Message de Véronique Tschanz A., selon texte biblique de Luc 1, 39-55
Je raconte une anecdote vécue : un train en panne a donné lieu à des comportements pour le moins surprenants : tout le monde se précipite sur son téléphone portable pour annoncer un retard ou chercher une autre correspondance, les gens s’en prennent au chauffeur de bus qui nous conduit à la gare (le pauvre, il n’en peut vraiment rien !), les gens se mobilisent pour porter plainte contre les CFF, certaines personnes restent calmes.
Par le biais de cette histoire vécue, je fais le constat de notre difficulté à nous ouvrir à l’imprévu et à l’inattendu…
Je connais un tout petit peu une femme qui après des doutes, des questionnements et des objections, a su, pu s’ouvrir à l’imprévu…Marie !
Elle s’ouvre, accepte l’imprévu. Elle franchit un pas et elle fait confiance. C’est seulement à ce moment-là qu’elle peut s’abandonner au Merveilleux.
Tout son corps, chacune de ses paroles proclament :
« Oui, je sens, je touche, je perçois la grandeur de Dieu.
Oui, je VIS une joie intense, je vibre à cette vie qui palpite en moi.
Oui, je vois, je ressens cette réalité incroyable d’être reconnue, aimée par Dieu, moi la servante insignifiante du bas de l’échelle ».
Le divin, la nouveauté, le merveilleux ont fait irruption dans la vie de Marie.
Elle le ressent, même si elle ne sait pas encore que cet enfant va faire exploser tout ce qui était bétonné dans la religion juive : la terre sacrée, le peuple élu, la loi, les rituels…
Naîtra alors un Dieu qui fait se lever son soleil sur les bons comme sur les méchants.
Naîtra alors un Dieu qui se solidarise avec les petits.
Naîtra alors un Dieu qui donne gratuitement, à toutes et à tous.
Naîtront alors des nouvelles façons de percevoir les femmes, les esclaves, les laissés pour compte.
Naîtront alors des nouvelles manières de vivre ensemble…
Et nous ? A quand remonte notre dernière rencontre avec l’imprévu et le merveilleux ?
Quand avons-nous ressenti ces sensations de joie profonde, de sérénité, de libération ?
On aurait tendance à voir Marie comme une privilégiée… le divin avait mis le paquet : un ange, une grossesse miraculeuse, Marie ne pouvait pas passer à côté du message ! Alors que pour nous, la communication est parfois plus obscure !
Il n’empêche que la question demeure : « Restons-nous ouverts au Merveilleux qui fait irruption dans nos vies ? » Ou nous cantonnons-nous dans nos peurs, notre confort, nos objections ?
Le Merveilleux n’a heureusement pas seulement les mots pour surgir dans nos vies : il y a la musique, la nature, la prière, les voyages, les rencontres, le silence, les obscurités de l’existence…
Et c’est précisément dans une de ces noirceurs de la vie que j’ai été amenée à vivre une des plus belles ouvertures au Merveilleux.
Lors de mes visites à l’hôpital, j’ai rencontré un jeune père de famille, sportif de haut niveau. Il se battait contre un cancer.
Il n’avait pas voulu mettre ses enfants au courant de son état et ne souhaitait pas voir sa famille lors de ses hospitalisations.
Les traitements étaient douloureux, longs et n’apportaient pas l’effet escompté. Le monsieur devenait toujours plus distant avec sa famille. Il ne venait plus aux séances de traitement. Nous n’avions aucunes nouvelles de lui.
Un matin, j’ai été le trouver à son domicile. Il était seul, recroquevillé sur le canapé, perclus de douleurs, mais toujours dans la volonté de ne rien laisser transparaitre autour de lui.
Nous avons échangé longuement. Ensemble, nous en sommes arrivés au constat qu’il était un papa et un mari magnifique, qu’il s’était battu comme un lion, mais que maintenant, il avait le droit de lâcher, de préparer ses enfants, ses proches à sa mort et de jouir avec eux du peu de la vie qui restait devant lui.
J’ai vu alors cet homme se déplier littéralement de son canapé. Il s’est levé et a commencé à établir une liste de ce qu’il avait envie de régler et de vivre.
Cette histoire peut paraître sombre et certains pourraient objecter : « où est le Merveilleux dans tout cela ? »
C’est vrai qu’il n’y a pas de guérison physique dans cette situation. Mais le Merveilleux est entré dans la vie de cet homme sous la forme d’un lâcher prise, d’une acceptation, d’une mise en mouvement, d’une sérénité retrouvée.
Oui, le Merveilleux peut prendre des formes inattendues, improbables.
Il peut adopter la couleur d’un pardon, revêtir l’habit d’une crainte apaisée, avoir le goût d’un amour retrouvé, se parer d’une sensation de paix et de joie profondes.
Tout à l’heure, nous prendrons congé de plusieurs collègues et nous en accueillerons d’autres au sein de l’EREN.
A chacune, chacun (mais bien sûr aussi à toutes les personne présentes dans cette assemblée !), je ne peux que souhaiter de rester ouverts à l’imprévu, à l’inattendu afin de toucher, sentir, voir, goûter le Merveilleux qui fait sans cesse irruption dans nos vies. Amen