C’est l’Avent. Qu’est-ce qu’on attend?

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2 Pierre 3,1-14

Marc 1,1-8

Prédication de David Allisson – 7 décembre 2014
2e dimanche de l’Avent

Nous voilà embarqués dans une drôle d’histoire. C’est le deuxième dimanche de l’Avent aujourd’hui. L’Avent, c’est le temps de l’attente. L’Avent, c’est l’annonce du moment où Dieu advient dans le monde. La naissance de Jésus est l’événement par lequel s’accomplit la promesse de la venue de Dieu dans l’humanité. Bien sûr, Dieu était déjà là avant. Il dialoguait déjà avec les croyants et même parfois avec des croyants en devenir. Mais à la naissance de Jésus, Dieu montre qu’il est prêt à partager le destin de l’humanité. Dieu est prêt à se montrer dans une vie semblable à la nôtre. Il est prêt à assumer des veines où coule le même sang que le nôtre. Dieu vient respirer le même air que l’humanité.

Alors voilà, c’est arrivé il y a 2000 ans et pas grand-chose n’a changé, vous ne trouvez pas ? Et cela, on s’en est rendu compte rapidement puisque c’est justement la question à laquelle essaie de répondre la 2e épître de Pierre : « Il a promis de venir, n’est-ce pas ? Eh bien, où est-il ? » (2 Pi 3,4)

Déjà à ce moment-là, déjà au début de l’Eglise, être chrétien, être Eglise, cela se passait dans un monde en crise. Aux temps de la première Eglise il fallait déjà se situer, comme chrétien, face à des adversaires. Il fallait subir l’adversité.

Pourtant, depuis la naissance de Jésus, depuis l’œuvre, la mort et la résurrection du Christ, la graine de l’espérance est plantée. La Vie de Dieu a arrosé cette graine qui a germé et qui grandit. Le souffle de l’Esprit Saint rafraîchit cette graine d’espérance et la stimule.

Au début de l’Eglise, on attendait le retour de Jésus comme certains attendent Noël aujourd’hui : avec une attente si grande qu’elle ne pouvait qu’être déçue. Les lumières de Noël annoncent la trêve, la paix, la joie, l’amitié entre tous et l’amour dans les familles.

Jésus a dit aux premiers disciples : « Je reviens bientôt ». C’est une promesse qui a vraiment boosté l’Eglise des premiers temps : On se prépare à ce retour qui sera aussi la mise en place définitive du Royaume de la présence de Dieu. On vend tout, on donne tout. On partage tout et on vit sans possessions et très simplement.

Il n’y aura plus besoin de tout ça puisque Jésus a dit qu’il allait revenir bientôt. Les souffrances et la mort seront bientôt vaincues.

Mais comme pour nous quand Noël ne parvient pas à effacer les conflits familiaux ou les difficultés des uns ou des autres, le temps a passé sans qu’on voie le retour du Christ. La déception gagne les rangs des chrétiens. Les moqueries fusent. C’est la crise.

Et de nos jours, que cela soit dans l’Eglise ou dans le monde en général, ce ne sont pas les crises qui manquent. Dans la session du Synode qui s’est tenue mercredi, il a été question de finances de l’EREN, de diminution du nombre de postes, du manque de vocations pour repourvoir les postes qui restent. On pourrait ajouter la question de l’indifférence des gens pour la foi et l’Eglise, la lourdeur des structures des institutions, et aussi pendant que j’y suis les scandales éthiques qui apparaissent par ci par là.

Voilà rien que pour l’Eglise.

Et il faut continuer avec les crises de la société : le canton de Neuchâtel a encore plus de mal que notre Eglise à se trouver un budget, des salariés des fonctions publiques sont mécontents de leurs conditions de travail, les difficultés politiques alternent avec les scandales impliquant des politiciens. Et dans la société et le monde plus largement : crises économique, politique, écologique, climatique. En trois mots : le monde va mal.

Il y a péril en la demeure.

Où est donc le Seigneur et pourquoi tarde-t-il ?

