Des yeux d’Epiphanie

Culte du dimanche 6 janvier 2019 à Couvet

Hymne pour l’Epiphanie – antiphoné    (dames – messieurs – ensemble)

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Dans l’ombre d’une étable où dormait un enfant sous les yeux de sa mère, le ciel a visité la terre.   Il n’est de vent, il n’est de mort qui puisse éteindre sa lumière.

    Un soir, sous les étoiles, quand veillaient dans les champs des bergers solitaires, la gloire a visité la terre.   Il n’est de jour, il n’est de nuit qui ne reflète sa lumière.

Au temps du roi Hérode, dont le sceptre pesait tout son poids de misère, l’amour a visité la terre.   Il n’est d’épée, il n’est d’armée qui sache vaincre sa lumière.

Très loin, au bout du monde, où trois sages scrutaient d’insondables mystères, le Verbe a visité la terre.   Il n’est de lieu, il n’est de creux où ne parvienne sa lumière.

                                           Frère Pierre-Yves, Taizé

Letures bibliques: Psaume 72 (extraits); Matthieu 2,1-12

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Lecture du Psaume 72,1-2,7-8,10-13

O Dieu, donne au roi d’être aussi juste que toi, donne à notre roi ton sens de la justice. Qu’il juge ton peuple avec justice, et les malheureux selon ta loi ! Que la justice s’étende tant qu’il gouvernera, que la richesse déborde tant que la lune brillera ! Qu’il gouverne de la mer Morte à la Méditerranée, depuis le fleuve Euphrate jusqu’au bout du monde ! Les rois de Tarsis et des îles lointaines lui apporteront des cadeaux, les rois de Saba et de Séba lui paieront l’impôt. Tous les rois se mettront à genoux devant lui, tous les peuples le serviront. Oui, le roi délivrera le pauvre qui appelle et le malheureux sans appui. Il aura pitié du faible et du pauvre, il leur sauvera la vie.

Lecture dans l’Evangile selon Matthieu 2,1-12

Jésus naît à Bethléem, en Judée, au moment où Hérode le Grand est roi. Alors, des sages viennent de l’est et arrivent à Jérusalem. Ils demandent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile se lever à l’est, et nous sommes venus l’adorer. »

Quand le roi Hérode apprend cela, il est troublé, et tous les habitants de Jérusalem aussi. Le roi réunit tous les chefs des prêtres de son peuple avec les maîtres de la loi. Il leur demande : « À quel endroit est-ce que le Messie doit naître ? » Ils lui répondent : « Le Messie doit naître à Bethléem, en Judée. En effet, le prophète a écrit : “Et toi, Bethléem, du pays de Juda, tu n’es sûrement pas la moins importante des villes de Juda. Oui, un chef va venir de chez toi, il sera le berger de mon peuple, Israël.”  »

Alors Hérode fait appeler les sages en secret. Il leur demande : « À quel moment est-ce que l’étoile est apparue ? » Ensuite il les envoie à Bethléem en disant : « Allez vous renseigner exactement sur l’enfant. Quand vous l’aurez trouvé, venez me prévenir, et moi aussi, j’irai l’adorer. »

Après ces paroles du roi, les sages se mettent en route. Ils aperçoivent l’étoile qu’ils ont vue à l’est. Ils sont remplis d’une très grande joie en la voyant. L’étoile avance devant eux. Elle arrive au-dessus de l’endroit où l’enfant se trouve, et elle s’arrête là. Les sages entrent dans la maison, et ils voient l’enfant avec Marie, sa mère. Ils se mettent à genoux et adorent l’enfant. Ensuite, ils ouvrent leurs bagages et ils lui offrent des cadeaux : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

Après cela, Dieu les avertit dans un rêve de ne pas retourner chez Hérode. Alors ils prennent un autre chemin pour rentrer dans leur pays.

Prédication      d’après un texte d’André Sève

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Des yeux d’Epiphanie.

Dans l’évangile d’aujourd’hui, un mot peut à lui seul nous mettre en méditation : voir. Avoir des yeux pour découvrir des choses secrètes, des yeux d’Epiphanie comme les rois Mages. « Ils voient l’enfant avec Marie sa mère et ils tombent à genoux pour l’adorer. »     Que savaient-ils ? Qu’avaient-ils imaginé ? De quelle hauteur doivent-ils descendre pour s’adapter sur-le-champ à cette réalité si humble : un jeune couple et son bébé ? Ils ont « vu ».

