Culte de Vendredi Saint, 30 mars 2018, La Côte-aux-Fées, 10h
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Lecture de la Bible : Jean 19, 1-42 (en français courant) lu 4 parties
Message en 4 temps de Patrick Schlüter
1èrelecture : Jean 19, 1-16 :
Alors Pilate ordonna d’emmener Jésus et de le frapper à coups de fouet. Les soldats tressèrent une couronne avec des branches épineuses et la posèrent sur la tête de Jésus ; ils le revêtirent aussi d’un manteau rouge. Ils s’approchaient de lui et lui disaient : « Salut, roi des Juifs ! » Et ils lui donnaient des gifles.
Pilate sortit une nouvelle fois et dit à la foule : « Eh bien, je vais vous l’amener ici, dehors, afin que vous compreniez que je ne trouve aucune raison de condamner cet homme. » Jésus sortit donc ; il portait la couronne d’épines et le manteau rouge. Et Pilate leur dit : « Voilà l’homme ! » Mais lorsque les chefs des prêtres et les gardes le virent, ils crièrent : « Cloue-le sur une croix ! Cloue-le sur une croix ! » Pilate leur dit : « Allez le clouer vous-mêmes sur une croix, car je ne trouve personnellement aucune raison de le condamner. » Les Juifs lui répondirent : « Nous avons une loi, et selon cette loi il doit mourir, car il a prétendu être le Fils de Dieu. » Quand Pilate entendit ces mots, il eut encore plus peur. Il rentra dans le palais et demanda à Jésus : « D’où es-tu ? » Mais Jésus ne lui donna pas de réponse. Pilate lui dit alors : « Tu ne veux pas me répondre ? Ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de te relâcher et aussi celui de te faire clouer sur une croix ? » Jésus lui répondit : « Tu n’as aucun pouvoir sur moi à part celui que Dieu t’a accordé. C’est pourquoi, l’homme qui m’a livré à toi est plus coupable que toi. »
Dès ce moment, Pilate cherchait un moyen de relâcher Jésus. Mais les Juifs se mirent à crier : « Si tu relâches cet homme, tu n’es pas un ami de l’empereur ! Quiconque se prétend roi est un ennemi de l’empereur ! » Quand Pilate entendit ces mots, il fit amener Jésus dehors ; il s’assit sur le siège du juge à l’endroit appelé « Place pavée » — qu’on nomme « Gabbatha » en hébreu—. C’était le jour qui précédait la fête de la Pâque, vers midi. Pilate dit aux Juifs : « Voilà votre roi ! » Mais ils se mirent à crier : « A mort ! A mort ! Cloue-le sur une croix ! » Pilate leur dit : « Faut-il que je cloue votre roi sur une croix ? » Les chefs des prêtres répondirent : « Nous n’avons pas d’autre roi que l’empereur. » Alors Pilate leur livra Jésus, pour qu’on le cloue sur une croix.
Ils emmenèrent donc Jésus.
Chant du recueil Alléluia n°33-13 « O douloureux visage », strophe 1
- O douloureux visage
De mon humble Seigneur;
O tête sous l’outrage,
O front sous la douleur,
Plein des beautés divines
Dans les cieux infinis
C’est couronné d’épines
Que je te vois ici.
1èreméditation :
Comment en est-on arrivé là ?
Jésus, accueilli comme roi aux Rameaux, est maintenant raillé et condamné. Pilate le présente, humilié, aux chefs du peuple en disant : « Voici l’homme ».
Cette parole de Pilate est d’abord ironique. Elle signifie : « regardez-le votre agitateur. Il est bien inoffensif et ridicule. ».
Mais la parole de Pilate peut aussi signifier malgré lui : « Voici le Fils de l’homme, le Messie » ou encore « Voici l’homme véritable, celui qui vit l’amour jusqu’au bout. »
Ainsi, mon attente de Dieu est interrogée. Parfois, j’aimerais un Dieu justicier et vengeur ou un Dieu qui pourrait résoudre mes difficultés comme un magicien. Non, « Voici l’homme », le Messie que Dieu nous offre. Il s’identifie à tous les humiliés. Sa puissance réside dans l’amour qui transforme.
