Une soupe au goût de justice – message du culte Terre Nouvelle

Célébration présidée par René Perret, Séverine Schlüter et l’équipe d’animation terre Nouvelle de la paroisse, le 7 avril 2019 au temple de Couvet.

Prédication de Séverine Schlüter, largement inspirée du cahier liturgique de la Campagne (p. 7 et 15) et de son complément ainsi que d’un article d’Alain Monnard paru dans la revue «Lire et dire» en 1998

soupe fumante dans marmite et lgumes

Lecture biblique : 

 

Prédication (texte à télécharger ici)

> A l’avant du chœur, préparer une petite table avec une marmite, ainsi qu’un panier comprenant : un tablier et divers ingrédients (pot à eau, légumes, lentilles, herbes aromatiques, poivre, paprika et sel)

50 ans de Campagne œcuménique, ça se fête!

Et quand c’est la fête, il faut sortir les casseroles!

> Désigner la marmite

Quand c’est la fête, on la prépare, on échange, on se raconte des anecdotes, on se souvient du chemin parcouru…

Depuis 50 ans, des individus s’engagent pour un monde meilleur à l’occasion de la campagne œcuménique. Où que ces personnes se trouvent, elles préparent une soupe qui veut donner le goût de la justice !

> Mettre le tablier

Par le passé, les campagnes ont évoqué le rôle prépondérant que jouent les femmes dans la lutte contre la faim et la pauvreté. “Les femmes animent le monde” proclamait-on déjà en 1994…

Cette année encore la Campagne rappelle la contribution des femmes qui, de concert avec des hommes, amorcent le changement nécessaire : “Ensemble avec des femmes engagées – ensemble pour un monde meilleur”

Alors, quels sont les ingrédients nécessaires pour la préparer ensemble, cette soupe ?

Plusieurs Campagnes ont milité pour plus d’équité entre les peuples, avec des slogans comme :“justice pour tous” [1973] ou “la dette ou la vie” [1990].

Le prophète Amos invoque le droit comme devant jaillir comme les eaux et la justice comme un torrent intarissable (Amos 5, 24).

Cette eau est donc l’ingrédient principal de toute soupe de Campagne.

> poser le pot d’eau sur la table

Une soupe nourrissante se doit de contenir les fruits de la terre, des légumes :

> poser les légumes dans la marmite

Ils symbolisent la terre dans laquelle pousse notre nourriture. Il ne peut y avoir de justice sans une répartition équitable des terres. D’ailleurs, l’accès à la terre est devenu un sujet important dès les années 90 : “A qui cette terre?” [1992] – “Sans terre, pas de pain” [2013]

La recette de cette soupe ne prévoit pas de viande puisque, comme le rappelait la Campagne de 2015, le régime carné est néfaste pour le climat et vide les assiettes des autres. Voici donc des lentilles pour la remplacer.

> Poser les lentilles

D’autant plus si elles sont issues du commerce équitable bien sûr, car il ne saurait y a voir de justice sans cela…

Des herbes aromatiques sont rajoutées pour donner du goût: elles représentent la préservation de la Création et la protection d’une nature en danger.

> Poser les herbes

La campagne “Plus jamais le déluge” en 1989 insistait sur l’urgence qu’il y avait d’agir en ce sens, une problématique devenue encore plus pressante à cause du changement climatique et de ses répercussions, notamment dans l’hémisphère sud.

> rajouter le poivre et le piment

Le poivre et le piment donnent du piquant à la soupe… et nous rappellent qu’il y a des sujets sensibles, susceptible de faire s’échauffer les esprits, comme lorsqu’il est question d’argent. Il s’agit alors de réfléchir au “prix de l’argent” [ 1984], de “civiliser l’argent” [2001].

Cette soupe solidaire doit être le fruit d’un travail collectif puisqu’il est hors de question que chaque individu en prépare un chacun dans son coin. Ensemble, nous sommes appelés à apporter notre grain de sel à cette soupe.

> Poser le sel

Voilà les ingrédients prêts…

Mais quand c’est la fête, il faut que tous puissent en profiter!

Les différentes Campagnes ont œuvré toutes ces années pour faire entendre la voix des laissés pour compte, la voix de la terre, ainsi que la voix de ceux et celles qui s’engagent à leurs côtés, et qui sont des acteurs de changement de par le monde.

Et on peut en mesurer certains résultats : le commerce équitable est désormais incontournable. Des vêtements fabriqués équitablement sont commercialisés dans de nombreux pays. Les entreprises de l’électronique ont dorénavant des obligations. Les consommateurs et consommatrices remettent l’huile de palme en question…

Cette année, c’est l’engagement des femmes qui est particulièrement à l’honneur. Cela me touche que l’on veuille donner leur place aux femmes. Mais ce qui me réjouit le plus, c’est l’accent qui est mis sur “ensemble”, hommes et femmes réunis, œuvrer pour la même cause…

> sortir de derrière la table et venir devant

Dans le récit biblique que nous avons entendu tout à l’heure, c’est comme cela que je comprends l’attitude de Marie : à l’encontre des habitudes de son époque, elle veut faire partie de cette compagnie qui est là, assise aux pieds de Jésus, à écouter l’enseignement du maître comme le ferait tout disciple… ça, normalement, c’était un privilège réservé aux hommes ! Pourtant Jésus ne s’y oppose pas.