Premier appel de l’Epiphanie : voir l’Enfant. Voir tout ce qu’il y a dans ce petit être absolument unique, se dire que par lui nous pouvons voir Dieu, comme l’exprime ce texte liturgique arménien : Aujourd’hui, l’Invisible apparait. Celui qu’on ne voit pas se fait voir, afin de faire de nous des voyants. ». Voir Dieu. Au début de son évangile, Jean écrit : Personne n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique qui est Dieu et qui vit auprès du Père nous le dévoile. Si nous avions des yeux pour voir ces choses ! Les yeux de la foi, les yeux qui jadis, en Palestine, surent s’ouvrir au mystère de Jésus, et le regard intérieur qui maintenant nous jette à genoux devant lui. Ou comme le disait cette croyante : « Qu’est-ce qui vous empêche de porter sur Notre Seigneur le regard de l’âme ? Il n’attend de vous qu’un regard. » Ce regard intérieur, cette puissance de vision de la foi ne doivent  pas nous enclore dans un petit ghetto : « Toi et moi ! » Ou même dans un plus grand ghetto : « Nous, les chrétiens. »

C’est le deuxième appel de l’Epiphanie : réaliser que l’enfant est là pour tous. Derrière les Mages, voir les foules qu’ils symbolisent. Cette humanité si présente dans nos médias, dont on nous montre si souvent le côté le plus sombre, le plus tragique. C’est pour tous les vivants d’aujourd’hui que Jésus est né et qu’il se donne à connaître et à rencontre. C’est pour tous les humains qu’il est Emmanuel – Dieu avec nous ; c’est pour leur libération à tous qu’il est Jésus-Dieu sauve. On dirait qu’une fatalité limite notre regard. Nous sommes faits pour les grands espaces d’un monde en attente de Dieu et nous baissons le nez sur notre vie et sur notre paroisse. Récemment, nous avons vécu un culte aux dimensions européennes, et nous avons partagé notre foi et notre joie dans un sentiment d’immensité. Mais très vite, nous revenons aux « entre-nous » des petits groupes qui pratiquent encore. N’acceptons-nous pas trop facilement la montée de l’incroyance ? Est-ce normal de s’habituer à vivre dans des réserves chrétiennes au milieu des mondes où le mot Dieu ne signifie plus rien ?

Réveille en nous, Seigneur, l’ardeur des premiers chrétiens pour qui la parole de Dieu était encore vive : « Allez, de toutes les nations faites des disciples. »   Que ton Eglise, l’Eglise de ces temps d’incroyance, ne cesse de faire des choix missionnaires pour que la plupart de ses forces se déploient pour affronter les milieux où tu n’es plus. Je souligne ici comme une espérance prête à accoucher d’une action, le désir qu’un groupe d’évangélisation se mette à l’œuvre dans notre paroisse. Le pasteur Patrick Schlüter en est le porte-parole, le porte-envie. Portons ce projet dans notre prière, portons ces personnes pour qu’elles voient ce qui est à faire afin que notre Seigneur soit connu, reconnu, découvert. Ici, je me sens renvoyé à ma propre anémie missionnaire. Ou peut-être à mes peurs ; avec encore mon âge, ma fatigue professionnelle, ma retraite proche…     Je vis parmi des hommes et des femmes qui ne te voient pas et je fais comme si je n’étais pas, moi, un voyant. Mais comment parler de toi aux foules des rues, des grands magasins et des usines ? Et déjà tout simplement à mes voisins que je fréquente depuis des années sans avoir pu les éveiller un peu à ton sujet ? Respect de leurs idées, de leur conscience ? Il a bon dos le respect. Je fais le dédaigneux quand on parle des Témoins de Jéhovah, mais moi, quels sont mes actes missionnaires ? Comment suis-je témoin ? C’est un peu trop commode de répéter qu’on témoigne par sa vie ; je sais bien que parfois l’annonce exige une parole et je me tais. Je finis même par ne plus voir ceux qui peut-être attendent mon témoignage. Redonne-moi des yeux d’apôtre, des yeux d’Epiphanie. Amen.