Le Crucifié et ses témoins – prédication de Vendredi Saint par André Chédel

Culte présidé par André Chédel, à Fleurier le 19 avril 2019

Luc 23,13-38 – Lecture biblique en trois temps en pdf

Luc 23,13-23

Message 1     Les martyrs roumains

Les chrétiens roumains perdent aussi beaucoup du fait du manque d’unité avec la Bessarabie. Cette province orientale volée par l’URSS est connue comme étant un centre peuplé de chrétiens très dévoués.     Vania Moïséiev, martyr renommé était de cette région. Malgré son nom, il était roumain et ne connaissait même pas la langue russe. Les Soviétiques ont russifié les noms roumains. Moisiu est devenu Moïséiev.     Il avait été dans l’Armée Rouge. Il avait la même foi que la nôtre avec une différence : la sienne était contagieuse. La foi véritable est comme la grippe. Si vous l’avez, c’est contagieux. Il en va de même de la foi. Dans son régiment, soldats et officiers s’étaient convertis.     Ses supérieurs lui ordonnèrent de garder le silence, d’éviter de parler de ses convictions, d’arrêter de chanter. Il répondait : « Que ferait le rossignol si on lui ordonnait d’arrêter de chanter ? Il ne peut pas s’arrêter ni moi non plus. » Ils l’ont donc torturé et à la fin noyé après l’avoir poignardé plusieurs fois dans le cœur.

Pendant ses persécutions, il envoya un mot à sa mère : « Ils me font beaucoup souffrir. Je risque de mourir entre leurs mains. Mais ne pleure pas, mère. (Il avait 21 ans. À cet âge on peut encore croire qu’il est possible d’empêcher une mère de pleurer.) Un ange m’a montré la Jérusalem du ciel et c’est magnifique. Fais de ton mieux, mère, pour me retrouver là-bas. »     Ce Vania a-t-il vraiment vu un ange ? Les gens ont parfois des hallucinations étranges. Mais on a la preuve qu’il l’a vu car, bien qu’il n’ait été qu’un jeune paysan inculte, il a décrit cet ange comme aucun professeur de théologie ne l’aurait fait.     Il ajoutait : « Les anges sont transparents Lorsque vous en avez un en face de vous et qu’un homme se tient derrière lui, la présence de l’ange ne vous empêche pas de voir l’homme. Au contraire, vous le voyez mieux. Vu à travers un ange, tous les hommes semblent plus beaux. Vous pouvez comprendre et même apprécier un tortionnaire. »

Luc 23,24-31

Message 2     Kim Phuc – dernier passage dans le temple caodiste

Chaque fois qu’on me présentait la nourriture rituelle offerte aux dieux du caodaïsme, je refusais en faisant un signe de tête. Ceux qui m’avaient montré le chemin vers Dieu m’avaient avertie qu’en participant au culte des idoles, je mettrais ma vie spirituelle en danger. Jésus-Christ, à qui je venais de donner ma vie, trouverait un autre moyen de me nourrir. Il saurait me donner des aliments qui n’étaient pas souillés. Mais cela a fini par attirer l’attention de maman, qui s’est approchée de moi :   – Phuc, tu dois manger quelque chose ! a-t-elle chuchoté sur un ton directif.   – Ce n’est plus pour moi, maman, ai-je répondu. Ma nouvelle foi ne me permet pas de manger ces aliments.   – Alors tu n’es plus ma fille ! m’a-t-elle craché à la figure, bouillonnant de rage à cause de sa ferveur religieuse déçue.   Sur ce, je me suis dirigée vers la sortie du temple et elle a encore crié ces mots:    – J’ai honte de t’appeler ma fille ! Tu me payeras ça, Phuc ! Phuc, tu n’as jamais été une mauvaise enfant, mais ça… c’est bien pire ! Tu n’aurais rien pu faire de pire. Si tu persistes à rejeter le caodaïsme, non seulement tu gâcheras notre vie sur terre, mais tu perdras ta place au paradis avec nous.    Cette fois, le ton de sa voix était suppliant :   – Il faut qu’on reste unis, Phuc ! Tu ne vois pas à quel point c’est important ?  – Mais si, maman, je le vois bien ! Et c’est pour ça que je demande à Jésus de vous sauver aussi !   C’était comme si j’avais tiré à bout portant dans son cœur souffrant.   – Phuc ! s’est-elle écriée, furieuse. Le Dieu dont tu parles ? Il n’a qu’à s’occuper de toi ! A partir  de maintenant, c’est de lui que tu recevras ton riz !   Je suis partie immédiatement, sachant que j’étais désormais considérée comme une renégate, et que les renégats ne pouvaient jamais revenir. Dans le caodaïsme, on les considère comme morts. Je suis montée dans le bus pour Hô Chi Minh-ville, ne sachant absolument pas comment j’allais pouvoir survivre. Maman m’avait toujours soutenue financièrement, mais la décision qu’elle venait de prendre était claire comme de l’eau de roche : je ne pouvais plus compter sur elle. Elle ne me donnerait plus rien pour manger, m’habiller ou acheter mes livres. Elle ne me paierait plus mes factures d’hôpital quand je serais malade. Et en moins de 24 heures, mon père, mes frères et sœurs, mes voisins à Tay Ninh, mes amis et ma famille de Trang Bang apprendraient de sa bouche que j’étais passée du statut de fille aimée à celui de proscrite. A leurs yeux, ce serait comme si je « n’était plus ».