Un tel Messie n’est pas facile à accepter. C’est justement le système religieux, les prêtres qui rejettent Jésus.
Ils s’enferment dans le mal comme tant d’autres avant et après eux dans l’histoire. C’est comme si, au-delà d’un certain stade, il devient de plus en plus difficile de revenir en arrière.
Sans aller jusqu’à ces extrêmes, je pense aussi à ces familles aux liens brisés : chacun attend que l’autre fasse le premier pas, parce que les blessures sont trop profondes. Comment sortir de ce cercle du mal ?
Jésus est crucifié au moment où l’on immole les agneaux pour le repas de la Pâque qui commémore la libération de l’esclavage d’Egypte. Ainsi, il s’offre comme celui qui veut nous libérer de nos enfermements parce que l’amour donné gratuitement peut nous toucher au plus profond de nous-mêmes.
Ô Christ, toi qui as vécu pleinement notre humanité, apprends-moi à devenir moi aussi véritablement humain.
Ne me laisse jamais m’enfermer dans le mal ou la souffrance. Viens toujours me redire ton amour qui peut transformer nos vies et nos relations.
Amen.
Morceau d’orgue court
2èmelecture : Jean 19, 17-27 :
Celui-ci dut porter lui-même sa croix pour sortir de la ville et aller à un endroit appelé « le lieu du Crâne » — qu’on nomme « Golgotha » en hébreu —. C’est là que les soldats clouèrent Jésus sur la croix. En même temps, ils mirent deux autres hommes en croix, de chaque côté de Jésus, qui se trouvait ainsi au milieu. Pilate ordonna aussi de faire un écriteau et de le mettre sur la croix ; il portait cette inscription : « Jésus de Nazareth, le roi des Juifs. » Beaucoup de Juifs lurent cet écriteau, car l’endroit où l’on avait mis Jésus en croix était près de la ville et l’inscription était en hébreu, en latin et en grec. Alors les chefs des prêtres juifs dirent à Pilate : « Tu ne dois pas laisser cette inscription «le roi des Juifs» mais tu dois mettre : «Cet homme a dit : Je suis le roi des Juifs». » Pilate répondit : « Ce que j’ai écrit reste écrit. »
Quand les soldats eurent mis Jésus en croix, ils prirent ses vêtements et les divisèrent en quatre parts, une pour chaque soldat. Ils prirent aussi sa tunique, qui était sans couture, tissée en une seule pièce du haut en bas. Les soldats se dirent les uns aux autres : « Ne déchirons pas cette tunique, mais tirons au sort pour savoir à qui elle appartiendra. » C’est ainsi que devait se réaliser le passage de l’Écriture qui déclare :
« Ils se sont partagé mes habits
et ils ont tiré au sort mon vêtement. »
Voilà ce que firent les soldats.
Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère, la sœur de sa mère, Marie la femme de Clopas et Marie du village de Magdala. Jésus vit sa mère et, auprès d’elle, le disciple qu’il aimait. Il dit à sa mère : « Voici ton fils, mère. » Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Et dès ce moment, le disciple la prit chez lui.
Chant du recueil Alléluia n°33-13 « O douloureux visage », strophe 2
- C’est toi que ma main blesse,
C’est moi qui suis guéri ;
C’est moi qui me redresse,
C’est toi qui es meurtri ;
Quel étrange partage
De ma vie et ta mort,
Où ta mort est le gage
Que la vie est mon sort.
2èmeméditation :
« Jésus de Nazareth, le Roi des Juifs. » A nouveau, la parole choisie par Pilate a un double sens. D’abord ironique, Pilate annonce malgré lui que la royauté de Jésus est pour le monde entier. L’écriteau est écrit en hébreu, la langue sacrée du peuple juif, en latin et en grec, les langues administratives et culturelles de l’Empire romain. Ainsi, l’annonce de l’Evangile au monde entier est présente au moment de la crucifixion de Jésus : la mort de Jésus et sa royauté dans le service sont pour tous les êtres humains.
