Culte du 16 juin 2018, Môtiers 17h30
Participation de Luc Genin, aumônier Req’EREN et des bénévoles Req’EREN
Prédication de Patrick Schlüter
Lecture de la Bible :
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Prédication sur : Quel visage voulons-nous être pour l’autre ?
Note : cette prédication est adaptée librement de la prédication proposée dans le dossier du dimanche des Réfugiés 2018 : https://www.eper.ch/sites/default/files/documents/2018-04/culte_cle-en-main-2018.pdf
L’Egypte. Quand je vous dis ce mot, sans doute avez-vous de nombreuses images qui viennent à l’Esprit. Des images peut-être contradictoires : de la splendeur des pyramides aux défis actuels ce pays.
Dans la Bible aussi, l’Egypte suscite de nombreuses images contradictoires. C’est unpays riche, puissant et influent pendant de nombreux siècles, un pays admiré pour sa culture, ses découvertes et pour ses connaissances. Un pays à la terre très fertile, grâce au delta du Nil.
Dans la Bible, l’image qui domine sans doute est celle de la sortie d’Egypte : les Egyptiens sont alors les ennemis. Les Israélites ont été oppressés en Egypte.. L’histoire de leur libération avec Moïse est célébrée avec la fête de la Pâque juive, une fête qui pour les chrétiens est devenue la fête de Pâques, passage de la mort à la vie.
Mais l’Egypte porte aussi dans la Bible d’autres images. C’est le cas dans les 2 textes que nous avons entendus : l’Egypte y est le lieu du refuge pour Joseph, fils de Jacob, et un autre Joseph qui s’y rend avec Marie et Jésus.
Plusieurs images pour un même pays dans une même Bible sur la même question de notre rapport à l’étranger et aux réfugiés. Cela peut nous interroger : sur notre pays, la Suisse, sur nos paroisses, sur nous-mêmes. Pour ce culte du Dimanche des réfugiés, laissons-nous interroger par ces récits qui nous racontent l’accueil de l’Egypte, un accueil qui se fait et permet plus de vie pour tous, même à travers les difficultés.
Vous connaissez sans doute l’histoire de Joseph : cet enfant doué, le préféré de son papa Jacob parmi ses nombreux enfants. Le papa lui offre une tunique princière. Joseph s’en vante auprès de ses frères en interprétant l’un des rêves : c’’était l’un de ses dons.
Alors voilà, quand l’occasion se présente, ses frères jettent Joseph dans une fosse avant de le vendre à des marchands ismaélites et de faire croire à sa mort.
Joseph est vendu en Egypte à Potifar : eunuque du Pharaon, grand sommelier, autrement dit un haut fonctionnaire égyptien. Joseph âgé de 17 ans arrive dans un autre pays où il ne connait personne et où personne ne le connait. Il est revendu à un homme haut placé et assez rapidement sa situation s’améliore. Il n’a plus à craindre ses frères, il n’est plus en danger de mort. En Egypte auprès de Potifar, Joseph a trouvé son refuge.
Pour Joseph, les événements semblent s’enchaîner rapidement : Potifar reconnait que le jeune homme a du succès dans ce qu’il entreprend et lui donne plus de responsabilités. L’accueil et la bonne intégration dans un pays, passe par la reconnaissance des talents et des dons de chacun. Ce bon accueil accélère son intégration, même s’il aura quelques problèmes avec la femme de son maître. L’histoire de Joseph sera parsemée de difficultés, mais elle créera plus de vie pour les Egyptiens, pour lui-même et pour sa famille qu’il va retrouver. Ensemble, ils survivront à la famine.
L’histoire de Joseph, c’est aussi celle de nombreuses personnes au cours de l’histoire. Souvenons-nous par exemple des 10’000 à 20’000 protestants qui ont trouvé refuge en Suisse au XVIe et XVIIe siècles. Au-delà des difficultés et des réactions négatives aussi à l’époque, notre pays a profité des compétences de ces personnes venues de l’étranger Notre pays ne se porterait pas aussi bien aujourd’hui sans l’apport des personnes venues de l’étranger.
