Texte de la prédication de David Allisson du 11 février 2018 – lien vers le fichier pdf
Lecture de la Bible
Lévitique 13,1-2.45-46
Romains 6,12-14
Marc 1,40-45
Prédication de David Allisson
Chers amis,
Il y a une Grande Nouvelle qui se répand : le Royaume de Dieu s’est approché ! C’est une Bonne Nouvelle : la vie prend de l’ampleur, la vie est ouverte de ce supplément de respiration et d’amour qui annonce la présence de Dieu,
qui accompagne la présence de Dieu
et qui suit la présence de Dieu.
Dieu aime. Jésus remet en lien les exclus avec eux-mêmes, avec les autres et avec Dieu.
Le lépreux est exclu.
Ce n’est pas tellement la contagion que l’on craint, même si c’est une bonne excuse pour le tenir à l’écart et se tenir à l’écart.
Ce qu’on dit de lui et qu’on lui demande de crier partout où il se déplace, c’est qu’il est impur !
C’est un mort vivant, exclu de toute vie familiale, sociale et religieuse. Il est impur et avoir à faire avec lui risque de rendre impur les croyants qui n’ont rien à se reprocher.
Les textes que nous avons lus tout à l’heure sont ceux qui nous sont proposés pour ce dimanche. Quand j’ai relu ces textes qui évoquent cette recherche à préserver la société de toute impureté, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à la situation des personnes qui aiment quelqu’un du même sexe qu’elles.
Vous avez vu la fameuse photo de « Réformés » qui montre deux hommes qui s’aiment. Une vague de protestations parfois violentes a déferlé rapidement. Les réactions ont été nombreuses. Manifestement, cette photo a fait rater le but du dossier : proposer une réflexion sur l’accueil des couples de même sexe dans l’Eglise. La polémique sur la photo a détourné l’attention des questions de fond.
Tout cela m’interroge. Je ne comprends pas pourquoi il faut mettre tant d’effort à préserver l’Eglise et la société de l’influence des couples de même sexe. Je vois que nous cherchons à les cacher, à leur demander d’être invisibles. C’est comme si le salut et la pureté se jouaient dans la sexualité, voire dans l’affectivité. Je vois près de moi, des couples de même sexe vivre leur relation dans l’amour, la fidélité et la simplicité. Je vois aussi des couples hommes – femmes vivre dans l’irrespect, l’abus ou la tromperie.
Le lien social et le respect des personnes dans leur être entier me paraît être le plus important.
Qu’y a-t-il d’enviable dans la situation d’un homosexuel pour qu’il suscite autant de réactions fortes et émotionnelles ?
Qu’y a-t-il d’enviable pour qu’on pense que parler publiquement d’amour entre personnes de même sexe va inciter la jeunesse à des sentiments homophiles ?
Franchement, je ne vois pas.
Dans la société, pas tellement. Dans l’Eglise encore moins.
Ce n’est pas à la mode de vivre son amour avec quelqu’un de même sexe. Ce n’est pas favorisé par notre société qui expose une hypersexualité hétérosexuelle. C’est une lutte pour s’accepter soi-même dans sa différence minoritaire. C’est une lutte et des souffrances par rapport à la difficulté d’être accepté par ses proches et par son entourage social et professionnel.
Accepter et accueillir les couples de même sexe n’est pas anodin. Il y a bien un danger pour l’Eglise.
Si même quelqu’un qui aime une personne de même sexe est accueilli par Jésus, on risque de voir venir d’autres exclus, d’autres malmenés de la vie, d’autres personnes à qui on aurait voulu accrocher des clochettes et à qui on demanderait plutôt de crier « impur ! impur ! »
Ce n’est pas la lèpre qui rend impur.
Ce n’est pas l’homosexualité qui rend impur.
Ce qui rend impur c’est le péché.
C’est ce que vous excluez de vous qui vous empêche d’accepter que l’autre soit accueilli.
Les impurs, les dangereux au temps de Jésus, ceux dont il faut se préserver et ceux dont il faut protéger la société, ce sont :
- les lépreux
- les collecteurs d’impôt
- les prostituées
- les adultères
La loi religieuse de l’Ancien Testament définit la pureté et l’impureté. Il y en a des listes longues comme le bras. Impur est ce qui empêche de participer au culte et à la vie communautaire :
- prescriptions alimentaires : certains aliments rendent impur
- sexualité
- crainte des morts : la proximité d’un cadavre rend impur
- on est impur tant qu’on n’a pas expié suite à une mauvaise action ou à un acte socialement pas admis
Les lois de pureté sont telles qu’elles condamnaient l’immense majorité de la communauté cultuelle à un état quasi permanent d’impureté rituelle. Avant le culte il fallait se purifier en se lavant d’une manière bien définie. Avant de prier aussi, comme avant de manger, comme après avoir fait l’amour. Finalement, il fallait se purifier à tout moment au cas où on avait côtoyé quelqu’un d’impur sans le savoir.
