah Badertscher :
Tout est là ! Tout est là pour que les disciples et destinataires de l’évangile de Luc puissent apprendre à prier.
Apprends-nous à prier qu’ils lui demandent ! Apprendre quoi exactement ? C’est quoi prier ?
En suivant les mots d’André Dumas, c’est causer que Jésus a appris à ses disciples.. Prier, c’est causer à Dieu. C’est lui « causer sa vie et le monde, ses joies et ses détresses, sa mémoire et son attente, ce qui nous traverse et remplit le cœur ». N’est ce pas cela que Jésus vient de faire et qui suscite la demande de ses disciples ?
En lisant ce premier bout d’enseignement de Jésus sur la prière qu’est le « Notre Père », ce sont plutôt des sentiments de « déjà vu » qui m’habitent.
Elle est du « Déjà vu » cette prière du « Notre Père » que nous avons l’habitude de dire dans tous nos cultes. Du « déjà vu » tellement de fois récité qu’elle en devient une formule…
Ce que je veux dire par là, c’est que ce sont devenus pour moi des paroles intangibles, figées et n’ayant pas grand chose à voir avec l’actualité ni mon quotidien.
Le fait est que souvent elle est un élément cultuel, un bout de liturgie, je la récite comme une formule… elle n’est pas causerie… alors, que dit-elle encore de ma vie. Et que dit-elle pour ma vie ?
Et pourtant, elle est tout autre chose qu’une formule cette prière. Voilà la redécouverte faite en cheminant avec l’évangile de Luc ces derniers temps.
La voilà cette prière qui se dévoile brute chez Luc avec des phrases courtes et qui semblent inachevées.
Elle se révèle proche du quotidien. Elle est un cri au Père, surgissant de la vie et empoignant à bras le corps demandes, désirs, besoins, pardons et soupirs des disciples et peut-être les nôtres aussi !
Ainsi, dans la prière, je regarde et dis à Dieu, la vie comme elle est, avec ses manquements. : le pain nécessaire, le pardon pour pouvoir vivre… les tentations .. Tout ce qui pourrait me faire manquer la vie..
Et dans ce sens, la prière est bien causerie à Dieu ! Causerie de ce qui nous fait parfois, de ce qui fait le monde souvent.
Mais elle n’est pas seulement ça… surtout, dans la prière, je regarde et je dis à Dieu la vie comme elle pourrait être. Elle est causerie de comment nous aimerions que le monde soit !
En cela, elle me déplace et me décentre du quotidien tel que je le connais. Autre chose est possible !
La prière nait du désir réveillé d’une autre manière de vivre, d’une manière différente d’être en relation avec Dieu, avec les autres et avec soi. Un désir réveillé par les paroles et les actes de Jésus… qui disent et rendent présent un bout du règne de Dieu !
La prière est ainsi aspiration dite au Père de vouloir vivre comme il le propose.
Dans ce sens, la prière est une belle causerie remplie d’espoir.
Mais voilà peut-être tout comme les disciples à la fin de ce premier bout d’enseignement de Jésus… Je me demande si la prière n’est que causerie de ma part. Qu’est-ce que cela change au final ? Et Dieu, me répondra-t-il ?
Patrick Schlüter :
La prière, ce n’est pas seulement une causerie ou alors c’est une causerie passionnée, de celles où on s’implique pleinement dans le dialogue avec l’autre.
Prier, ce n’est pas seulement parler, c’est aussi s’impliquer, s’engager, y mettre de sa personne, porter devant Dieu l’autre et ses soucis. Prier, c’est aussi insister, déranger Dieu pour qu’il réponde.
L’histoire de l’ami qui va déranger un ami en pleine nuit pour lui réclamer 3 pains parce qu’un autre ami est arrivé de voyage et qu’il n’a rien à lui offrir à manger, m’a dérangé et interpellé.
Franchement, il est plutôt gonflé et culotté celui qui va réveiller l’autre en pleine nuit. Est-ce qu’il ne pourrait pas attendre le lendemain?
Et cet autre ami réveillé en pleine nuit, est-ce qu’il ne pourrait pas aller ouvrir tout de suite, maintenant qu’il est réveillé ?
De plus, Jésus utilise cet exemple pour inviter ses compagnons à prier et à solliciter Dieu ? Pourquoi prier avec autant d’insistance si Dieu me connaît et sait mes besoins ?
Toutes ces questions nous ont interpellés en préparant ce culte.
Jésus le dit : Dieu promet d’être présent à nos prières et d’y répondre, mais il attend que nous aussi, nous soyons présents à nos prières, que nous y mettions ce que nous sommes, que nous soyons prêts à nous impliquer.
Un jour, nous avions demandé aux catéchumènes d’écrire une prière. L’un d’eux demandait dans son texte la paix dans le monde, la fin de toutes les guerres et la guérison de toutes les maladies. Nous lui avions alors demandé : « est-ce que tu crois à ce tu pries ? ». « Non », avait-il répondu, un peu surpris de la question. Devant sa réponse négative, un dialogue s’était engagé sur ce que signifiait la prière et comment elle nous impliquait.
Prier, c’est s’engager dans le dialogue avec Dieu. Prier, c’est aussi s’engager pour l’autre et ses besoins, comme cet ami qui se lève en pleine nuit pour trouver du pain afin de nourrir un invité surprise. La prière, c’est oser porter les autres devant Dieu, leurs besoins, leurs difficultés. Ce n’est pas un hasard si la prière du Notre Père est dite en « nous ». Elle est à la fois personnelle et collective. Elle nous relie aux autres. Prier et agir vont ensemble. D’ailleurs, prier, c’est aussi agir et c’est parfois même le seul engagement possible dans certaines situations.
Prier, c’est demander, c’est aussi chercher, c’est frapper à la porte de Dieu, mais aussi s’engager pour l’autre, frapper aux portes pour lui.
Finalement, à travers les mots de la prière que Jésus enseigne, c’est toute une aventure qui est proposée, une aventure avec Dieu, avec les autres, mais aussi une aventure avec soi-même pour oser être pleinement soi-même avec ses besoins, ses désirs, ses forces, ses faiblesses, ses questions et ses révoltes, ses espérances.
Prier, c’est aussi être prêt à se laisser transformer, car nous pouvons en faire l’expérience, il y a des dialogues, des causeries avec certaines personnes qui changent la vie ou au moins qui changent le regard que l’on pose sur la vie. La causerie avec Dieu veut être de ces dialogues qui transforment la vie.
Dieu dans la « causerie » de la prière, n’est pas un distributeur de bonbons ou de récompenses. Il se veut pleinement partenaire. Il se veut Dieu aimant, Père qui écoute ses enfants. Il se veut le Dieu qui répond par l’Esprit Saint, cette force qu’il veut nous donner, cette force qui ouvre notre regard sur le monde, pour avancer avec ce que nous sommes.
Finalement, prier, c’est plutôt risqué : je pourrais bien en sortir transformé petit à petit.
Amen.