Lectures bibliques : Jean 20, 19-31 + 1 Pierre 1, 6-9
Message (Véronique Tschanz Anderegg)
Peu avant sa mort, j’ai passé quelques jours chez ma grand-maman. Elle m’a avoué qu’elle ne croyait plus en Dieu après la mort de ses 2 fils et de son mari. Pour croire à nouveau, elle avait besoin d’une preuve de la présence et de la bonté de Dieu.
Cette discussion d’il y a bien longtemps m’a fait penser à Thomas !
Souvent, on stigmatise ce dernier comme celui qui doute.
Or personnellement, je perçois Thomas plutôt comme celui qui a besoin de fortifier sa foi par une « vérification expérimentale » … un peu comme ma grand-maman !
Thomas est encore au stade où il comprend la foi comme un objet qu’il pourrait saisir avec les mains, une théorie qu’il pourrait prouver et transmettre.
Ce Thomas prend une place importante dans l’Evangile de Jean.
Il symbolise LA question de la communauté johannique de l’époque, à savoir : « Comment le Ressuscité se rend-t-il présent à celles et ceux qui ne l’ont pas connu ? ». (Il faut préciser que la communauté johannique n’a pas connu Jésus de son vivant)
Et ma Grand-Maman en est la preuve, cette question continue de nous perturber ! Nous avons besoin de preuves, de certitudes, du concret … pour nous, mais aussi pour convaincre les autres qui peinent à comprendre notre vie de foi !
Alors essayons de voir comment Thomas, enferré dans ses doutes, en arrive à prononcer cette magnifique confession de foi : « Mon Seigneur et mon Dieu ».
J’aime bien l’idée que le Christ donne une « rencontre de rattrapage » à Thomas ! Celui-ci était absent à sa première apparition, alors le Ressuscité accède à sa demande et vient se présenter lui-même devant Thomas.
Il n’a nul besoin d’être informé sur le doute de Thomas, il connait parfaitement les sentiments, les pensées qui se cachent au plus profond de chaque être humain. Jésus prend les sensations de Thomas au sérieux.
Thomas est donc mis en demeure de procéder à la vérification qu’il avait revendiqué !
Mais cette invitation est suivie d’une exhortation : « Cesse d’être incroyant, deviens croyant » !
L’intention profonde du Christ est de faire vivre à Thomas une expérience qui suscite la foi.
Cette parole du Christ transforme Thomas d’une double manière :
- Elle le renvoie à son identité profonde (sans complaisance, il est vrai !)
- Cette injonction critique permet au disciple de renaître à la foi… et lui rappelle que la foi n’est pas un exercice réussi dont le seul mérite reviendrait au disciple, mais que la foi est un don du Ressuscité !
C’est parce que le Ressuscité met en avant son égarement et qu’il se révèle à lui que Thomas peut croire. D’ailleurs, le texte laisse entendre que, finalement, le disciple n’a pas touché les blessures du Crucifié !
Et Thomas devient alors celui qui rappelle à tous les Chrétiens qui n’ont jamais côtoyé Jésus de son vivant que la foi renonce à vouloir faire exister le Ressuscité dans le domaine de l’explication scientifique et cartésienne.
La foi accepte que le Christ ressuscité et élevé soit désormais « hors de portée », totalement autre, qui n’appartient désormais plus au monde humain.
C’est cette nouvelle prise de conscience, cette révélation qui fait prononcer à Thomas la plus belle confession de foi de l’Evangile de Jean : « « Mon Seigneur et mon Dieu ».
Cette confession de foi fait écho aux toutes premières paroles de cet Evangile (relire Jean 1, 1 : « Celui qui est la Parole était avec Dieu . Il était donc avec Dieu au commencement ».
Le Christ élevé a trouvé sa place qui était la sienne au début de l’Évangile : il est auprès de Dieu, il EST Dieu.
Thomas a compris que désormais, le Crucifié-Ressuscité n’appartient plus au monde historique, mais au monde divin. Il n’est plus un objet que l’on peut saisir avec les mains, que l’on peut prouver, mais il est objet de foi, de confiance, de lâcher prise.
J’y vois également une part de mystère, de non maîtrise, de l’ordre qui dépasse notre compréhension humaine.
Comme pour les lecteurs de l’épitre de Pierre, nous sommes encouragés à « croire sans voir ». Le miracle de l’apparition du Ressuscité n’est pas nécessaire pour nous. Elle ne fait pas office de preuve de persuasion.
« Heureux ceux qui n’ont pas vu et ont cru »… la foi trouve son authentique fondement dans la Parole prononcée et annoncée par Jésus le Christ.
Et cela est une vraie promesse : notre relation avec le Christ et avec Dieu ne dépendent pas d’un événement ponctuel, mais bien par les paroles laissées, les histoires racontées par le Christ.
Je comprends dans la figure de Thomas un véritable encouragement : Dieu ne se manifeste pas seulement par des miracles et des preuves, il EST présent dans les mystères absolus d’une prière, d’une rencontre avec autrui, d’un lien familial, d’une relation à son animal, d’un paysage, d’un tableau, d’une musique.
Certes, nous n’avons pas vécu l’apparition du Ressuscité en direct mais sa Parole nous met en question, en mouvement, en chemin.
Certes, nous n’avons pas touché ses blessures, mais nous pouvons nous laisser entraîner dans une relation basée sur le don, la grâce et la confiance, au jour le jour.
Amen