Nous admirons Jésus qui va au-delà de ces questions d’impureté. Quand il rencontre les personnes, il voit leurs souffrances, l’exclusion qui les blesse, la solitude qui leur fait mal.
Il parle aux femmes et même aux prostituées, il mange avec les collecteurs d’impôts, il touche les lépreux, il accueille les adultères et parfois même il prend leur défense.
Et il apporte cette Grande Nouvelle libératrice. Il apporte la Bonne Nouvelle qui dit que pour ces personnes-là, un soulagement existe, un accueil radical les attend, des rencontres et des relations sont à nouveau possibles.
Jésus est une menace pour l’ordre social ordinaire. Il agit pour les personnes plutôt que pour les Lois qui les enferment. Il libère même si cela fait désordre et il ouvre à une vie renouvelée et large.
J’ai moi aussi mes enfermements et mes liens. Tous ces éléments qui me rendent impur à la vie parce que je vois que je n’entre pas dans les cases de la Loi. Peut-être que vous aussi vous vous sentez liés par ce qu’on vous demande d’être ou par ce que vous pensez devoir être.
Je ne suis pas appelé à changer les personnes pour qu’elles deviennent dignes de recevoir l’annonce de la Bonne Nouvelle que le Royaume de Dieu est là. Je peux accueillir cette Bonne Nouvelle et la libération que procure la présence de ce Dieu qui ne m’oblige pas à être d’abord pur pour pouvoir entendre qu’il me libère et qu’il m’offre la vie.
C’est parce que Dieu m’a aimé d’abord que je peux aimer à mon tour. Et c’est ce que j’aimerais faire. Aimer et accueillir, même celles et ceux qui ont lutté contre eux-mêmes et qui ont souffert de cette lutte et du regard des autres. L’accueil de Dieu les libère. Et savoir si c’est pour la joie de vivre réconcilié avec eux mêmes une orientation qui est différente de celle de la majorité ou si c’est pour assumer une autre situation de vie, ce n’est pas mon problème à moi. C’est entre eux et Dieu. Si je vois une personne libérée de son propre regard sur elle-même et libérée de la contrainte qu’elle ressent du regard des autres sur elle-même, je veux me réjouir avec elle et accepter avec elle sa situation de vie.
Je suis frappé de l’accueil que la paroisse fait à Diane, qui était auparavant Nicolas et qui exprime une forme de réconciliation avec elle-même depuis qu’elle peut vivre pleinement femme. Diane est reconnaissante vis-à-vis de Dieu de pouvoir vivre sa féminité et sa foi. Et elle peut le faire aussi en participant au culte dans notre paroisse et manifestement, elle est accueillie par la communauté.
Pourtant, certains d’entre nous expriment parfois des réticences et des difficultés parce qu’ils ont connus Nicolas et qu’il leur faut faire un effort pour reconnaître et accepter Diane.
Ce que je trouve beau dans cette histoire particulière, c’est que la communauté parvient à s’ouvrir à l’accueil et au respect au-delà de ces difficultés individuelles. Je suis reconnaissant pour le témoignage que cet accueil rend à l’amour et à la libération offerts par Dieu lorsqu’on reçoit cette Grande Nouvelle que Jésus annonce au risque de menacer l’ordre social.
Dans les textes d’aujourd’hui, il ne s’agit pas d’une problématique sanitaire. L’enjeu n’est pas la santé publique. Dans les textes d’aujourd’hui, il s’agit de Lois qui définissent un bon ordre social. Et Jésus vient gratter cet ordre social. Jésus vient réintégrer le lépreux qui devient pur non pas parce qu’il est guérit. Le lépreux devient pur parce qu’il bénéficie d’un autre regard sur lui. Il devient pur parce qu’il est aimé de Dieu.
C’est l’amour de Dieu qui nous rend pur.
Notre bonne conduite et notre bonne intégration n’y sont pour rien.
Nous vivons de cette Grande Nouvelle. Elle peut devenir Bonne Nouvelle pour d’autres autour de nous. Changeons de comportement. Recevons la présence et l’amour de Dieu. Vivons, respirons et accueillons cet amour de Dieu. Partageons cet amour autour de nous.
Amen.