Tu es porteur d’une Bonne Nouvelle – prédication des 9 et 10 décembre 2017

retable_issenheim
Matthias Grünewald, retable d’Issenheim à voir au musée d’Unterlinden – Colmar

Cultes des 9 et 10 décembre 2017 à Môtiers et à la montagne de Travers

Avent II

Cliquer ici pour télécharger les textes du culte en format pdf

Accueil et salutations

Dans le désert, ouvrez le chemin au Seigneur.

Tu es chargé d’une bonne nouvelle, n’aie pas peur de la faire entendre. Voici votre Dieu, le Seigneur : il vient !

Que sa paix nous accueille.

Noël, on s’en réjouit et on craint aussi ce moment : il manquera tel ou telle à la réunion de la famille. Comment se comportera celui-ci ou celle-là ? Est-ce que je serai adéquat et en paix ? Parfois on en a carrément assez.

Le groupe de jeunes œcuménique du Val-de-Travers a organisé une veillée de prière vendredi et les jeunes ont partagé ce texte qui nous dit qu’il est temps d’espérer :

Il est temps d’espérer

Allez donc tout au fond de vous-mêmes.

Et vous verrez briller la fragile petite lumière vous appelant à vous secouer et à sortir de la torpeur et de la morosité dans lesquelles, doucement, vous avez pris refuge !

Vous en aurez assez de l’obscurité qui, en permanence, enveloppe votre existence, vos mentalités, vos projets et même vos décisions…

assez des valses – hésitations, des lenteurs et des atermoiements et même des peurs qui, sans cesse, freinent toute évolution dans la société et dans l’Eglise…

assez de vos propres limites, de vos calculs politiques, de vos lâchetés et de votre incapacité à vivre à plein vos rêves…

assez des gaspillages planétaires, de l’exploitation sans vergogne des champs et des sols, des saletés déversées dans la terre nourricière…

assez de la stupidité et de l’égoïsme humains engendrant les violences, les haines et les guerres, les exils et les incompréhensions et justifiant exactions et torture…

assez de votre amour traînant dans la médiocrité et la petite mesure,

assez de votre foi que vous empêchez de se déployer au grand soleil de Dieu…

 

Assez !

C’est le temps de l’Avent et de Noël !

C’est le temps où le Seigneur vient lui-même, en personne, réveiller votre espérance !

Il vient, lui-même, vous remplir d’espérance !

 

Il vient, vous aider à vivre en grand, debout.

Il vient, le Seigneur, il est avec vous, chaque jour et même chaque nuit, et il demeure, là, à vos côtés.

C’en est fini des « assez » car il vient, le Seigneur, réveiller votre espérance et, ainsi, vous propulser jusqu’au bout de vous-mêmes !

C’est l’Avent, c’est Noël !

Tiré de Chemins de Noël 2017. Il est temps d’espérer
Albert HARI – Yolande WEIBEL, Editions du Signe

Lecture de la Bible

Esaïe 40,1-11
Marc 1,1-8

Prédication de David Allisson

Avec un texte de Marie-Noëlle Thabut http://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/le-dimanche-jour-du-seigneur/commentaires-de-marie-noelle-thabut/

Le peuple pleure.

Le peuple de France pleure Jean d’Ormesson et Johnny Hallyday.

Le peuple de l’EREN pourrait pleurer le manque de direction pour définir son avenir ou pour mettre en action ses moyens au Synode mercredi dernier.

Le peuple de l’humanité pleure le harcèlement et les viols dénoncés par de nombreuses femmes ces dernières semaines.

Le peuple de Syrie continue de pleurer ses morts.

Le peuple de Palestine pleure l’annonce par le président des Etats-Unis de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël.

Angoisse, deuil, maltraitance, abus, maladie : autant de malheurs, autant de pleurs.

Vous avez vous aussi vos raisons de pleurer. Et vous avez raison de pleurer !

Et voici la parole d’Esaïe :

« CONSOLEZ, CONSOLEZ MON PEUPLE »

C’est ici l’un des plus beaux passages du Livre d’Esaïe ; on l’appelle le « Livret de la Consolation d’Israël » car ses premiers mots sont « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu ». Cette phrase, à elle toute seule, est déjà une Bonne Nouvelle extraordinaire, presque inespérée, pour qui sait l’entendre ! Car les expressions « mon peuple »… « votre Dieu » sont le rappel de l’Alliance.

Pendant l’Exil à Babylone, entre 587 et 538 avant J.C. la grande question des exilés était : Dieu n’aurait-il pas abandonné son peuple, n’aurait-il pas renoncé à son Alliance… ? Il pourrait bien s’être enfin lassé des infidélités et du mal partout dans l’humanité et partout dans son peuple. Ce que veut ce Livret de la Consolation dans le livre d’Esaïe c’est dire que Dieu n’est pas fatigué. Dieu affirme encore « Vous serez mon peuple et je serai votre Dieu », ce qui était la devise ou plutôt l’idéal de l’Alliance.

A son peuple en servitude à Babylone, Esaïe annonce la libération et le retour à Jérusalem. A l’humanité enfermée dans des lieux de mort, le Christ annonce la libération et le retour à la vie.

« Une voix proclame » : nulle part, l’auteur de ce « Livret de la Consolation d’Israël » ne nous dit qui il est ; il se présente comme « la voix qui crie de la part de Dieu ».

