Prédication du 4 août 2024 – Culte aux Verrières
de Guillaume Klauser
Lecture :
Jean 6, 30-35
Chers frères et sœurs en Christ,
Il est parfois difficile de saisir sur le moment la portée d’un événement. Nous vivons tous cela dans nos vies. Une chose en chasse une autre, une émotion vient en remplacer une autre, et la vie avance…
C’est en tout cas tout à fait ce que je vis ces temps, après une année passée sur différents chemins, qui m’ont conduit à traverser l’Italie à vélo puis à vivre 6 mois comme volontaire dans la communauté de Taizé. Beaucoup de lieux, de gens, de situations rencontrées, et difficile de réaliser tout ce qui a été vécu.
Nous avons besoin de temps pour comprendre, pour saisir, pour entrevoir la réalité de ce que nous vivons. Que ce soit en bien ou en mal, d’ailleurs. Parfois, lorsqu’une difficulté surgit, nous devons agir, prendre des décisions sur le champ… et ce n’est que plus tard que nous percevons le sens profond des événements.
Eh bien notre texte du jour prend exactement la mesure de ce temps qui est nécessaire. Il faut situer cette relecture de l’épisode de la manne dans le désert par Jésus dans le contexte de ce chapitre de l’évangile selon Jean. Si on parcourt ce chapitre 6, on constate une chose intrigante : Jésus commence par nourrir une foule nombreuse. Premier signe. Puis, il marche sur le lac. Deuxième signe. Et immédiatement à la suite, voici notre texte, où la foule demande : « quel signe peux-tu nous faire voir pour que nous te croyions ? ». Cela ne manque pas d’une certaine ironie. Jésus vient de nourrir 5000 personnes par un signe tout à fait hors du commun, tous voient le miracle, mais immédiatement après posent cette question : « quel signe peux-tu nous faire voir pour que nous te croyions ? ».
Oui, intégrer, apprendre, relire les événements n’est pas toujours évident, et cela ne se fait pas tout seul, du premier coup. Jésus vient de distribuer du pain, mais visiblement, les disciples et tous ceux qui étaient là n’ont pas saisi la portée du geste de Jésus.
L’évangéliste Jean l’a très bien compris. La foi n’est pas quelque chose que l’on intègre vite fait, une fois pour toute. Apprendre la foi n’est pas apprendre à faire du vélo. Apprendre la foi, c’est tout un programme, que Jean essaie de nous exposer.
Comprendre Jésus comme pain de vie, rien de plus difficile, même dans le cas où l’image nous semblerait familière. Jésus qui nourrit la foule nombreuse n’a visiblement pas réussi à faire comprendre qu’en fait, c’était lui le pain qui se donne à tous.
Alors Jésus multiplie les signes. Les signes, ce sont des miracles qui veulent susciter la foi. Et si cela ne marche pas, si l’incrédulité et l’indifférence continuent à régner, alors Jésus prend la parole et explique, patiemment et inlassablement, durant de nombreux versets. Il parle de lui et, ce faisant, de Dieu. Petit à petit, ceux qui l’écoutent entrevoient quelque chose, ils perçoivent la réalité de la personne de Jésus.
Chacun, chacune d’entre nous a un vécu, une expérience liée à la foi. Pas toujours de manière flamboyante, mystique ou puissante. Non, la foi est aussi celle qui doute, qui ne sait pas où elle en est, celle qui est toute petite. Mais quelle que soit l’expérience que l’on a de la foi, quelle que soit notre étape dans la recherche de Dieu, nous ne sommes pas différents des disciples ou de la foule qui suivait physiquement Jésus. Nous avons, nous aussi, besoin de cheminer jour après jour, de découvrir encore et encore, de « goûter et de voir comme est bon le Seigneur », comme prie le Psaume 34. Comprendre Jésus comme « pain de vie » n’est pas une affaire de connaissance, d’entraînement ou d’exercice. C’est un cadeau qui nous est fait. Quelque chose d’étonnant et de gratuit.
Ce n’est pas pour rien que Jésus convoque le récit de la manne dans le désert lorsqu’il veut parler du don que Dieu nous fait. La manne, c’était ce pain qui ne se possédait pas, qui ne se plantait pas, qui ne se conservait pas. C’était ce pain qui était donné. Ce pain toujours inattendu, toujours étonnant. C’est d’ailleurs le nom qu’il portera : la manne, en hébreu « Man-hou », qui signifie « Qu’est-ce ? », « Qu’est-ce que c’est ? ». C’était donc le pain étonnant, une surprise dans la vie des hébreux.
C’est peut-être là que ça se corse. Comment apprendre à recevoir ? Manger du pain, c’est bien, mais il faut aussi avoir la capacité à ressentir le goût du pain. Il y a des civilisations qui se nourrissent comme aliments de base, chaque jour, de riz ou de maïs, sans jamais se lasser. Eh bien il en va de même ici : comment puis-je avancer sur mon chemin de foi, sans me lasser ?
Apprendre à recevoir le don de Dieu, c’est la quête de toute une vie, jour après jour. « Je suis le pain de vie », dit Jésus. « Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ». Venir à Jésus, c’est le recevoir. C’est lui ouvrir notre porte et l’accueillir, lui qui est la source qui étanche notre soif de plénitude.
Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Peut-être qu’apprendre à recevoir, c’est aussi prendre le temps de s’arrêter, un peu chaque jour. Ecouter les signes de sa présence dans nos vies. Prendre le temps de discerner « le don d’une présence déposé en chacun », pour reprendre une expression du frère François de Taizé.
Et rendre grâce. Oui, s’arrêter, écouter, discerner et remercier. La gratitude est très belle lorsqu’elle surgit dans un élan spontané. Mais c’est aussi une posture que l’on peut choisir de vivre, une posture à laquelle on peut choisir d’être attentif. « Je veux louer le Seigneur ! Je veux l’acclamer toute ma vie, célébrer mon Dieu par mes chants tant que je vivrai », dit le psaume 146 que nous avons déjà entendu aujourd’hui.
Prendre le temps de m’arrêter, d’écouter, pour apprendre à recevoir la manne, pour recevoir Jésus et l’approcher chaque jour un peu plus. C’est le chemin auquel il nous invite, c’est le chemin que, quel que soit notre passé, nous pouvons emprunter et sur lequel je me réjouis de marcher avec vous dès aujourd’hui.
Je vous invite à la prière pour conclure.
Seigneur Jésus, merci pour ta patience. Sans te lasser, par différents moyens, tu te fais connaître. Tu te présentes comme le pain qui nous fait vivre, comme celui qui rassasie notre quête de plénitude, celle qui concerne tous les humains. Tu as accompli des miracles, non pour que nous croyions aveuglément, mais pour nous donner des signes du don de Dieu que tu es, toi, dans notre vie. Tu nous ouvres à ta présence, don gratuit toujours surprenant. A nous d’apprendre à te recevoir, à percevoir dans notre vie les signes de l’amour du Père pour nous, à nous de rendre grâce. Oui, Seigneur, nous te rendons grâce pour tous tes dons.
Amen
Des mots pour prier et être en vérité devant le Dieu qui nous aime…
Ne m’oublie pas, toi qui m’aimes tant !
Seigneur, ne m’oublie pas quand je t’oublie, quand j’oublie d’où je viens, quand j’oublie que je suis ton enfant, quand j’oublie que tu es ma source.
Ne m’oublie pas, quand j’oublie de contempler le monde auquel j’appartiens, quand j’oublie la reconnaissance qui me dit tous les liens qui me constituent, quand j’oublie la joie au cœur de ta création.
Ne m’oublie pas, dans mes solitudes, dans mes regrets, dans mes inquiétudes, dans mes ressentiments. Seigneur, ne m’oublie pas : c’est ton souvenir qui me tient en vie.
Amen !
Une Parole à recevoir comme on reçoit son amour…
« Tu es mon Fils bien-aimé, je mets en toi toute ma joie ! » (Marc 1, 11)
C’est par cette parole que Dieu a accueilli Jésus, le jour de son baptême.
« Tu es mon fils bien aimé, tu es ma fille bien-aimée, je mets en toi toute ma joie ! » : c’est par cette même parole que Dieu t’accompagne dans ta vie. Que toi aussi, qui te tourne vers Dieu avec confiance, tu reçoives de lui la certitude de son amour. Toi qui as faim et soif de sa présence, il vient demeurer en toi, te fortifier et te guider. Amen !
Des mots pour prier les uns, les unes pour les autres
Seigneur notre Dieu,
Nous te prions pour l’Église en chemin : qu’elle prépare ta venue, qu’elle désigne l’injustice par son nom et qu’elle éclaire par la vérité celles et ceux qui sont à ta recherche.
Nous te prions pour notre paroisse, qui vit de nombreux changements. Que ta paix mette en nous la confiance et la joie d’aller de l’avant.
En ce début de mois d’août, nous te prions pour toutes les personnes qui exercent une influence dans la vie publique : qu’elles n’oublient pas leurs responsabilités dans la gestion des biens de la terre et qu’elles aient le souci du bien-être de tous les humains.
Nous te prions pour les personnes stressées et surmenées : qu’elles trouvent un espace pour reposer leur corps et leur âme.
Nous te prions les uns pour les autres : garde nos sens en éveil, pour que nous percevions les signes de ta venue et que nous reconnaissions ta présence parmi nous.
Et dans le silence, nous te confions les personnes et les situations qui nous tiennent particulièrement à cœur.
Dieu vivant, pain de vie, écoute et reçois notre prière, par Jésus Christ, notre Sauveur, béni pour les siècles des siècles.
Amen !
Une Parole pour poursuivre le chemin, dans son amour et sa bénédiction
Que le Seigneur te bénisse et te garde. Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage et te montre sa grâce. Que le Seigneur tourne vers toi son visage et te donne la paix. (Nombres 6, 24-26)
Va donc dans la paix et la bénédiction de notre Dieu qui se révèle à nous comme Père, Fils et Saint-Esprit. Amen !
[1] Sources :
- Aides à la prédication et prédications des pasteurs F. Gangloff, J.-M. Thallinger et C. Mourlam, disponible sur https://acteurs.uepal.fr/
- Commentaires de J. Zumstein (L’Evangile selon Saint Jean (1-12), Genève, 2014) et de J. Shelby Spong (Le quatrième évangile. Récits d’un mystique juif chrétien, Paris, 2021)
- J. Zumstein (L’apprentissage de la foi, Genève, 2015)
- Supplément aux Cahiers Evangile 140 (Les récits fondateurs de l’Eucharistie, Paris, 2007)
- Fr. François, de Taizé (Le don d’une présence, 2002)