Culte des 10 et 11 mars 2018 – Môtiers 17h et Saint-Sulpice 10h. Carême 4
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Prière de repentance
Avec la théologienne Dorothee Sölle, prions nos incohérences, nos fautes et nos larmes.
Sans mentir
Dieu, fais naître en moi un nouveau cœur ;
le mien obéit aux habitudes.
Dote-moi de nouveaux yeux ;
les miens ont été envoutés par le succès.
Dote-moi de nouvelles oreilles ;
les miennes n’enregistrent que le malheur.
Donne-moi une nouvelle langue pour remplacer celle qui est bâillonnée par la peur.
Donne-moi un nouveau langage au lieu de celui que je maîtrise bien mais qui est contaminé par la violence.
Mon cœur s’asphyxie de l’impuissance de tous ceux qui aiment les étrangers.
Dieu, dote-moi d’un nouveau cœur et donne-moi un nouvel esprit, que je puisse te louer sans mentir, les larmes aux yeux si nécessaire mais sans mentir.
Dorothee Sölle
Annonce du pardon
Le Seigneur nous accueille avec nos incohérences, nos prières et nos larmes.
Il sèche nos larmes. Il nous écoute. Il nous redresse.
Levons-nous.
Pour le Seigneur, la nuit n’y fait rien.
Pour le Seigneur, nuit ou jour, c’est pareil : sa présence éclaire notre chemin et nous ouvre au pardon et à la vie.
Vivons en femmes et en hommes libres, pardonnés, ouverts à la Vie du Seigneur.
Lecture de la Bible
Prédication de David Allisson
Tout à l’heure, les cloches ont sonné. Nous attendons qu’elles se taisent avant de commencer notre célébration.
Elles sont comme un appel que plus grand monde ne remarque. Elles sont un appel à se recentrer sur la présence de Dieu dans nos vies.
Dieu est sorti des cloches. Bien souvent, il est absent, là où personne ne pouvait l’ignorer il n’y a pas si longtemps. Les cloches du monastère appelaient à la prière. Les moines se rendaient à la chapelle. Les villageois priaient avec eux depuis le lieu de leur activité. Les cloches des églises sont devenues des gêneuses : elles réveillent les voisins trop tôt le matin ou elles perturbent la sieste ou les conversations.
Est-ce qu’elles peuvent encore attirer notre attention sur Dieu ?
Les cloches aimeraient réveiller notre attention, comme des prophètes qui nous les sonneraient, les cloches. Que leur sonnerie soit un appel à la vigilance et à l’action.
Faudra-t-il une destruction et un exil, comme celui évoqué dans les Chroniques ? La reconstruction devra-t-elle venir d’ailleurs, de l’étranger, comme pour Jérusalem par Cyrus, roi de Perse ?
La crise sociale, économique et environnementale qui secoue notre monde et qui suscite la campagne de Carême « Prenons part au changement » peut ressembler à la crise qui a mené à la destruction de Jérusalem dans l’Ancien Testament.
L’Evangile a le pouvoir de résonner en nous. Comme Jésus a été réveillé de la mort le matin de Pâques, nous ne sommes pas abandonnés à la mort.
Nous ne sommes pas pour toujours dans la pénitence du carême. L’Evangile, c’est une affaire de vie, de vie en abondance. Jean le dit en parlant de vie éternelle.
C’est une vie accomplie, vie de plénitude.
Il y a une certaine analogie entre le serpent de bronze élevé dans le désert par Moïse et la croix sur laquelle le Christ a été élevé. L’Evangile de Jean l’affirme, justement : « De même que Moïse a élevé le serpent de bronze sur une perche dans le désert, de même le Fils de l’homme doit être élevé, afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle. » Jean 3,14-15.
Ce serpent de bronze, nous ne nous en souvenons pas forcément très bien. Le livre des Nombres évoque cet épisode alors que le peuple traverse le désert après avoir été libéré de l’esclavage d’Egypte à la suite de Moïse. Les israélites se plaignaient de leurs mauvaises conditions de vie dans le désert alors qu’en Egypte, malgré l’esclavage, ils avaient de l’eau et de la meilleure nourriture. Le Seigneur, dit le texte, a envoyé des serpents venimeux pour punir les israélites de leurs plaintes. Les gens étaient mordus et mouraient. Le peuple s’est repenti et a appelé le Seigneur à l’aide. Moïse a dû façonner un serpent de bronze et l’accrocher en hauteur. Ceux qui avaient été mordu le regardaient pour être guéris.
Comme les Israélites, nous sommes invités, pour guérir, à regarder vers la croix comme eux ont regardé vers le serpent d’airain.
