Ne pas passer à côté de mon Prochain… toute une histoire!

Cultes radiodiffusés depuis Travers – 7, 14 et 21 juillet 2019

Culte du 14 juillet 2019

Prédication de Véronique Tschanz Anderegg  à réécouter grâce à ce lien sur www.celebrer.ch ou texte à relire sur ce document pdf – lien

Lecture de la Bible

Luc 10,25-37

Message de Véronique Tschanz Anderegg

Qui n’a jamais vécu l’expérience douloureuse de « passer à côté » ? Passer à côté d’une rencontre, d’une opportunité de se mettre à l’écoute.

Passer à côté de s’arrêter pour admirer un coucher de soleil, passer à côté des joies et des peines de mes enfants, mes voisins, mes amis.

Je pense que, comme le prêtre et le Lévite de la parabole, nous passons souvent à côté les uns des autres, ou pour l’exprimer autrement : nous passons à côté de notre prochain.

Mais qui est mon prochain ?

Cette question posée par le docteur de la loi à Jésus posait un réel problème aux rabbins de l’époque.

Les pharisiens et esséniens considéraient comme des prochains seulement ceux qui faisaient partie de leur confrérie.

La majorité des rabbins enseignaient que tous les Juifs, tous les membres du peuple élu, étaient des prochains ; par-contre, ils estimaient que le commandement d’amour ne concernait ni les païens ni les idolâtres.

Enfin, il existait des rabbins très ouverts, qui pensaient que tous les êtres humains étaient des prochains, quelles que soient leur race, leur nationalité, leur religion.

Jésus se positionne clairement en faveur de cette dernière façon de voir: le commandement d’amour s’étend à tous les êtres humains.

Mais il va beaucoup plus loin. Jésus raconte la parabole pour que la réponse soit apportée du point de vue du blessé.

Car si on avait posé la question « qui est ton prochain ? » au blessé, il aurait pu répondre ceci:  « je m’en fiche complètement de vos débats théologiques, j’aimerais juste vous ne passiez pas à côté, que vous vous arrêtiez. Ça m’est égal que vous soyez prêtre, Lévite ou un Samaritain impur, mais regardez-moi, reconnaissez ma souffrance ».

Le vrai problème, ce n’est pas le débat théologique du docteur de la loi. Ce n’est pas MON interprétation qui est importante… Non ! La vraie urgence, c’est cet homme blessé, à terre, démuni et souffrant.

Et c’est peut-être une 1ère piste pour découvrir qui est mon prochain : pour avoir des prochains, je dois apprendre à me décentrer de moi-même, à m’ouvrir à d’autres façons de penser, sans me renier, mais en élargissant mon horizon d’expériences et de rencontres.

La 2èmepiste, c’est de voir mon prochain comme celui qui s’approche de moi, qui ne passe pas à côté, qui s’arrête pour m’aider, pour partager mes joies, pour réaliser mes rêves.

Parfois, par fierté, par pudeur ou par peur, nous n’osons pas demander de l’aide… et nous passons à côté de cette réalité humaine : nous sommes dépendants les uns des autres.

Il ne faut jamais oublier la force que nous recevons de celles et ceux qui nous entourent ou que nous rencontrons au détour de chemin.

Notre route est jalonnée de Samaritains qui se sont faits nos prochains et qui nous ont fortifiés.

Tout à l’heure j’ai fait allusion à nos ratés, à nos expérimentations d’avoir « passé à côté » de notre prochain. Que fait-on avec ce constat ?

On pourrait avoir des regrets, des remords, de la culpabilité ? On pourrait s’autoflageller, pleurer , s’enfermer, et renoncer à toute tentative de vivre ensemble?

Mais on pourrait aussi examiner la parabole et y observer tous ses protagonistes.

Je pense que nous pouvons nous identifier à tous les personnages. Nous avons tous été un jour ou l’autre :

Brigands, de par notre violence,

Prêtre, de par notre indifférence,

Lévite, de par notre rigidité légaliste,

Blessé, de par la Vie

Samaritain, de par notre amour désintéressé,

Ane, de par notre partage de fardeaux avec d’autres,

Aubergiste, de par notre aide intéressée.