Et justement, autour de la croix, c’est une nouvelle famille, une nouvelle communauté qui est créée.Il y a là, la mère de Jésus, quelques femmes et le disciple que Jésus aimait. Jésus confie sa mère au disciple et réciproquement.
Ainsi, ce sont de nouvelles relations familiales qui sont instaurées. Le disciple bien-aimé devient ainsi le premier frère de Jésus. Plus tard, Jésus ressuscité appellera tous les disciples ses « frères » (Jean 20, 17).
Ainsi se réalise ce qui était déjà annoncé au tout début de l’évangile : « à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jean 1, 12).
En Jésus, Dieu est venu chercher les humains pour leur redonner leur visage d’enfants de Dieu.
En ce Vendredi saint, j’aimerais renouveler la conscience de mon appartenance à la grande famille des enfants de Dieu. Je pense aux visages rencontrés durant mon existence, mais aussi à ceux que je ne connais pas et auxquels je suis mystérieusement relié par le Christ.
Ô Dieu, élargis mon regard pour que je sache accueillir celui qui est différent.Que ton amour soit le soutien et le témoignage de tous les chrétiens dans le monde.
Amen.
Morceau d’orgue court
3èmelecture : Jean 19, 28-37 :
Après cela, comme Jésus savait que, maintenant, tout était achevé, il dit pour accomplir le texte de l’Écriture : « J’ai soif. » Il y avait là un vase plein de vinaigre. Les soldats trempèrent donc une éponge dans le vinaigre, la fixèrent à une branche d’hysope et l’approchèrent de la bouche de Jésus. Jésus prit le vinaigre, puis il dit : « Tout est achevé ! » Alors, il baissa la tête et mourut.
C’était vendredi et les chefs juifs ne voulaient pas que les corps restent sur les croix durant le sabbat, d’autant plus que ce sabbat-là était spécialement important ; ils demandèrent donc à Pilate de faire briser les jambes des crucifiés e et de faire enlever les corps. Alors les soldats vinrent briser les jambes du premier condamné mis en croix en même temps que Jésus, puis du second. Quand ils arrivèrent à Jésus, ils virent qu’il était déjà mort ; c’est pourquoi ils ne lui brisèrent pas les jambes. Mais un des soldats lui perça le côté avec sa lance, et du sang et de l’eau en sortirent aussitôt. L’homme qui témoigne de ces faits les a vus, et son témoignage est vrai ; il sait, lui, qu’il dit la vérité. Il en témoigne afin que vous aussi vous croyiez. En effet, cela est arrivé pour que ce passage de l’Écriture se réalise : « On ne lui brisera aucun os. » Et un autre texte dit encore : « Ils regarderont à celui qu’ils ont transpercé. »
Chant du recueil Alléluia n°33-13 « O douloureux visage », strophe 3
- Parmi tant de blessures
De la lance et des clous,
Parmi tes meurtrissures
La trace de mes coups,
Et parmi tant d’offenses,
Ton seul, ton seul pardon,
Et pour seule espérance,
La force de ton nom !
3èmeméditation :
« Tout est achevé… »
Cette parole marque la fin de la vie de Jésus, un innocent condamné injustement.
En même temps, Jean anticipe déjà la victoire du Christ. Cette parole signifie aussi l’accomplissement du salut de Dieu pour l’humanité.
Jésus remet l’esprit : il rend son dernier souffle, mais les mots anticipent déjà le don de l’Esprit Saint aux disciples (Jean 20, 22).
Le sang et l’eau qui sortent de son côté montrent que Jésus est vraiment mort, mais ils symbolisent aussi les deux sacrements du baptême et de la Cène qui témoignent de la vie offerte de Jésus.
Entre ces 2 lectures, nous n’avons pas à choisir, mais à les vivre ensemble. En Jésus, Dieu est venu habiter pleinement notre humanité pour la conduire à la vie.