Marthe, elle, reste au contraire confinée dans son rôle d’hôtesse, de maîtresse de maison, chargée d’accueillir et de prendre soin de ses invités. Elle y met du zèle… et aimerait bien que Marie participe!

Pourtant, elle ne va pas chercher directement son aide… mais elle vient exprimer son sentiment d’injustice auprès de Jésus.

Par sa réponse, Jésus semble lui donner tort, au profit de sa sœur… mais on peut en faire une autre lecture :

Peu avant notre passage, l’évangéliste Luc a souligné l’importance de l’accueil ; quand il s’agit d’accueillir les disciples que Jésus a envoyé en mission, cet accueil prend même une dimension spirituelle : recevoir celui qui vient, c’est recevoir le Christ lui-même. Et dans ce cadre l’accueil se manifeste de 2 manières : dans l’hospitalité accordée, et par l’écoute du message qu’ils apportent.

Dans notre texte, Marthe fait l’un, et Marie fait l’autre… dès lors, pourquoi Jésus reprocherait-il quoi que ce soit à Marthe ?

«Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour beaucoup de choses…»

Si on lit bien, Jésus ne lui reproche pas au fond le service qu’elle est en train de rendre, mais l’état dans lequel cela la met. Littéralement, elle est “tiraillée”, “accaparée”, “préoccupée”, elle s’éparpille dans toutes sortes de tâches. Autrement dit, elle n’est plus disponible à rien d’autre. Cela n’est bon ni pour les invités… ni pour elle !

Et si Jésus avait compris que ce qui est en jeu, ce n’est pas vraiment le manque d’assistance qu’elle reçoit, mais le fait qu’elle est la seule à être exclue du groupe ? Qu’elle voudrait simplement en faire partie elle aussi, mais qu’elle ne se donne pas ce droit ? Jésus va alors la renvoyer à elle-même : elle n’est pas obligée de s’agiter ainsi dans tous les sens!

Il ne dit d’ailleurs pas que Marthe a choisi la mauvaise part… il dit surtout que Marie a choisi la bonne…

«Une chose est nécessaire» ajoute-t-il.

La priorité, c’est la rencontre. Être ouvert à la présence du Christ, à sa Parole, qui nous invite aussi à nous rencontrer les uns les autres et à œuvrer ensemble.

Plutôt que de chercher à faire revenir Marie dans son agitation et son souci, qu’est-ce qui empêche l’inverse, que Marthe profite aussi de la présence de Jésus ?

D’ailleurs la fin du récit est ouverte… la possibilité est là !

Si ce récit fait partie des textes qui accompagnent la Campagne œcuménique cette année, c’est parce que «cette tension entre écouter et agir, entre inspiration et action se manifeste aussi toujours dans les initiatives qu’entreprennent les Églises pour un monde meilleur. Dans toutes nos paroisses, il y a des Marthe, des militant-e-s qui s’activent autour de projets concrets, qui veulent changer les choses… au risque parfois de s’épuiser ou de se résigner ; il y a des Marie pour qui l’important c’est d’abord d’écouter la bonne nouvelle et de croire… au risque de se sentir décalés par rapport à l’actualité. Les deux pourraient s’opposer, mais on peut aussi en faire une force commune. Marie écoute et apprend; Marthe agit. Dans l’Évangile de Luc, elles incarnent deux postures en réalité indissociables. Durant la campagne œcuménique, l’aspiration à un monde plus juste réunit ces deux facettes: l’engagement se nourrit de la foi et la foi ravive l’engagement. Marie et Marthe finissent par se retrouver. Ainsi allaient les choses il y a 50 ans, à la naissance de la campagne œcuménique, et ainsi continueront-elles d’aller tant que nous garderons la foi et que nous agirons.»

Faire la fête, cela n’est en effet possible que si chacun trouve sa place!

Nous sommes invités trouver cette place dans le regard du Christ qui nous accueille…

Et nous sommes invités, au nom de cet accueil, à redonner leur juste place aux choses et aux gens qui nous entourent…

> Sur cette tenture qui nous accompagne et dont nous avons déjà découvert plusieurs symboles lors des soupes de Carême, Jésus-Christ est inscrit dans le fil d’acier formant une ligne. La silhouette est en contact avec le sol, en bas de l’image, et ouvre les bras vers le ciel, paraissant prête à se mettre au service de Dieu et de l’humanité, mais aussi à prendre ses responsabilités. «Humanité, où es-tu?» semble-t-elle dire…

Le slogan de la campagne y répond à sa manière : nous sommes ici, engagés «ensemble pour un monde meilleur». Car un monde plus juste ne pourra naître que si des hommes et des femmes unissent leurs forces…

Alors, quel rôle voulons-nous jouer dans cette maison qui est notre monde ? C’est à chacun d’y répondre…

> Enlever le tablier

Moi, j’ai envie de laisser mon tablier pour l’instant, et de participer à la fête, d’oser la rencontre – pour que le monde devienne meilleur. Et vous ?

Amen.