Culte du 10 décembre 2023 à Môtiers – 2ème Avent
Textes bibliques : Es 40, 1-5.9-11 ; Marc 1,1-8
Prédication
De René Perret
À première vue, le texte d’Evangile m’a paru tellement connu que je doutais de pouvoir en tirer quelque chose qui puisse être intéressant !
Et voilà-t’y pas que, grâce à Dieu, Camille Focant, l’auteur de mon commentaire sur l’Evangile de Marc, m’ouvre les yeux d’une manière surprenante.
Jugez plutôt : d’après lui, il faudrait lire ce début d’évangile comme pour la deuxième fois ; comme si on l’avait lu une première fois (ou davantage).
Mais que cette deuxième fois, on soit attentif aux premiers mots de l’évangile.
Car ces premiers mots : « Commencement de l’Evangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu » sont en fait cinq cadeaux qui nous sont adressés.
Des cadeaux ? Alors, déballons-les !
Le premier, « Commencement ».
Ce terme nous fait penser au début de l’Evangile selon Jean : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. »
Nous autres réformés utilisons plutôt le terme de Parole : « La Parole était avec Dieu… ». Mais la traduction liturgique catholique, comme celle de la TOB (Traduction Œcuménique de la Bible) parlent du « Verbe » ; ce qui, à mon avis, est plus dynamique, et induit une action.
On y parle donc ici de Jésus, qui est le Verbe de Dieu, qui est depuis que Dieu est ; et qui va venir prendre chair et nous rejoindre. C’est le « Noël » de Jean, alors que Luc parle des bergers et Matthieu des mages.
Mais un autre Commencement nous vient : celui de la création de l’Univers, en Genèse 1.
Nous avons, grâce à nos frères ainés juifs, foi en un Dieu qui a appelé à la vie toutes choses de l’Univers, et qui a confié la Terre clé-en-mains à l’humain, qu’il a voulu à sa ressemblance, homme et femme.
Ce commencement est un don qui nous est fait aujourd’hui encore : Dieu a confiance en nous pour que nous prenions soin du vivant sur toute la terre.
Notre monde est dans un triste état, mais au nom de la responsabilité qui est la nôtre, gérants de la Création, nous ne pouvons pas baisser les bras. Nous pouvons agir à notre échelle, nous pouvons soutenir ceux qui avec nous veulent la vie de tous sur la terre ; nous pouvons prier pour que Dieu les inspire, et nous avec.
Ainsi, nous sommes ici à un Commencement de l’histoire du monde, un nouveau départ. Ce commencement est réjouissant depuis 2000 ans, comme le sont nos commencements personnels et communautaires. Nos sens sont en éveil devant un commencement annoncé.
Deuxième cadeau, « l’Evangile ».
L’Evangile, ou la Bonne Nouvelle, traduisons ce terme par le synonyme français de « heureuse annonce ».
Une heureuse annonce est une parole que l’on attend, dont on se réjouit, qui nous étonnera et nous fera du bien. Quelle est l’heureuse annonce que notre cœur attend ?
Ce peut être une naissance proche (comme pour moi, celle du premier enfant de ma fille cadette, prévue pour ces prochains jours). Mais nous avons tous en nous des heureuses annonces que nous espérons, que nous attendons, ou qui nous surprennent et nous réjouissent.
Nous sommes donc ici au commencement d’une heureuse annonce, attendue depuis longtemps par le peuple de Dieu. Et quand on espère depuis longtemps, notre attente est d’autant plus vive. Nous sommes le cœur battant : quelle est cette heureuse annonce qui vient ?
Troisième cadeau : « Jésus ».
Jésus n’est pas qu’un prénom ; c’est un programme parce que sa signification en hébreu est : « Dieu sauve ».
Un Dieu qui sauve ; qui libère, qui pardonne, qui accueille sans réserve.
Jésus a donc un nom qui dit l’action qu’il va déployer tout au long de son existence : il est Dieu qui sauve. Par sa présence, par ses paroles comme par son écoute, par ses gestes, par l’entier de son être et de son parcours, il ne cesse de libérer, rejoindre, aimer.
Et parce qu’il a vaincu la mort en passant par la Croix, il continue d’agir ainsi pour nous, en nous.
Quatrième cadeau : « Christ ».
On parle souvent de Jésus-Christ, et cela résonne comme un prénom double, Jean-Paul par exemple.
Ici, il est Jésus, Christ. Christ signifiant qu’il est le Messie, celui que Dieu a promis à son peuple pour sa libération ultime, celui qui accomplira toute sa volonté.
Plus tard dans l’évangile, Pierre le reconnaîtra, par un cri du cœur découvrant
cette heureuse annonce : « Tu es le Messie ! »
Ainsi, en Jésus, nous avons Dieu qui sauve, par Celui qu’il a choisi de toute éternité pour nous et pour tous les vivants. Il est le Chemin, la Vérité et la Vie ; mais le caractère unique de sa présence et de son don ne s’imposent pas comme une évidence ; ils s’invitent à la porte de notre cœur, ils ont besoin de notre confiance libre pour déployer leurs effets.
Ce Messie vient à nous comme un enfant pauvre ; il agit en nous et entre nous comme un serviteur. Ce faisant, il retourne en nous tous nos désirs de puissance, de pouvoir, de maîtrise. Aujourd’hui encore !
Cinquième cadeau : « Fils de Dieu ».
De ce Dieu dont le nom n’est pas prononcé tant il est saint, Jésus le vit comme son Père, dans une communion totale. Il nous le propose comme notre Père, nous encourageant à l’appeler « Abba, Papa ».
Et si nous pouvons appeler Dieu notre Père, et le considérer comme tel, c’est que nous sommes, par Jésus, frères et sœurs.
Notre famille, on y est entré par la naissance ; on ne l’a pas choisie. La famille des enfants de Dieu, nous y entrons par la foi et le baptême ; nous ne l’avons pas choisie, elle nous est donnée pour que nous en découvrions les richesses que contiennent ses diversités.
Dans notre monde de fin de chrétienté, nous sommes nés chrétiens, comme nous sommes nés Suisses, ou d’une autre nationalité.
Mais être chrétien, en vrai, c’est se reconnaître membre de cette famille des enfants de Dieu ; c’est l’avoir choisie à un moment de notre vie, et en vivre les valeurs et les responsabilités.
Commencement de l’heureuse annonce de Jésus, Christ, Fils de Dieu.
Continuons à puiser dans ces cadeaux, par notre réflexion, notre prière, notre adoration, notre silence aussi.
Une sœur de Grandchamp m’écrivait récemment : « Je vous souhaite un très bon temps de l’Avent. Selon moi, c’est le plus beau temps liturgique !! »
Je l’entends dire cela avec son sourire et son accent mélodieux venu des Balkans.
Son souhait, je vous l’adresse aussi.
Que notre attente grandisse, nous encourageant à la confiance et au partage.
Alléluia ! Amen.