Le serpent est « parlant » au jardin d’Eden. Par ses paroles, il embobine les premiers humains. Il devient « brûlant » au désert. C’est en parlant de brûlure que la langue hébraïque évoque la morsure venimeuse.
Le serpent mord, par ses propos, par sa brûlure, il conduit à la mort. Son mensonge trouble le regard sur Dieu et sur l’humain. C’est en regardant le serpent en face – par extension, c’est en regardant la croix en face – que nous parvenons à guérir du mensonge, des tentations terrestres. Il faut fixer l’image. Et c’est en l’élevant, la montrant, la regardant, que l’on guérit de ses morsures.
Il nous est donné, offert, de nous convertir, de convertir nos cœurs dans cet Amour qui peut tout, cet Amour qui nous fait quitter des yeux notre nombril et nos préoccupations, pour embrasser le monde d’un regard nouveau, d’en prendre soin de nos mains, de partager les fruits de cette terre avec nos prochains tout près de nous ou plus lointains.
Dieu met en nous cet Amour fraternel qui donne la force de grandir, de se responsabiliser, de se débrouiller.
Nous sommes appelés à participer à donner les moyens à tous les êtres humains, non seulement de subsister, mais d’exister.
Paul à son tour – bien que l’on dise qu’il proclame que la foi suffit – nous invite à pratiquer les bonnes œuvres, œuvrées en Dieu.
« Car c’est par la grâce de Dieu que vous avez été sauvés, au moyen de la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu ; il n’est pas le résultat de vos efforts, et ainsi personne ne peut se vanter. En effet, c’est Dieu qui nous a formés ; il nous a créés, dans notre union avec Jésus Christ, pour que nous menions une vie riche en actions bonnes, celles qu’il nous a préparées d’avance afin que nous les pratiquions. » Ephésiens 2,8-10.
Nos nuques sont raides, comme le dit plusieurs fois l’Ancien Testament à propos du peuple rebelle et querelleur.
Nos yeux sont concentrés sur nos nombrils, nos situations personnelles tellement valorisées de nos jours : développement personnel, promotion, acquisitions diverses au top du développement technique, au détriment d’esclaves du travail sur toute la planète, et au détriment du contenu de nos propres assiettes : le poste alimentation est relégué aux dernières lignes de notre budget. Dans nos sociétés, notre vision est souvent bien courte, notre regard s’arrête à l’écran de nos téléphones, tablettes ou postes de télévision – culte de l’écran plat, on y perd la profondeur, la troisième dimension. Notre regard s’arrête à l’écran ; nos yeux sont rivés sur le pare-brise de nos voitures si nombreuses et si gourmandes en énergie.
Nous sommes appelés à lever les yeux de nos écrans et de nos claviers, à regarder plus loin, plus haut, à descendre de nos véhicules trop rapides pour nous permettre d’embrasser l’ensemble de la situation, l’entier du paysage. On ne peut pas continuer comme ça, ce n’est ni sain, au sens de bonne santé, ni saint, au sens de sainteté !
Nous sommes appelés à regarder la situation en face, à regarder nos ombres, nos incohérences, à changer de modes de vie.
Chez l’évangéliste Jean, voir signifie croire ; c’est une vision qui dépasse la vision première, elle est perception, conviction, intégration. Elle implique de quitter la surface et de gagner la profondeur, de retrouver une dimension globale, communautaire, planétaire, œcuménique au sens de toute la terre habitée.
Considérons un peu ce qui est élevé, à l’image du Christ de l’Evangile selon Jean qui est élevé quand il est mis en croix.
La croix du Christ devient arbre de vie. Jésus, le Fils de l’homme mis en croix est élevé. Sa vie est enlevée, mais par don. Jésus offre sa vie dans le don de l’Amour du Père pour toute l’humanité. Nous élever à la suite du Christ, c’est goûter à sa vie.
Le Christ nous arrache à la morsure du serpent.
Pourtant, le serpent est encore bien présent.
En gardant l’image malheureuse qui colle au serpent, je pourrais dire que le mal fait encore partie de notre vie et de notre monde. Elever le regard vers le serpent, c’est regarder le mal en face. Tenir compte de sa présence, c’est aussi pouvoir y résister, en guérir pour nous mettre tout entier au service du bien de la vie de Dieu. Osons regarder nos ombres pour les intégrer et les dominer, assimiler nos expériences et réorienter nos comportements.
