Message d’Eric Bianchi pour les cultes des 22 juin 2019 à Môtiers et 23 juin à Fleurier
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Lecture de la Bible
Genèse 14,18-20
1 Corinthiens 11,23-26
Luc 9,11-17
La Sainte-Cène : Soyons des témoins vivants et des acteurs de l’amour du Christ !
Voilà 3 textes qui ouvrent l’appétit ! Du pain en suffisance, des poissons, du vin…
Oui, voilà qu’on commence à ressentir quelques gargouillis à l’estomac… Mais vous savez, je pense que le lien entre ces 3 histoires nourrit bien autre chose, et que ce quelque chose lui aussi, réclame d’être nourri.
Aujourd’hui, lorsqu’on allume la télévision sur la RTS à 19h30, Darius Rochebin nous raconte beaucoup de choses. Lorsqu’on ouvre notre journal quotidien, lorsqu’on écoute la radio, nous avons une part, mais alors une toute petite part, de ce qui lie le roi Melkisédec, l’apôtre Paul et l’évangéliste Luc. Et nous aussi, nous sommes reliés à ces 3 textes bien plus qu’on ne pourrait l’imaginer.
Vous savez quel est ce lien ? C’est le témoignage… Le mot est lâché ; mais attention, c’est un mot important, il faut le manier avec prudence, avec précaution car son sens et sa portée sont précieux.
Oui, les médias, les journalistes témoignent de ce qui se passe dans nos régions, dans notre pays et plus largement, dans notre monde. Ils sont les témoins directs et indirects, et nous avec, des joies et des drames qui rythmes la vie de nos contemporains.
Lorsqu’on prend la première lecture, nous découvrons le personnage énigmatique du roi-prêtre Melkisédec. Énigmatique parce qu’on ne parle de lui furtivement que 2 fois dans l’Ancien Testament. Et pourtant, son nom veut dire « roi de Justice », lui qui est le souverain de Salem, qui signifie « Paix ». On sait qu’il honore Abraham pour sa victoire sur ses ennemis. Il apporte en offrande à Dieu du pain et du vin, chose qui n’était pas habituelle à cette époque ; on utilisait plutôt des animaux.
Du pain et du vin… Je pense que ça doit vous rappeler quelque chose ? Oui, nous sommes en train de commencer à tisser le fil conducteur qui va suivre les deux autres textes.
Mais quel est le lien ici avec le témoignage ? Il est double : Premièrement, Melkisédec témoigne de sa foi auprès d’Abraham en le bénissant par le Dieu Très-haut et Abraham témoigne de la foi de Melkisédec en lui offrant la dîme. Certains théologiens voient en ce roi l’image du Christ. On l’a dit, un souverain de Justice qui règne sur la Paix. Un homme plein de mystère dont on ne connaît ni d’où il vient, ni comment et quand il s’en va… comme s’il n’était pas soumis aux contraintes du temps.
Mais plus que cette image, c’est ce témoignage et son offrande qui nous interrogent. Nous y reviendrons.
Dans l’épître de Paul, l’apôtre témoigne de l’enseignement du Christ. Ce n’est pas rien : c’est primordial ! Mais il témoigne plus encore dans ce que le texte que nous avons entendu ne nous dit pas. En effet, Paul est avant tout le témoin du déchirement qui frappe l’Église de Corinthe. Lorsque la lettre a été écrite, aux alentours de l’an 57, il n’existait pas d’églises comme celle dans laquelle nous sommes ici aujourd’hui. Non, les premiers chrétiens se réunissaient dans des maisons appartenant à de riches membres de la communauté. Deux thèses existent donc selon certains spécialistes. Dans la 1ère, on imagine qu’un grand repas était alors préparé à la communion en mémoire du Christ. Les plus aisés, arrivés tôt dans l’après-midi, prenaient place dans la salle à manger et y faisaient bombance, alors que les croyants de conditions modestes, arrivés en fin de journée, devaient se contenter d’un repas disons… plus simple, plus frugal ; en fait, ils avaient faims alors que d’autres étaient plus que repus.
Une autre option avancée, était que chacun amenait ses propres denrées, ce qui créait donc une inégalité entre les croyants riches et les croyants pauvres. La communion était alors devenue un moment de fracture sociale, un moment de division. Voilà pourquoi Paul recentre l’esprit de la Cène. Et quel est le cœur de ce message ? Lorsque Jésus dit : « ceci est mon corps, qui est pour vous » ; « cette coupe est la nouvelle alliance de Dieu, garantie par mon sang » … Il signifie la puissance du pardon, la puissance de l’amour qui dépasse toute haine. Une puissance qui réduit toute division au silence. Et lorsque nous faisons mémoire de sa mort, comme nous le ferons tout à l’heure, nous témoignons nous aussi, de la grandeur de cet amour !