Accueillir, c’est reconnaître les dons de l’autre comme le fait Potifar avec Joseph. Selon une statistique fédérale, les réfugiés vivent en moyenne plus de 17 ans dans des situations précaires avant de trouver une solution durable. Il y a à la fois, un encouragement et une interpellation dans ce constat. L’encouragement, c’est que des solutions se trouvent au-delà des difficultés. L’interpellation, c’est la durée du temps nécessaire : 17 ans, c’est trop long !
L’Egypte a plusieurs visages dans la Bible face à l’accueil de l’étranger et cela peut nous interroger le visage que nous voulons être pour l’autre. Pour nous en tant que paroisse, en tant qu’Eglise c’est un encouragement à entrer en contact, à aller à la rencontre de celui ou celle qui se réfugie chez nous. L’accueil, la rencontre et l’échange permettent de découvrir et de mettre en avant les dons de chacune et chacun. Il s’agit de comprendre cette personne non seulement comme quelqu’un à protéger, mais comme quelqu’un qui a du talent et des ressources. C’est ce qui se vit dans les contacts vécu dans le cadre de Req’EREN et au-delà avec les liens qui se sont tissés. C’est ce qui se vivra ce soir avec le repas érythréen qui nous est proposé. Nous pouvons recevoir de l’autre dans le partage. On ne sait jamais ce qui peut sortir de l’accueil. Il permet d’ouvrir l’avenir.
La parenthèse en Egypte a permis à des histoires de continuer. Jésus ayant la vie sauve, pourra retourner sur sa terre natale pour vivre son ministère. Si nous sommes réunis ici au nom du Christ, c’est aussi parce que la famille de Jésus a trouvé un refuge, un pays qui les a accueillis.
Accueillir, c’est offrir un avenir ! Cela ouvre aussi à la bénédiction de Dieu. L’action de Dieu n’est pas très visible dans le récit de Joseph. Dans le bref passage que nous avons lu, il est dit de Dieu qu’il est avec Joseph et qu’il fait réussir tout ce qu’il entreprend. Potifar reconnait ce succès et donne à Joseph de plus en plus de responsabilités, ce qui lui vaut la bénédiction de Dieu: « Le Seigneur bénit la maison de l’Egyptien». Il est surprenant pour cette époque que Dieu bénisse, agisse en dehors de son peuple, en dehors d’Israël. En réponse à l’accueil offert à Joseph, « la bénédiction de Dieu est sur tout ce qui appartient à Potifar, à la maison, comme aux champs ». L’arrivée de Joseph est une bénédiction pour l’Egypte.
Notre pays a aussi toujours été gagnant en accueillant des réfugiés. Même si l’intégration est restée un défi , le temps a montré un développement positif.
L’Egypte a plusieurs visages dans la Bible face à l’accueil de l’étranger. Par les textes entendus, nous sommes invités ce soir à choisir la voie de la confiance et de la rencontre. Cela vaut pour notre pays, pour nos Eglises et pour nous-mêmes.
S’ouvrir à l’autre, à celui qui est dans le besoin et ne pas le comprendre comme un problème. L’étrangère / l’étranger est une personne riche de talents et de dons qu’il faut chercher à mettre en avant. Pour qu’ici ou de retour dans son pays, il ou elle puisse permettre à la vie de continuer, de reprendre son cours.
Par les histoires que nous avons entendues, nous savons aussi que l’accueil et la rencontre posent des défis. Nous savons aussi qu’il y a des temps d’arrêt, comme les bénévoles de Req’EREN l’exprimeront en parlant de la fermeture du centre de requérants de Couvet.
Quand nous faisons le choix de la vie au lieu du rejet, quand nous faisons le choix de l’ouverture au lieu de la fermeture, Dieu peut écrire son histoire au travers de nos histoires.
Alors comme l’Egypte, si nous ouvrons nos portes et nos cœurs peut-être que ce verset d’Hébreux deviendra réalité́ pour nous :
Il dit : N’oubliez pas l’hospitalité́, car, grâce à elle, certains, sans le savoir, ont accueilli des anges. (Hébreux 13,2)
Que nous puissions dans les temps qui viennent devenir un peu plus l’Egypte des Joseph’s, que ce soit à titre individuel, communautaire ou même politique.
Que nos portes s’ouvrent pour avoir l’occasion d’accueillir des anges.
Amen