Culte du dimanche 2 mars 2025 à Môtiers
Lecture du Psaume 92 : Le Seigneur est roi
2 Il est bon de te louer, Eternel, et de célébrer ton nom, Très-Haut,
3 d’annoncer le matin ta bonté et pendant les nuits ta fidélité,
4 sur l’instrument à dix cordes, sur le luth et au son de la harpe.
5 Tu me réjouis par ce que tu accomplis, Eternel, et je chante avec allégresse les œuvres de tes mains.
6 Que tes œuvres sont grandes, Eternel, que tes pensées sont profondes !
(…)
13 Les justes poussent comme le palmier, ils grandissent comme le cèdre du Liban.
14 Plantés dans la maison de l’Eternel, ils prospèrent dans les parvis de notre Dieu ;
15 ils portent encore des fruits dans la vieillesse, ils sont pleins de sève et verdoyants,
16 pour annoncer que l’Eternel est droit. Il est mon rocher, et il n’y a aucune injustice en lui.
Lecture de l’Evangile : Luc 6, 36-42
36 Soyez pleins de bonté comme votre Père est plein de bonté.
37 Ne portez de jugement contre personne et Dieu ne vous jugera pas non plus ; ne condamnez pas les autres et Dieu ne vous condamnera pas ; pardonnez aux autres et Dieu vous pardonnera.
38 Donnez aux autres et Dieu vous donnera : on versera dans la grande poche de votre vêtement une bonne mesure, bien serrée et secouée, débordante. Dieu mesurera ses dons envers vous avec la mesure même que vous employez pour les autres.
39 Jésus leur parla encore avec des images : Un aveugle ne peut pas conduire un autre aveugle, n’est-ce pas ? Sinon, ils tomberont tous les deux dans un trou.
40 Aucun élève n’est supérieur à son maître ; mais tout élève complètement instruit sera comme son maître.
41 Pourquoi regardes-tu le brin de paille qui est dans l’œil de ton frère, alors que tu ne remarques pas la poutre qui est dans ton œil ?
42 Comment peux-tu dire à ton frère : “Mon frère, laisse-moi enlever cette paille qui est dans ton œil”, toi qui ne vois même pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite, enlève d’abord la poutre de ton œil et alors tu verras assez clair pour enlever la paille de l’œil de ton frère.
Message
De Véronique Tschanz Anderegg
Un sage raconte :
« À 20 ans, je n’avais qu’une seule prière : « Mon Dieu, aide-moi à changer le monde, ce monde insoutenable, invivable, d’une telle cruauté, d’une telle injustice. » Et je me suis battu comme un lion. Au bout de 20 ans, peu de choses avaient changé.
Quand j’ai eu 40 ans, je n’avais qu’une prière : « Mon Dieu, aide-moi à changer ma femme, mes enfants, ma famille. » Et je me suis battu comme un lion pendant 20 ans sans résultats.
Maintenant que je suis un vieil homme, je n’ai qu’une prière : « Mon Dieu, aide-moi à me changer », et voilà que le monde change autour de moi.
Cette petite histoire pourrait être une des interprétations possibles de la parabole très connue de la Bible de la poutre et de la paille.
Au début de notre passage de ce jour, Jésus encourage son auditoire à « être plein de bonté, à ne pas juger et à ne pas condamner ».
Puis il appuie son propos pour illustrer cette attitude de non-jugement avec une parabole tirée de sa vie de menuisier : « Pourquoi regardes-tu le brin de paille qui est dans l’œil de ton frère, alors que tu ne remarques pas la poutre qui est dans ton œil ?
Autrement dit, Jésus demande d’effectuer un travail de guérison sur notre propre regard qui permet d’avoir une vision claire sur soi-même et sur autrui.
Je me suis permise d’emprunter les mots de mon collègue Michel Cornuz qui établit une nuance entre « dévisager » et « envisager ».
DEVISAGER : dévisager quelqu’un, c’est mettre une étiquette à une personne et l’enfermer dans une catégorie simplement en la regardant.
Cela me rappelle une histoire qui m’était arrivée à la gare de La Chaux-de-Fonds : j’avais perdu mon natel et je le cherchais en m’imaginant « qu’un de ces jeunes qui traînait dans le hall » me l’avait volé. Mais l’un d’entre eux m’a vu chercher et m’a proposé son aide. Il a pris son natel et a composé mon numéro. Mon téléphone a sonné…. Dans la cabine du photomaton où je venais de faire des photos passeport !