Tout à l’heure, dans la communion de la Sainte Cène, nous allons élever la coupe pour ensemble communier à l’Amour reçu et à répandre. A la Sainte Cène, nous sommes élevés nous mêmes parce que nous nous retrouvons ensemble avec les autres chrétiens face à la vie du Christ élevée et distribuée à l’humanité. Nous sommes aussi élevés face à nos ombres et nos faiblesses que Dieu nous aide à reconnaître, à accepter, à assumer et à dépasser. La foi qui nous habite est confiance reçue de Dieu et espérance à partager. La foi qui nous habite nous incite à l’action.
Nous allons sur nos lieux de culte à l’appel des cloches, répondons à la convocation. Nous nous arrêtons bel et bien une heure dans notre semaine pour répondre à l’appel du rassemblement. Mais entendons-nous l’appel de la cloche ?
Le prophète nous sonne les cloches, nous avertit. Le prophète nous relaie un appel vibrant, sonnant, de la part de Dieu. L’Evangile sonne aussi un appel, il appelle à recevoir, et c’est une autre forme de perception, il appelle à recevoir l’Amour divin. L’Evangile appel à croire à l’Amour divin, à en vivre et à en faire vivre. Regarder la croix, comme regarder le serpent de bronze, guérit notre vision altérée, nous ouvre les yeux, ceux du cœur. Nous sommes appelés non seulement à recevoir cet Amour, mais à le transmettre, le perpétuer, le semer, le cultiver, le faire croître.
Nous vivons en vase clos, allons-y pour l’image, comme des cloches sous des cloches à fromage !
Tiens, ça sonne ? Comme le chien dresse l’oreille et lève les yeux, écoutons l’appel et regardons « vers le ciel », vers la croix.
Aujourd’hui encore on crucifie à tour de bras, on maltraite, exploite, élimine, expulse. La cloche nous appelle à prendre acte de la situation et à agir en conséquence.
Que nos cœurs soient les caisses résonnantes de l’Amour immense, incommensurable de Dieu pour tous, par le don de son fils. Jésus est lui-même l’arbre de vie qui fait couler en nous toute la sève de notre humanité. Il est l’Amour du Père qui incite, stimule ses enfants à grandir, à progresser, qui assure aussi protection et sécurité. C’est aussi un Amour qui corrige, exige.
Nous sommes appelés à regarder la situation en face, à regarder nos ombres, nos incohérences, à changer de modes de vie. Lesquels ?
Je vous propose un temps d’arrêt, de réflexion personnelle. Comment, par des changements dans vos habitudes ou en prenant une ou des autres habitudes, vous pouvez contribuer à ouvrir encore votre regard et prendre en compte encore mieux les situations humaines de notre monde ?
Pensez à ce geste ou ces gestes que vous pouvez faire comme une participation à élargir ou à élever le regard sur notre monde et notre humanité, qui reçoit sa vie de Dieu.
Souvenez-vous de ce que vous aurez réfléchi. Notez le peut-être dans votre agenda ou sur un carton à afficher chez vous. Quand nous nous approcherons de la table de la cène tout à l’heure, nous porterons tout cela en nous. Nous serons encouragés de la présence des autres qui ont elles aussi médité, qui portent eux aussi leur geste ou leur engagement.
Par votre réflexion personnelle et votre méditation, c’est vous qui mettrez l’« amen » à ce message.
[silence]
Intercession
Seigneur,
Nous venons avec hardiesse te demander un don qui dépasse toute chose.
Apprends-nous à aimer comme tu aimes.
Ce n’est pas facile pour nous êtres humains.
Nous sommes tellement traversés par le désir, la peur, l’agressivité…
Apprends- nous cet Amour qui sait prendre des risques pour les plus petits et qui ne craint pas les puissants et les sages de ce monde.
Apprends- nous cet Amour qui cherche inlassablement la justice, surtout lorsque cela dérange notre quiétude et notre confort.
Apprends- nous cet Amour qui respecte passionnément tous les humains et d’abord ceux qui ne savent pas respecter les autres.
Apprends-nous cet Amour qui sait regarder chaque être humain dans son chemin d’imperfection avec le projet de Dieu sur lui.
Apprends-nous cet Amour capable d’un pardon sans retour pour les offenses les plus lourdes à porter et les blessures les plus vives.
Apprends- nous à aimer comme tu aimes.
Alors nos vies seront transfigurées.
La paix se répandra dans nos groupes, dans nos cités, dans nos villages et entre les peuples.
Aimer comme tu aimes :
Il n’y a que toi qui peut faire cela en nous.
Amen
http://prier.be « aimer comme tu aimes », Michel Serin
Bénédiction
Allons dans le monde légers, libres et heureux.
Nous sommes bénis, Dieu nous accompagne et nous ne manquerons de rien.
Dieu nous bénit, lui qui est Père, Fils et Saint-Esprit.
Amen