Luc 23,32-38

Message 3     Suite du témoignage de Kim Phuc

Lorsque des gens me disaient qu’ils avaient prié pour moi quand j’étais petite, j’y attachais une grande importance et je buvais leurs paroles. Si j’apprenais que tel médecin ou telle infirmière avait soigné mes blessures, j’éprouvais une profonde reconnaissance. Si quelqu’un venait apporter un nouvel élément à mon histoire, je m’en réjouissais, car alors, une autre pièce du puzzle de ma vie venait trouver sa place.     C’est d’ailleurs ce qui m’est arrivé 30 ans après l’attaque de Trang Bang, lorsque j’ai reçu la réponse à une question qui n’avait cessé de me tourmenter durant toutes ces années. Oui, j’avais voulu savoir pourquoi les gens de l’hôpital m’avaient mise à la morgue, m’y laissant pour ainsi dire mourir ?     Cherchant à comprendre, je ne cessais de poser cette question au Seigneur : Pourquoi est-ce que j’ai été laissée pour morte, Père ? Je respirais encore ! J’étais encore en vie ! Je croyais que les médecins s’engageaient par serment à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour aider leurs patients ! N’est-ce pas vrai ?

    Lors d’une conférence de l’UNESCO en Espagne, je me suis trouvée à table avec les autres orateurs qui avaient été invités. A côté de moi était assis un scientifique de renom qui avait passé la plus grande partie de sa carrière à étudier les effets produits par certaines armes chimiques, dont le napalm.   – Kim, a-t-il dit en se penchant vers moi, il y a une chose que vous devez savoir, par rapport à ce que vous avez vécu immédiatement après l’attaque au napalm…   Il avait toute mon attention.   – Le fait que vous soyez restée sans aucun soin pendant trois jours, avec des pansements qui serraient bien vos blessures et le corps au repos, tout cela vous a sauvé la vie. Il m’a ensuite expliqué que si les infirmières de l’hôpital à Saïgon avaient défait mes pansements aussitôt après mon arrivée, à cause le l’oxygène contenu dans l’air, mon corps aurait immédiatement repris feu et je serais morte sur le coup.

Des années plus tard, lorsque Stephen, mon fils cadet, était à l’université, je lui ai rappelé cette partie de mon histoire. Rentré à la maison pour les vacances de Noël, il venait de me raconter que quelqu’un lui avait fait des remarques qui l’avaient profondément blessé.   – Pendant des années, lui ai-je dit, je n’ai fait que nourrir de l’amertume envers les médecins et les infirmières qui m’ont laissée à la morgue. Ce n’est que quand le scientifique m’a donné un autre éclairage sur la question que j’ai compris pourquoi ils avaient agi ainsi. Je regrette de ne pas avoir fait confiance à Dieu plus tôt quant à cette partie difficile de mon histoire, car cela m’aurait épargné ce terrible fardeau d’amertume que j’ai porté.   J’ai regardé mon fils droit dans les yeux, tendrement, comme sait le faire une mère, puis j’ai continué :  – Tu peux faire un choix plus sage que ta maman, Stephen. Tu peux choisir dès maintenant de faire confiance à Dieu et de manifester sa grâce et son pardon à la personne qui t’a fait du mal, même si la blessure est bien réelle. Tu peux le faire comme un acte de foi, en croyant que Dieu a la situation entre ses mains et qu’il la fera contribuer à ton bien.  Et je dois dire que ce conseil reste valable pour moi aussi. Pour une raison que seul Dieu connait vraiment, ma vie sur terre n’est pas encore terminée. Le Seigneur me veut ici, exactement là où je suis en ce moment. Alors, malgré la douleur de certains jours, quand tout me pousse à me recroqueviller dans un coin en gémissant, je regarde vers le ciel, je laisse ma bouche former un sourire, je chante des louanges d’un cœur reconnaissant et je me souviens que, d’une manière ou d’une autre, Dieu fera tout contribuer à mon bien. C’est lui, et lui seul, qui accorde la guérison.     Et cette guérison passe parfois par la main des hommes, comme j’en fais l’expérience depuis deux ans. Une nouvelle thérapie, mise au point par une dermatologue très compétente, me conduit à espérer, contre toute espérance, une vie avec beaucoup moins de douleurs (que depuis le bombardement il y a 45 ans.

Livres cités :

Détresse et victoire, le retour en Roumanie – de Richard Wurmbrand

Sauvée de l’enfer, la fille de la photo raconte – de Kim Phuc Phan Thi