Ils sont tellement comme nous ces personnages. En eux se côtoient : ombres et lumières / fragilité et force / violence et douceur / peur et courage / maltraitance et soin.

Le risque alors serait de se montrer fataliste et de se dire que finalement, que nous soyons l’un ou l’autre, ça ne fait pas une grande différence.

Le piège consisterait à se résigner et à prétendre que ce n’est pas grave, « c’est la vie » d’être un moment Lévite et une autre fois Samaritain.

Mais on pourrait aussi explorer une 3èmepiste :

Quand nous sommes Samaritains et que nous sommes dans l’amour du prochain, c’est Dieu qui agit. A notre insu, Dieu se rapproche de nous et finalement devient notre prochain.

Ainsi, le mot prochain prend une signification beaucoup plus large : il n’est plus seulement celui qui est en face de moi, mais Dieu est devenu mon tout proche, mon prochain.

Dieu se rend présent à travers nous, imparfaitement bien sûr. La seule exception est Jésus qui vivait pleinement en conformité avec Dieu.

Si Dieu devient mon prochain, il n’est plus le lointain, l’inaccessible, comme on le désigne parfois.

Nous rejoignons ainsi le passage du Deutéronome que nous avons entendu tout à l’heure. Si on remplace « commandement » par le mot « Dieu », cela donne :

« Dieu n’est pas difficile à atteindre. Il n’est pas au-delà des mers et nous n’avons pas à aller au-delà de la mer pour le trouver. Dieu est tout proche, il est dans ta bouche et dans ton cœur pour que tu mettes sa volonté en pratique. »

Oui, c’est vrai, nous passons à côté de notre prochain et nous peinons à vivre ensemble, que ce soit dans nos cercles familiaux, paroissiaux, professionnels et autres.

Mais c’est évident que nous sommes aussi des Prochains les uns pour les autres et que nous nous rencontrons dans l’authenticité, la simplicité et l’amour.

Pour illustrer ce constat, j’aimerais vous parler d’une personne qui m’a beaucoup marquée. C’était lors d’un remplacement dans un centre de soins palliatifs.

Une dame est arrivée très diminuée. Elle était au clair sur sa mort proche. Sa souffrance se situait autour de toutes les choses qu’elle ne  pouvaient désormais plus accomplir : elle m’a établi une liste : elle serait désormais incapable de marcher, de faire la cuisine, d’accompagner sa famille, de faire le ménage de se subvenir à elle-même.

Mais elle a ajouté : « Heureusement, je pourrai encore « ETRE » !  J’ai trouvé cette réponse tellement belle et profonde.

Je l’ai alors invitée à établir une liste de tout ce qu’elle pourrait encore ETRE : une Epouse, une Maman, une femme de foi et de prières, une femme d’espérance, un témoin de la Beauté de sa vie.

Je suis très reconnaissante envers cette dame, car elle m’a rappellé quelque chose d’’essentiel : la question du prochain se joue aussi dans l’ETRE et pas seulement dans le FAIRE.

ETRE dans la vérité, dans l’authenticité, dans ses forces comme dans ses fragilités, c’est accorder de l’importance aux autres et à soi-même. C’est respecter sa condition d’être humain, faillible, capable du meilleur comme du pire, et voulu ainsi par Dieu.

Alors bien sûr, rien de nous empêche d’essayer de faire mieux dans l’ETRE et même dans le FAIRE ! Bien sûr, que nous pouvons toujours apprendre à être un le prochain, à aider, à aider notre prochain.

Mais nous pouvons avancer sur le chemin de l’existence en toute sérénité, et dans cette confiance absolue que c’est d’abord Dieu qui est notre prochain.

C’est parce que je me sais aimé de Dieu que je peux l’aimer et, dans un même mouvement, aimer mon prochain… , celui là même qui est aussi enfant de Dieu.
Amen