Quant à la multiplication des pains chez Luc…. Eh bien… Ils ont dû faire une drôle de tête les disciples… Oui, mettons-nous à leur place. D’abord, rappelons-nous que peu avant cette parabole, les disciples étaient envoyés dans une mission confiée par Jésus. Ils devaient donc être harassés par ce voyage et cette longue journée qui nous a été contée… Ils voient que la nuit tombe et très logiquement, ils se soucient du devenir de ces milliers de gens. Ils font alors remarquer à Jésus qu’il faudrait bien que toute cette foule aille dans les villages et les fermes alentours pour y trouver « à se loger et à se nourrir ». Et que leur répond Jésus ? « Donnez-leur vous-même à manger ! » Eh bien ! Avec 5 pains, 2 poissons au milieu de nulle part, avec qui plus est 5’000 personnes à nourrir, ils ne devaient pas en mener bien large les disciples… Mais ils ne cèdent pas à la panique. Remplis d’un grand pragmatisme pleinement humain, ils demandent à Jésus s’ils devaient aller acheter des vivres pour tous ces gens. Heureusement, celui-ci ne les a pas envoyés faire leurs courses à la superette du coin… Non ! Ce à quoi toutes et tous ont assisté ce jour-là, dépassait de loin le plus inimaginable des scénarios. Ils ont été témoins d’un véritable coup de « Maître », oserais-je dire. Non seulement cette foule immense a été nourrie, rassasiée et en plus : il en restait encore… Mais que nous dit Luc en vérité ? Les disciples ont été les témoins de bien plus. Jésus, au lieu de laisser tous ces gens se disperser à la nuit tombée, il les a rassemblés, il les a fait s’asseoir par groupe de 50. Car ainsi est la volonté de Dieu : rassembler au lieu de disperser. Alors, Jésus ne les abandonne pas. Non ! Il en appelle à leur foi. Pas seulement à une foi en lui, mais à une foi dans leurs propres capacités. Que fait-il ? Il prend la nourriture, il lève les yeux vers le ciel et remercie Dieu pour ces aliments. Il les partage ensuite et les donne aux disciples pour qu’ils les distribuent à la foule. Et le plus étonnant, c’est qu’au bout du compte, il en reste encore 12 corbeilles pleines. 12 corbeilles, comme les 12 tribus d’Israël. Dieu dit ici qu’il rassasiera toujours son peuple, qu’il sera toujours là pour lui. Oui, il sera toujours là pour les rassasier de pain et de poissons, mais les rassasier plus encore de la Parole et de son amour inconditionnel, toujours renouvelé. Les disciples sont envoyés vers les gens pour les nourrir. Ainsi, ils ne se sont pas que les uniques témoins d’une action miraculeuse de Jésus. Non, celui-ci les envoie, il les invite à être acteurs de ce témoignage, autrement dit, les disciples sont témoins et témoignent à leur tour. Et c’est très important ! On peut recevoir, on peut accueillir quelque chose, sans pour autant donner à son tour. Et c’est là que le message du Christ se construit au travers ses 3 textes.
Melkisédec témoigne de sa foi et va à la rencontre d’Abraham pour le bénir et pour bénir Dieu. Abraham témoigne de cette foi et est acteur en versant la dîme. Paul : Paul témoigne du message reçu par le Christ et en devient l’acteur auprès des Corinthiens. Dans Luc, les disciples aussi vont plus loin que la simple réception. Tous ont été témoins et acteurs de leur foi. Et qu’en est-il pour nous ? Qu’en est-il pour moi ? Je suis aussi invité, nous sommes toutes et tous invités, à faire mémoire de la mort du Christ et par-là même, à être les témoins vivants de son amour pour nous.
Aujourd’hui, dans notre société, nous ne comptons plus les fractures sociales dont nous sommes les témoins. Fractures multiples entre les femmes et les hommes, créées par d’inacceptables disparités. Fracture sociale entre des riches toujours plus riches et des classes moyennes et pauvres, toujours moins moyenne et toujours plus pauvres. Fractures entres les continents d’Afrique, d’Europe, entre les peuples, en Israël, en Palestine, en Syrie, en République centrafricaine où des gens se font massacrer, En Ukraine, à Hong-Kong où les gens se battent pour leur liberté et en tellement d’autres lieux. Mais aussi, fractures au sein des familles, fractures entre certaines de nos Églises aussi.
Je me demande dans tout cela, quel témoin je suis ? Suis-je un témoin actif ? Suis-je un témoin de circonstances, qui voit sans voir ? Qui reçoit sans agir en détournant les yeux ? Suis-je le témoin que le Christ appelle à être lorsque je fais mémoire de lui au moment de la Cène ? Je m’interroge. Ce qui est sûr, ce qui est solide, plus que toutes les pierres de cette église, c’est que le témoignage d’amour dont nous sommes les bénéficiaires est un cadeau. Il dépasse nos seules personnes, il transcende les peurs et la mort, il réclame d’être à son tour offert, gratuitement et il appelle à l’unité. Unité de la communauté lors de la Cène, unité dans l’Église universelle et au-delà. Soyons tous, en ayant foi en nos capacités, porteurs de cet amour auprès de chacune et de chacun. Soyons-en des témoins vivants !
Car finalement, c’est bien là l’esprit auquel nous invite la Sainte-Cène. C’est un geste de témoignage toujours vivant de l’Amour universel et indéfectible du Christ pour toutes et tous, qui nous exhorte à nous rappeler de cet amour et à en être plus que des témoins : des acteurs. Chacune et chacun à sa mesure, chacune et chacun à son rythme, chacune et chacun avec les forces et les faiblesses qui le composent, mais chacune et chacun sur le même chemin et dans la même direction.
Amen.