Célébration oecuménique du 1 décembre 2018 à l’église catholique de Fleurier et culte du 2 décembre au temple de Fleurier
Prédication de David Allisson – lien pour télécharger le texte en format pdf
Lecture de la Bible
Jérémie 33,14-16
Luc 21,25-28.34-36
Prédication
« Voici venir des jours – oracle du Seigneur – où j’accomplirai la parole de bonheur que j’ai adressée à la maison d’Israël et à la maison de Juda. »
Oui, c’est cela. On veut bien.
Nous ne savons pas bien quelles promesses le Seigneur avait faites. Nous ne nous souvenons plus bien de qui sont vraiment les peuples d’Israël et de Juda.
Alors nous voulons bien entendre ces paroles et les recevoir paisiblement. Elles ne nous choquent pas et c’est bien des paroles de paix que nous attendons de la part de la Bible.
Nous sommes le premier dimanche de l’Avent. Nous voyons Noël se préparer et nous allons réaliser ces prochaines semaines ce que nous avons planifié pour fêter cette fête de la lumière. Noël, c’est un temps où nous espérons la trêve dans les conflits et où nous souhaitons le bonheur à chacun.
…
Mais ce n’est pas comme cela que cela se passe, vous le savez bien. Noël et ses fêtes de familles, c’est aussi l’occasion d’entretenir les feux des conflits et des mésententes. Noël et sa paix pour tout le monde, beaucoup méditent cela dans la solitude et c’est dur pour elles ; c’est dur pour eux.
« Voici venir des jours – oracle du Seigneur – où j’accomplirai la parole de bonheur que j’ai adressée à l’église catholique romaine et à l’église réformée évangélique. »
Chez certains anciens des temps bibliques il y avait la douleur de voir séparés les maison ou royaumes d’Israël et de Juda. Les deux royaumes étaient pourtant issus d’un même peuple.
Chez nous, certains ressentent une douleur œcuménique. Ils pensent à ces moments où nous avons ensemble partagé le repas. Le corps et le sang du Christ ont été faits Vie pour l’humanité et nous sommes nombreux à vouloir ce partage. Nous sommes nombreux à souffrir de son absence.
En Église comme en famille, la lumière, la paix et le bonheur de Noël semblent parfois inatteignables.
Noël est parfois bien difficile à voir approcher.
Nous étions nombreux à Môtiers Il y a une semaine pour le culte du souvenir avec les endeuillés. Il y avait des larmes et de la douleur, même dans la joie d’être ensemble et la paix d’une consolation donnée.
Avec des moments comme cela dans le cœur, comment peut-on se réjouir de la paix et de la lumière de Noël ? Cela paraît impossible que cela arrive un jour, alors pourquoi est-ce que cela serait déjà pour dans à peine 4 semaines ?
Nous avons le sentiment de connaître davantage l’angoisse et la peur décrites dans le passage de Luc que la délivrance, la paix et le bonheur que rappellent les promesses auxquelles les textes font allusion !
C’est justement dans une telle situation que se trouvaient les auditeurs du message transmis par le livre de Jérémie. Ils sont plutôt désespérés qu’en train de baigner dans le bonheur. C’est aussi dans une situation semblable que nous nous trouvons entre églises aujourd’hui. Je pense que dire « église catholique » et « église réformée » au lieu d’« Israël » et de « Juda » n’est pas complétement abusif.
C’est aussi dans une situation de malheur et de persécution que se sont trouvés les premiers auditeurs des évangiles.
Dans les mots du prophète Jérémie, la promesse du Seigneur disait : « je ferai naître un vrai descendant de David. Il agira dans le pays selon le droit et l’ordre que je veux. » (Jr 33,14-16).
Au temps de Jérémie, il était bien difficile d’y croire.
Le roi David était mort depuis bien longtemps et sa dynastie semblait définitivement éteinte. En effet, le roi Nabuchodonosor avait déporté successivement à Babylone les deux derniers rois de Jérusalem (vers 600 av.J.C). Désormais, la ville était occupée, le Temple détruit, le pays dévasté, la population décimée. La plupart des survivants avaient été faits prisonniers et emmenés en exil à Babylone : après la longue marche forcée entre Jérusalem et Babylone, la petite colonie juive semblait condamnée à mourir là-bas, loin du pays. Et l’on pouvait se poser bien des questions : Israël serait-il bientôt rayé de la carte ? Qu’étaient donc devenues les belles promesses des prophètes ?
Depuis Natan qui avait annoncé à David et à sa descendance une royauté éternelle, on rêvait du roi idéal qui instaurerait la sécurité, la paix, la justice pour tous. Devait-on, à tout jamais, s’interdire de rêver ?
C’est dans ce contexte plutôt malheureux que l’Esprit-Saint avait soufflé à Jérémie le langage de l’espoir ; il commençait par cette formule bien connue : « Parole du SEIGNEUR », dans la traduction en français courant : « le Seigneur déclare ».
