Devenir grand, en donnant le goût de Dieu aux plus petits

Culte du 4 septembre 2022 à Travers  

Prédication par Séverine Schlüter

Lecture biblique :

  • Marc 9, 33-50

Depuis peu, je fais partie d’un groupe de dames qui se retrouve pour marcher le lundi matin. Une des participante vient d’Ukraine. Et elle nous a raconté comment elle a dû se cacher, avant de fuir son pays en guerre, son arrivée dans ce pays où elle n’avait aucun repère. J’ai été touchée par l’énergie qu’elle met à s’intégrer, à apprendre une langue totalement inconnue pour elle, à participer à des activités, à nous apporter aussi ses compétences dans les domaines qui sont les siens. J’ai été touchée par sa recherche d’être en lien, tout simplement.

La période de pandémie, de confinement et de bouleversement de nos activités et rencontres nous ont montré également à quel point il est important de se sentir faire partie d’une communauté, d’une société, à quel point il est essentiel de se sentir reconnu, d’avoir son rôle à jouer. Que ce soit au sein d’une famille, dans son cercle d’amis, comme membre d’une paroisse, d’un groupe de gym, de musique, de sport, de loisirs… peu importe.

Ça fait du bien de s’entendre dire “Tu es des nôtres”, de se sentir respecté, de se sentir quelqu’un, d’avoir une place.

Les disciples de Jésus ont vécu cela aussi. C’est Jésus lui-même qui est allé les chercher, qui les as choisis, qui les as accueillis auprès de lui. La plupart étaient d’origines modestes, des pêcheurs, ou venaient même de milieu peu recommandable, comme Simon le Zélote, qui avant faisait partie d’un groupe religieux préconisant la violence, ou encore Lévi, l’ancien collecteur d’impôt. Pour eux, le fait d’avoir été choisis par un maître, un rabbi, n’avait rien d’anodin. A ses côtés, ils sont devenus quelqu’un. Ils se sont même mis à accomplir, eux aussi, des guérisons et autres miracles.

Se sentir faire partie du groupe des disciples du Christ, et mieux encore des Douze, ses plus proches, leur ont donné confiance, leur ont donné une plus grande force intérieure.

Mais voilà que cette force donnée, ils ne l’utilisent pas toujours dans le bon sens. Jésus attend qu’ils mettent cette force au service des autres, comme lui l’a fait pour eux.

Cependant les disciples, forts de l’importance qu’ils ont acquise, ont tendance à vouloir garder ce privilège pour eux. Il y a quelqu’un qui chasse les démons, mais qui ne fait pas partie de leur cercle. Ils estiment qu’il n’en a pas le droit ; comme s’il perdaient ainsi leur avantage sur les autres. Leur statut d’élite. Si tout le monde peut le faire, à quoi ils servent, eux ?

Jésus alors intervient : l’important n’est pas de savoir de quel clan on fait partie, mais au nom de qui on agit, et dans quel but.

Or cet homme agit au nom de Jésus, et dans le but de faire du bien. Pourquoi l’en empêcher ? Il tire à la même corde qu’eux, il vise le même objectif. Il n’enlève rien à personne, au contraire il contribue, avec eux, à un but commun.

Mais les disciples aimeraient tout de même savoir si quelqu’un, parmi eux, a un plus : qui est le plus important ? Ils se demandent peut-être : est-ce que c’est celui qui a accompli jusqu’ici le plus de miracles ? Celui qui a réussi la guérison la plus difficile ? Ou alors celui que les gens viennent chercher le plus souvent pour résoudre un problème ???

Jésus est conscient de leur questionnement, et les remet à l’ordre. Il ne remet pas vraiment en question leur besoin, leur envie d’être reconnu, et d’avoir de la valeur, mais, pour lui, la valeur que quelqu’un possède en lui ne se mesure pas à son intelligence, à ses dons ou à des aptitudes particulières qui ne seraient réservées qu’à un petit nombre. La grandeur se mesure à la capacité que l’on a à se tourner vers les autres, à l’accueillir, à lui faire de la place, à l’intérêt qu’on lui porte, si petit ou peu digne d’attention qu’il paraisse.

C’est ainsi qu’on est grand devant Dieu.

Leur désir de se mettre en avant, de se mettre à part ne les rapproche pas de Dieu, mais au contraire les en éloigne. Jésus n’y va pas par 4 chemins : «Si ta main, ton pied ou ton œil t’entraîne sur le mauvais chemin, débarrasse-t’en !» (v. 43-47). Sans aller jusqu’à se mutiler pour de vrai, l’image que Jésus emploie garde tout son sens si on le prend de manière symbolique :

La main, elle peut être guérissante, apaisante, ou au contraire blesser et faire du mal.

Le pied, ça peut être celui qui me porte vers l’autre, ou celui qui s’en détourne.

L’œil peut être porteur d’un regard qui fait vivre, et qui encourage, ou au contraire porteur de jugement et de honte.

Ce qui entraîne la chute, dans ces exemples, ce sont les attitudes qui tendent à rabaisser l’autre pour mieux se mettre en avant ; c’est une voie qui ne les mènera pas loin.

Jésus leur propose un autre chemin. La rencontre avec Dieu passe par la recherche du bien de l’autre, et des petits qui en ont besoin. Et au travers des disciples, c’est nous aussi qui sommes interpellés par Jésus dans notre relation avec les autres.

«C’est une bonne chose que le sel. Mais si le sel perd son goût, avec quoi le lui rendrez-vous ? Ayez du sel en vous-mêmes, et soyez en paix les uns avec les autres» (v. 50). Autrement dit, c’est une bonne chose que vous ayez tous des dons et ces capacités en vous. Mais si vous n’en faites, à quoi bon ?

Hier, c’était la fête du sel à Buttes. On s’y rappelle l’importance que le sel avait dans l’antiquité : pas seulement pour donner du goût aux aliments, mais aussi comme moyen de conservation, ou un moyen de paiement. Dans le monde de Jésus, il était aussi un produit servant à la purification et la stérilisation du corps ou de certains objets. Mais le sel a encore d’autres vertus (même si on sait qu’il ne faut pas en abuser !) Actuellement, on l’utilise pour enlever les taches, déglacer les routes, adoucir l’eau, régulariser la pression sanguine…

De la même manière, Jésus nous invite à être de ceux et celles qui gardent et transmettent sa parole, à être de ceux qui sont porteurs de valeur, de sens, qui donnent goût à la vie.

En Jésus, Dieu nous a accueillis ; il nous a donné une place ; il a pris soin de nous ; il nous a fait découvrir la saveur que peut avoir l’existence. A nous de transmettre ce que nous avons reçu, et partageons entre nous et autour de nous le goût de Dieu, le goût de la vie !

Amen.