Je me permets un détour musical : Jean Sébastien Bach a magnifiquement exprimé ces deux dimensions dans l’aria « Es ist vollbracht » de la Passion selon Saint Jean. Celle-ci commence par un chant triste et méditatif qui approfondit la parole de Jésus « Tout est achevé » en évoquant la nuit du deuil. La plainte est brusquement interrompue par un bref chant de victoire « Le héros de Juda l’emporte avec force et clôt le combat », puis la plainte reprend brièvement avant que Jésus expire.
J’aimerais vivre ce Vendredi Saint sur ces deux plans en même temps : pouvoir regarder la mort de Jésus sur la croix, prendre en compte tous les sentiments qu’elle m’inspire, tout en percevant l’accomplissement de l’amour de Dieu qui est mystérieusement vainqueur du mal et de la mort.
Ô Dieu, merci parce que Jésus a partagé notre humanité jusque dans la mort. Merci pour ton amour donné qui veut encore et toujours nous entraîner vers la vie.
Amen.
Morceau d’orgue court
4èmelecture : Jean 19, 38-42 :
Après cela, Joseph, qui était d’Arimathée, demanda à Pilate l’autorisation d’emporter le corps de Jésus. — Joseph était un disciple de Jésus, mais en secret parce qu’il avait peur des autorités juives.— Et Pilate le lui permit. Joseph alla donc emporter le corps de Jésus. Nicodème, cet homme qui était allé trouver une fois Jésus pendant la nuit, vint aussi et apporta environ trente kilos d’un mélange de myrrhe et d’aloès. Tous deux prirent le corps de Jésus et l’enveloppèrent de bandes de lin, en y mettant les huiles parfumées, comme les Juifs ont coutume de le faire quand ils enterrent leurs morts. A l’endroit où l’on avait mis Jésus en croix, il y avait un jardin, et dans ce jardin il y avait un tombeau neuf dans lequel on n’avait jamais déposé personne. Comme c’était la veille du sabbat des Juifs et que le tombeau était tout proche, ils y déposèrent Jésus.
Chant du recueil Alléluia n°33-13 « O douloureux visage », strophe 4
- De l’humaine misère
Tu t’es fait serviteur ;
De chacun de tes frères
Tu portes la douleur.
Seigneur, de nos souffrances
Et de nos lendemains,
Garde notre espérance
En tes vivantes mains !
4èmeméditation :
Tout est achevé : Jésus est mort.
En nous racontant sa mise au tombeau, l’évangile de Jean met en avant quelques détails. Discrètement, il montre que Jésus est enterré comme un roi : ce sont plus de 30 kilos de myrrhe et d’aloès qui sont utilisés.
Ensuite, deux personnages apparaissent en pleine lumière : Joseph d’Arimathée, disciple en secret et Nicodème qui était venu trouver Jésus en pleine nuit. Ils ne semblent plus avoir peur. Leur soin montre leur attachement à Jésus. Leur énergie est peut-être celle du désespoir et leurs gestes sont bien dérisoires face à la mort de Jésus, mais ils sont là et ils font ce qu’ils peuvent.
En les regardant, je pense à tous les petits gestes d’amour et de solidarité. Parfois, ils semblent dérisoires face au malheur qui a frappé. Ils semblent une goutte d’eau fraiche dans un océan de souffrances. Pourtant, de nombreuses personnes ne seraient pas debout aujourd’hui sans ces petits gestes d’amour : sans doute en avez-vous déjà fait l’expérience…
Joseph et Nicodème osent ces petits gestes d’amour. Qui sait si Dieu ne va pas les recueillir pour les transformer en aube de résurrection ?
Et dites-moi, ce jardin où Jésus est enterré, ne rappelle-t-il pas un autre jardin où Dieu créa la vie et où l’être humain fit l’expérience de la liberté ?
Seigneur, merci pour tous les gestes d’amour du quotidien qui permettent de faire face au mal ou au moins de faire le pas suivant sur le chemin de la vie.
Amen.
Morceau d’orgue court
Note : le texte des 4 messages est une adaptation de commentaires que j’avais écrits pour Pain de ce jour en avril 2014