Dévisager c’est porter d’emblée un regard de méfiance en résumant la personne à une attitude, un vêtement. C’est l’enfermer dans son passé, se refuser à la vraie rencontre.
Cela équivaut à avoir une poutre dans l’œil… on ne connaît pas l’histoire, la vie profonde de cette personne mais on la juge.
ENVISAGER : c’est regarder l’autre avec bienveillance, sans s’arrêter à la seule apparence. C’est découvrir des potentiels, des diamants enfouis en cette personne.
Envisager l’autre, c’est la découvrir comme une personne unique qui a une histoire faite de joies et de souffrances, d’échecs et de réussites. C’est respecter ses opinions, son mystère d’humain créé à l’image de Dieu.
Envisager l’autre, c’est rester ouvert à un début de chemin ensemble, c’est rester ouvert à une amitié possible, à une relation à développer. C’est une ouverture sur l’avenir
Cela équivaut à enlever la poutre dans notre œil pour avoir le regard clair, purifié de tout jugement.
Nous tendons bien sûr toutes et tous à ce regard clair, nettoyé de jugement. Et cela dans toute nos relations, qu’elles soient familiales, amicales, sociales, ecclésiales et professionnelles.
Mais comment ôter cette poutre de notre œil ?
Un des grands classiques, c’est de s’admonester et de se condamner soi-même. Qui ne connaît pas le petit diablotin du chien Milou qui susurre à notre oreille : « Tu juges les autres, mais tu as vu tes manquements, tes erreurs, tes bêtises ? Regarde déjà combien tu es nulle et après tu iras faire la morale aux autres ! »
Avec ce genre de discours, nous restons dans l’attitude de jugement… le jugement de soi, une attitude de condamnation.
Or le mépris de soi-même ne permet pas de s’ouvrir au respect de l’autre !
Alors oui ! Ce regard de non-jugement, ce regard clair, nous devons également l’avoir envers nous -mêmes !
La question demeure : « comment sortir de cette logique du jugement et se délester de cette poutre ? »
Revenons au début du passage de l’Évangile de Luc : « Soyez pleins de bonté comme votre Père est plein de bonté. »
Nous pouvons envisager l’autre parce que Dieu en premier nous accueille sans conditions.
C’est en faisant nous-mêmes l’expérience de nous découvrir unique aux yeux de Dieu que nous pouvons envisager l’autre avec un regard de bonté et de respect.
C’est l’initiative de Dieu qui ôte la poutre de notre œil et nous permet de nous envisager nous-mêmes pardonnés, aimés, unique dans notre être et dans notre cheminement.
Cela me ramène à la petite histoire du sage qui, à un âge avancé, priait pour son propre changement : nous n’avons pas à faire le décompte de nos manquements, mais nous avons à contempler l’image de Dieu en nous pour changer notre propre regard sur nous-mêmes et sur les autres.
La parabole de la poutre et de la paille nous invite à vivre l’expérience d’un Dieu qui jamais ne nous DEVISAGE, mais qui toujours nous ENVISAGE !
Un Dieu qui ne nous bloque pas dans le passé de nos défaites, mais qui ne cesse de nous offrir l’opportunité de nous transformer, de grandir, de nous révéler nos trésors.
En accueillant le regard d’amour de Dieu sur nous, nous pouvons envisager (et non dévisager) à notre tour chaque frère et sœur que nous rencontrons. Un regard clarifié qui envisage et permet une rencontre possible.
Amen
Prière d’intercession
Notre monde, ô Dieu, devrait être un jardin. Mais il est un désert pour tant et tant de gens : Désert de nourriture, désert d’affection, désert de travail, désert de spiritualité, désert d’humanité.
Nous t’en prions : Aide-nous à ménager dans ce monde des oasis pour toutes, tous ceux qui en ont besoin. Sois toi-même la source d’eau vive qui les délivrera de la sécheresse.
Nous te remettons les enfants abandonnés, les femmes délaissées ou maltraitées, les hommes découragés et désœuvrés, les parents sans affection, les mourants sans consolation.
Envoie-nous comme messagers de ta présence et de ton réconfort.
Et quand tu veux nous utiliser pour être à notre tour ces anges de ton espérance et de ta miséricorde, fais-nous la grâce de nous renouveler la disponibilité, la compréhension, le non-jugement et l’espérance sans lesquelles nous ne pourrions être les témoins de ton amour parmi les hommes et les femmes.
Amen