Dans ce contexte périlleux, la réponse de la deuxième épître de Pierre peut avoir de quoi surprendre : « Le Seigneur ne tarde pas à réaliser sa promesse, comme certains le pensent. Mais il use de patience envers vous, car il ne veut pas que qui que ce soit aille à sa perte ; au contraire, il veut que tous aient l’occasion de se détourner du mal. » (2 Pi 3,9)

S’il y a retard dans la réalisation de la promesse, ce n’est pas pour rien. Il y a une raison et cette raison c’est la patience de Dieu. Cette patience s’exprime par son désir de sauver les humains. En plus, l’attente dans laquelle nous sommes n’est pas une attente passive comme on peut parfois se sentir quand on attend le train. L’auteur de l’épître retransmet cet appel du Seigneur à remplir l’attente par notre engagement chrétien dans le monde.

Oui, il faut aussi le dire : le monde n’est pas seulement en perdition. Il est aussi justement ce monde où Jésus est né. Il est aussi le monde où se manifeste la Vie de Dieu.

C’est dans nos vies, même cabossées, que Dieu fait souffler sa Vie et développe l’espérance.

Je vais même jusqu’à dire que notre vie, même blessée, même pleine de doute voire de révolte, notre vie prend son sens dans l’attente active.

Notre attente devient active quand nous cessons de vivre selon nos propres désirs, comme le dit l’épître de Pierre (2 Pi 3,3). Je vis selon mes propres désirs quand je n’imagine le monde que comme étant au service de mes besoins et de mon confort. Arrêter de vivre selon mes propres désirs me demande de changer de point de vue. Arrêter de vivre selon mes propres désirs me demande de me convertir. 2 Pierre et l’évangile de Marc en parlent avec le même mot grec de métanoïa : la métanoïa, c’est la conversion, c’est à dire le changement de direction, changement de vision des choses, une réorientation.

C’est le « changez de comportement » (Mc 1,4) que Jean le Baptiste demande à ses concitoyens. C’est aussi « l’occasion de se détourner du mal » (2 Pi 3,9) de la deuxième épître de Pierre.

Dans la perspective du Nouveau Testament, ce changement de direction veut bien sûr dire se réorienter dans la direction de Dieu.

Quelle sera notre conversion, dans l’attente de Noël ?

Hé, bien, pour commencer, je vous propose d’arrêter de croire au Père Noël. Cela veut dire nous engager personnellement pour la paix, la joie et la lumière de Noël. L’aspect douillet de Noël ne va pas nous tomber dessus si tout le reste de l’année, nous ne nous engageons pas pour cela.

En allant vers Noël en paix avec nous-mêmes et prêts à partager la paix que Dieu met en nous en faisant la paix avec les autres, Noël sera davantage un Noël de paix.

En nous laissant illuminer de la lumière qui parvient à percer dans notre monde par l’action des autres et du Christ, nous éclairerons aussi Noël de cette lumière d’espérance. Dans notre monde et par les éléments qui s’y trouvent, Dieu se montre. L’énergie de la Vie de Dieu illumine la création. Le monde n’est pas seulement un environnement que nous avons à protéger ou à exploiter. Le monde est création de Dieu dont nous faisons aussi partie et qui rayonne de la présence de Dieu.

La paix et la lumière que nous emmenons vers Noël inciteront les autres à s’ouvrir à la paix et à la lumière qui viennent de nous et qui viennent aussi de celui qui est plus grand que nous et que Jean Baptiste annonçait déjà (Mc 1,7). Cela sera comme une plante d’espérance qui continue de pousser lentement et avec toute la force de la nature. Et la joie du Seigneur deviendra aussi notre joie.

Il n’y a pas de raison d’y renoncer parce que c’est la crise multifacettes autour de nous. Dieu a déjà manifesté sa présence au travers de tellement de crises.

L’espérance n’est pas morte. Elle ne demande qu’à être arrosée. Une phrase qu’on dit être du réformateur Martin Luther nous invite à cette espérance devant toutes les crises. Cette phrase dit l’attente active à laquelle nous sommes appelés : « Si l’on m’apprenait que la fin du monde est pour demain, je planterais quand même un pommier aujourd’hui ! »

Amen