Culte du 27 août 2023 aux Verrières
Prédication de Séverine Schlüter
Lectures :
- Esaïe 22, 19-23
- Matthieu 16, 13-20
Prédication :
Un jour, quand j’exerçais mon ministère à La Chaux-de-Fonds, je me souviens qu’un collègue m’a dit en me croisant : “tiens, tu me fais droit penser à l’apôtre Pierre !”.
Qu’est-ce qu’il voulait dire ?
J’imaginais que ce n’étais pas mon apparence physique, et je n’espérais pas trop non plus son caractère de celui qui fonce ou parle souvent avant de réfléchir (parfois à raison comme dans ce passage, mais souvent aussi à tort !)
Non en fait j’étais en train de m’amuser avec mon trousseau de clés. Il faut dire qu’il y en avait pas mal, comme souvent les pasteur.e.s : clé de l’appartement, de la boîte aux lettre, de la voiture bien sûr – mais aussi clé du temple, de la cure, du secrétariat, de la salle de classe où je donnais la leçon de religion, celle permettant d’ouvrir le local de matériel pour le catéchisme… et je ne sais plus lesquelles encore. Le “pouvoir des clés”, en quelque sorte !
La tradition veut en effet que Pierre soit représenté devant les portes du paradis avec une grosse clé, prêt à ouvrir ou fermer le passage aux personnes qui s’y présentent…
Jésus le lui a dit (v.19): «Je te donnerai les clés du Royaume des cieux !». En entendant ça, difficile de se détacher de cette image de Pierre, un peu simpliste tout de même !
Voici quelques remarques pour aller plus loin :
Cette affirmation est directement liée à celle qui précède : «Tu es la pierre sur laquelle je bâtirai mon Église».
On a l’habitude de parler de cet épisode comme si Pierre avait reçu le Royaume, “clé en main”, comme on dit. Pourtant ce n’est pas ce que Jésus affirme : ce qui est confié à Pierre est en même temps à construire.
L’Église n’est pas une réalité donnée une fois pour toute, avec un contour précis, et des règles établies, elle est à construire, pierre par pierre, et appeler à évoluer au milieu de circonstances qui changent. Ainsi, l’entrée dans le Royaume promis par le Christ est une mise en route, une recherche, qui commence déjà ici, sur terre.
Précisons que Jésus ne confie pas qu’une seule clé à Pierre, comme s’il lui confiait une vérité définitive, immuable; il lui en confie plusieurs : “les clés”.
Pour construire l’Église dans la bonne direction, et pour entrer toujours plus loin dans ce Royaume, il y a plusieurs portes à chercher, à trouver, et à ouvrir !
Cette responsabilité n’est pas que celle de l’apôtre Pierre; elle est la responsabilité de toute l’Église, c’est-à-dire de tous ceux et toutes celles qui confessent, comme lui, que Jésus est “le Christ, le Fils du Dieu vivant” !
C’est une sacré responsabilité puisque de notre attitude, nos choix, nos décisions ont des conséquences dans le ciel !
Mais c’est aussi une sacré promesse, puisque c’est la vie qui nous est promise, une vie plus forte que toutes les puissances de mort qui existent…
C’est un Royaume un peu fou, comme le décrit Paul Grostéfan: « un Royaume où les pauvres sont rois, où ce qui a de la valeur, c’est ce que l’on donne de soi, où les exclus ont la première place, où le serviteur est invité à la fête pendant que le maître met son tablier, où les soldats deviennent poètes, où les épées sont reforgées pour faire des socs de charrue, où la piécette d’une veuve a plus de poids que tout l’or d’un riche, où celui qui ne travaille qu’une heure reçoit la même paye que les autres, où les vieux, les jeunes et un peuple entier deviennent prophètes.»
Les clés nous ont données de là-haut, mais c’est à nous de les utiliser !
Quelles sont-elles, ces clés ? Si on s’en réfère au sens de ce mot en usage dans le judaïsme de l’époque, on remarque qu’il est lié à l’enseignement, à la transmission de valeurs essentielles.
Ces valeurs sont données par Jésus dans les évangiles, notamment dans ses paraboles et son enseignement : foi, confiance, solidarité, respect de l’autre, s’en remettre à Dieu dans la prière, pardon, recherche de la paix, etc… sont autant de clés qui composent le trousseau de la panoplie du chrétien…
La découverte du Royaume des cieux est une aventure qui a commencé dès le début de la construction de l’Église; et elle se poursuivra tant que durera le chantier. Or, l’Église, c’est encore et toujours un chantier; nous avons encore des portes à ouvrir, nous devons encore apprendre à utiliser certaines clés qui nous échappent pour y parvenir.
Ce n’est pas un Royaume à attendre, pour après, dans un avenir incertain, qui viendra peut-être un jour, si tout va bien.
Non ! C’est un Royaume qui est déjà pour maintenant, même si nous n’en découvrirons tous les contours plus tard.
Le Royaume est là au moment et à l’endroit où l’on vit selon les valeurs de l’Évangile.
Je vous invite à prendre votre trousseau de chrétien et à penser à toutes les clés qui y sont attachées, toutes ces valeurs qui vous ont été données ou que vous avez acquises : écoute, respect de l’autre, confiance, capacité à encourager, honnêteté, fidélité, amour, patience, persévérance, solidarité, être un homme ou une femme de prière, disponibilité, capacité à communiquer sa bonne humeur… et on pourrait en citer tant d’autres ! Lesquelles de ces valeurs de vie vous appartiennent ?
Ce sont des cadeaux, des dons qui vous ont été donnés; mais ce sont aussi des responsabilités. Le danger, avec ces clés, c’est que l’on a parfois tendance à trop les laisser au fond de nos poches, ou dans un tiroir !
Or ces clés n’appartiennent pas qu’à nous, elles appartiennent à la communauté; c’est en les mettant au service des autres, en complémentarité les unes avec les autres, qu’elles construisent l’Église !
Personne n’a toutes les clés dans son propre trousseau; je suis obligée de compter sur les autres. De même, les autres comptent sur moi !
Dans le chantier de l’Église, personne ne peut dire : “mes dons sont insignifiants” ou : “un autre le fera mieux que moi” ou : “je ne sais pas faire grand-chose” !
Car peut-être, dans une situation précise, avez-vous justement la clé qui manque à l’autre, en face de vous ! Si vous n’intervenez pas, qui ouvrira la porte à votre place à ce moment-là ?
Ainsi, ouvrons votre cœur, et recherchons les clés qui pourrons ouvrir le cœur de l’autre ! Car c’est le chemin qui mène au Royaume.
Amen.