Je m’y arrête un instant : lorsque la prédication d’un prophète commence par la formule « Parole du SEIGNEUR », il faut être particulièrement attentif. Cela veut dire que ce qui suit est difficile à croire ou à comprendre pour les auditeurs. Si un prophète prend la peine de préciser qu’il s’agit bien d’une parole du Seigneur, et non pas seulement de lui-même, c’est parce que ses contemporains sont découragés. Et toute parole d’espoir leur paraît un pieux mensonge !
Pourquoi sont-ils découragés ?
Parce que la période est rude, parce que le bonheur promis par Dieu à son peuple depuis Abraham semble s’éloigner tous les jours davantage, parce que le trône de Jérusalem est désespérément vacant…
Jérémie continuait : « Quand ce moment sera venu, je ferai naître un vrai descendant de David. Il agira dans le pays selon le droit et l’ordre que je veux. Alors le royaume de Juda (c’est la région autour de Jérusalem) sera libéré, et les gens de Jérusalem vivront enfin tranquilles. Et voici comment on appellera Jérusalem : «Le Seigneur est notre salut.» (Jr 33,15-16)
C’est donc justement à ce moment précis où le peuple juif était privé de roi, et où la royauté (et la Promesse qui s’y attache depuis David) semblait définitivement éteinte que le prophète osait proclamer : contre toute apparence, la promesse faite par Dieu à David se réalisera. Un nouveau roi viendra qui fera régner la justice. Et alors Jérusalem, dont le nom signifie « Ville de la Paix » remplira sa vocation. Le prophète allait même encore plus loin puisqu’il disait : « les promesses que j’ai faites au peuple d’Israël et au peuple de Juda » comme si ces deux royaumes ne faisaient qu’un ; or, à l’époque de Jérémie, il y avait bien longtemps que le royaume de Salomon avait été divisé en deux royaumes distincts, plus souvent ennemis que frères, Israël et Juda ; et depuis les conquêtes assyriennes le royaume d’Israël dont la capitale était Samarie a été rayé de la carte. Et le prophète osait parler de réunification ! C’est un pur défi au bon sens, mais c’est cela la foi ! Belle leçon d’espéranceet bel exemple de ce qu’est une parole prophétique : celle qui, dans les jours sombres, annonce la lumière.
Ces paroles annonçant le bonheur après le malheur ou la lumière au bout de la nuit ont été reprises dans l’histoire justement à des moments critiques où tout donnait à penser que ces promesses ne se réaliseraient jamais.
A vrai dire, il nous arrive à nous aussi, de connaître le découragement. Depuis des siècles et des siècles, c’est toujours la même question :
Pourquoi la paix, l’harmonie, la fraternité dont nous rêvons, semblent-elles inaccessibles ?
Pourquoi la communion eucharistique est-elle impossible entre catholiques et réformés ?
En un mot pourquoi le Royaume de Dieu tarde-t-il tant à s’installer ?
Il est bien vrai que le retard dans la venue du royaume de Dieu est un défi pour notre foi et pour la foi de tous les croyants de tous les temps.
L’espérance de notre foi s’appuie sur deux éléments que nous rappelons patiemment en répétant toujours ces promesses : le premier c’est que Dieu ne peut pas manquer à une promesse… Mais surtout, et c’est le deuxième élément : et c’est le dernier mot de ce texte : « Le SEIGNEUR est notre salut. » Cela, c’est la meilleure raison de ne jamais perdre l’espoir. Si nous comptions sur nos propres forces pour transformer le monde, l’entreprise semble bien perdue d’avance… Mais justement, la merveilleuse nouvelle de ce texte, c’est que la justice qui règnera à Jérusalem et sur toute la terre ne sera pas au bout de nos efforts : elle viendra de Dieu lui-même !
Le temps de l’Avent est bien le temps de la venue, de l’avènement de la présence de Dieu dans le monde.
Dieu vient et il apporte avec lui assez de vie pour que nous puissions continuer à avancer. Il apporte assez de lumière pour que nous ne restions pas toujours dans la nuit.
Nous avons cru à des avancées œcuméniques. Nous ressentons aujourd’hui un recul. Certains craignent que le sentiment d’unité laisse la place à des divisions. Justement dans ces sentiments douloureux, écoutons Jérémie et mettons-nous debout selon la promesse que saint Luc rappelle : « vous aurez la force de vous tenir debout devant le Fils de l’homme. »
Le Seigneur vient.
Il approche, le temps de la pleine présence de la Vie de Dieu.
Le Seigneur vient et nous nous préparons à l’accueillir.
Il vient et c’est lui-même qui portera ce qui est trop lourd pour nous.
Il vient et c’est cela la raison de rappeler jour après jour que la délivrance est proche et que nous pourrons nous présenter debout, dignes et réveillés, devant le Fils de l’homme. (Lc 21,36)
Il vient dans notre malheur pour réveiller le bonheur.
Il vient dans la nuit de notre monde pour allumer la lumière de l’espérance.
Amen.