Dieu nous attend comme la nuit attend le jour

attente

Prédication de David Allisson, 2e dimanche de l’Avent – Fleurier 6 décembre 2015
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Lecture de la Bible

Malachie 3,19-24 (ou 4,1-6)
Luc 3,1-6

Message

« Chacun pour soi et Dieu pour tous ! »

Cela semble être le fondement de vie de notre époque.

Chacun veut son confort et sa vie tranquille.

Dans le même temps, nous sommes prêts à reprocher à Dieu d’être à l’origine des catastrophes naturelles et humaines dans le monde. C’est vrai que nous nous retenons de l’accuser d’être l’auteur de ces malheurs, mais nous ne nous gênons pas de demander pourquoi il ne les empêche pas.

Comme croyant, et même comme pasteur, je ne suis pas mieux renseigné que les autres sur le pourquoi du mal dans notre monde. Je n’ai pas de réponse satisfaisante à apporter.

Ce que nous pouvons affirmer en tant que chrétiens, et particulièrement en cette période de l’avent, c’est une confiance et une attente.

La confiance de notre foi, c’est que Dieu n’est pas indifférent à ce qui nous fait souffrir et à ce qui reste incompréhensible dans notre monde.

Nous sommes invités à reconnaître en Jésus Christ la révélation parfaite de Dieu.

Dieu se révèle amour.

Il se révèle proche de nous.

Il nous tend la main.

Il manifeste une présence et un amour qui trouve sa place au travers de tout ce qui nous réjouit et aussi de ce qui nous fait souffrir dans notre quotidien.

En Jésus, Dieu se montre vulnérable et plein de promesses, comme la naissance d’un enfant.

En Jésus, Dieu se montre prêt à vivre la douleur de la souffrance et de la mort. Cela le conduira jusqu’à l’extrémité de la mort au supplice de la croix.

Mais dans la trajectoire de Jésus comme dans la nôtre, il y a aussi tous les moments de joie, de rencontre, de moments partagés, de repas, de prière, de fête. Dans ces moments-là, Dieu est aussi proche de nous.

L’attente aussi fait partie de notre foi. Nous nous en souvenons chaque année particulièrement dans le temps de l’avent. L’évangile de Luc l’exprime en parlant de Jean-Baptiste. Il dit : « La parole de Dieu se fit entendre à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. »

Dieu annonce que l’attente prendra fin. Il annonce que le moment est venu où il va agir parmi les humains.

C’est pourquoi, en reprenant les paroles d’Esaïe, Jean-Baptiste proclame :

« C’est la voix d’un homme qui crie dans le désert :

Préparez le chemin du Seigneur, faites-lui des sentiers bien droits !

Tout vallée sera comblée, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les courbes de la route seront redressées, les chemins en mauvais état seront égalisés.

Et tout le monde verra le salut accordé par Dieu. » (Luc 3,4-6)

Comme dans l’Ancien Testament lorsque Dieu se prépare à agir, un prophète est averti et annonce la chose au peuple.

Ainsi, en écoutant la parole du messager, le peuple des croyants est invité à se préparer, et à se rendre disponible pour la venue de Dieu.

Le prophète Malachie annonçait le jour de la venue de Dieu comme un jour grand et redoutable, le jour où Dieu en viendra à juger les hommes.

Et nous sommes souvent enclins à lui préparer le terrain. Nous commençons volontiers le tri et le jugement pour Dieu.

En faisant cela, nous oublions que la justice et le jugement de Dieu ne condamnent pas le mal en punissant ou en exterminant celui qui l’a commis.

Au contraire, la justice de Dieu est la justice de la vie, devant laquelle nous sommes responsable.

Par le regard que Dieu porte sur nous, il nous rend juste.

Le regard que Dieu porte sur nous est le premier outil qui nous permet d’assumer notre responsabilité devant lui et devant la vie.

Parce que le regard de Dieu sur nous nous rend juste, nous sommes libéré pour un engagement en faveur du monde et des autres. C’est un engagement qui nous fait participer à préparer le chemin de la venue du Seigneur dans la lumière que nous voulons pour Noël.

La justice que Dieu exerce vis-à-vis des humains n’est pas une justice qui condamne et qui punit nos fautes. La justice que Dieu exerce vis-à-vis de nous est une justice qui rend juste, une justice qui donne des outils pour la vie.

Dieu demande d’aimer. Dieu ne demande pas de haïr ou de tuer pour l’honneur de son nom. Cela est sans condition et sans restriction.

Jeudi prochain sera le 10 décembre, journée internationale des droits humains : je vous présenterai tout à l’heure une pétition que la Fédération des Eglises Protestantes de la Suisse, la l’Eglise catholique chrétienne de Suisse, la conférence des évêques suisses et l’ACAT, Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture nous invite à signer.

Ce n’est pas d’abord pour nous rendre justes que nous sommes invités à nous engager par de telles actions. Si nous signons ces pétitions, si nous prions pour les torturés et les tortionnaires, c’est pour que ces gens puissent eux aussi entendre que la justice de Dieu les rend justes et les engage pour la vie et non pour dominer et faire souffrir les autres.

Nous sommes aussi invités à recevoir ce jugement de Dieu non pas comme une condamnation à cause de nos erreurs ou de nos manquements, mais comme un nouveau regard sur nous-mêmes : le regard d’amour de Dieu qui nous rend justes et capables de justice.

La torture, contre laquelle nous sommes invités à protester aujourd’hui, atteint l’autre dans son estime de soi. L’intention de la torture, c’est l’humiliation, la honte, la mésestime. Les victimes de la torture en témoignent. Ce dont elles ont honte, ce n’est pas seulement des souffrances et des cris, mais d’avoir été niées dans ce qui fait leur être le plus profond comme personnes humaines uniques.

Pour les croyants, l’interdiction absolue de la torture n’est pas une simple prescription juridique. Elle s’enracine dans la vision de l’essence même de l’humain : un être en relation avec son créateur, créé à son image. Y attenter c’est s’attaquer à la dignité de Dieu ; c’est le pire des blasphèmes. Cet interdit devient exemplaire par la passion du Christ.

« Aime ton prochain comme toi-même ! » (Mt 19,19). Suivre ce commandement biblique, c’est accorder de l’importance à l’estime de soi. Cela nous permettra de nous respecter nous-même, puis de respecter l’autre, de l’estimer lui aussi. Apprendre à vivre cela, inviter les autres à le vivre, c’est déjà lutter contre la torture et s’engager pour les droits humains.

Positivement et plus près de notre quotidien : c’est lutter pour la justice de Dieu, celle qui nous est offerte pour nous rappeler notre valeur inestimable, qui nous est accordée par le regard de Dieu, par le fait de prendre part à l’humanité.

Pas étonnant, dit Dieu, que notre histoire soit tissée de rendez-vous manqués !

Vous m’attendez dans la toute-puissance et je vous espère dans la fragilité d’une naissance !

Vous me cherchez dans les étoiles du ciel et je vous rencontre dans les visages qui peuplent la terre !

Vous me rangez au vestiaire des idées reçues et je viens à vous dans la fraîcheur de la grâce !

Vous me voulez comme réponse et je me tiens dans le bruissement de vos questions !

Vous m’espérez comme pain et je creuse en vous la faim !

Vous me façonnez à votre image et je vous surprends dans le dénuement d’un regard d’enfant !

Mais, dit Dieu, sous les pavés de vos errances, un Avent de tendresse se prépare où je vous attends comme la nuit attend le jour…

Francine Carillo, « Traces Vives », Labor et Fides, 1997, p. 131