« Une voix proclame » : Dans le désert, préparez le chemin du SEIGNEUR ». Déjà une fois dans l’histoire d’Israël, Dieu a préparé dans le désert le chemin qui menait son peuple de l’esclavage à la liberté : c’était de l’Egypte à la Terre Promise ; eh bien, nous dit le prophète, puisque le Seigneur a su jadis arracher son peuple à l’oppression égyptienne, il saura aujourd’hui, de la même manière, l’arracher à l’oppression babylonienne.

L’éloignement de Dieu et les forces de mort auront beau essayer de vaincre, c’est la vie qui est annoncée :

« Alors se révélera la gloire du SEIGNEUR, et tout être de chair verra que la bouche du SEIGNEUR a parlé » : on pourrait traduire « Dieu sera enfin reconnu comme Dieu et tous verront que Dieu a tenu ses promesses. »

« Monte sur une haute montagne, toi qui portes la bonne nouvelle à Sion. Elève la voix avec force, toi qui portes la bonne nouvelle à Jérusalem. »

Ce texte, dans son ensemble, résonnait comme une extraordinaire nouvelle aux oreilles des contemporains d’Esaïe, au sixième siècle av. J.C. Et voilà que cinq ou six cents ans plus tard, lorsque Jean-Baptiste a vu Jésus de Nazareth s’approcher du Jourdain et demander le Baptême, il a entendu résonner en lui ces paroles d’Esaïe et il a été rempli d’une évidence aveuglante :

Le voilà celui qui rassemble définitivement le troupeau du Père…

Le voilà celui qui va transformer les chemins tortueux des hommes en chemins de lumière…

Le voilà celui qui vient redonner au peuple de Dieu sa dignité…

Le voilà celui en qui se révèle la gloire (c’est-à-dire la présence) du SEIGNEUR.

Fini le temps des prophètes, désormais Dieu lui-même est parmi nous !

Et nous voilà au début de l’évangile de Marc.

« Commencement de l’Evangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu » : en quatre mots tout le mystère de Jésus de Nazareth est dit : cet homme, situé humainement, est Christ, Fils de Dieu : c’est-à-dire à la fois roi, Messie, celui qui accomplit l’attente de son peuple, mais aussi réellement Fils de Dieu, c’est-à-dire Dieu lui-même… et là les attentes du peuple élu ont été non seulement comblées mais largement dépassées. Désormais tout l’évangile de Marc sera le développement de ce premier verset.

« Evangile » : il faudrait entendre ce mot dans toute sa force ! Au sens de « Grande Nouvelle », une grande Nouvelle qui serait excellente. Etymologiquement, c’est exactement le sens du mot « évangile » ; à l’époque, les heureuses grandes nouvelles officielles comme la naissance d’un roi ou une victoire militaire étaient appelées des « évangiles ». La venue de Jésus parmi les humains est bien la Nouvelle d’un début de Règne, celui de Dieu lui-même.

Matthieu, Marc, Luc et Jean n’ont pas écrit des livres de souvenirs, des biographies de Jésus de Nazareth ; pour eux il s’agit d’une Nouvelle extraordinaire et elle est bonne ! « Croyez à la Bonne Nouvelle » (c’est une autre phrase de Marc) veut dire « croyez que la Nouvelle est Bonne ! » Cette Bonne Nouvelle, les évangélistes ne peuvent pas, ne veulent pas la garder pour eux ; alors ils prennent la plume pour dire au monde et aux générations futures : Celui que le peuple de Dieu attendait est venu : il donne sens à la vie et à la mort, il ouvre nos horizons, illumine nos yeux aveugles, il fait vibrer nos tympans durcis, met en marche les membres paralysés et va jusqu’à relever les morts. Voilà une Bonne Nouvelle !

Contrairement aux récits de Matthieu et de Luc, cette Bonne Nouvelle ne commence pas, chez Marc, par des récits de la naissance ou de l’enfance de Jésus, mais tout de suite par la prédication de Jean-Baptiste :

« Jean, celui qui baptisait, parut dans le désert ». Et Marc cite le prophète Esaïe : « Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour ouvrir ton chemin. Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du SEIGNEUR, Rendez droits ses sentiers. »

Marc a rassemblé diverses citations des prophètes de l’Ancien Testament. Le prophète Malachie écrivait : « Voici, j’envoie mon messager, il aplanira le chemin devant moi » (Ml 3,1) ; nous sommes dans la perspective de la venue du Jour de Dieu ; et dans le livre de l’Exode on trouve « Je vais envoyer un messager devant toi pour te garder en chemin et te faire entrer dans le lieu que j’ai préparé » (Ex 23,20) ; c’est un rappel de la sortie d’Egypte.

Ce que Marc sous-entend ici en quelques mots, c’est que Jean-Baptiste nous achemine de l’Alliance historique conclue dans le désert de l’Exode vers l’Alliance définitive en Jésus Christ.

Dans le peuple, on s’agite, on est prêt à accueillir le Messie.

Jean-Baptiste fait bouger les foules mais il ne se laisse pas griser par son succès : il sait qu’il n’est qu’une voix, un signe et qu’il annonce plus grand que lui. Il détrompe fermement ceux qui le prennent pour le Messie et il en tire tout simplement les conséquences : Celui que je vous annonce est tellement plus grand que moi que je ne suis même pas digne de me courber à ses pieds pour dénouer la courroie de sa sandale.

LUI VOUS BAPTISERA DANS L’ESPRIT SAINT.

Comme Elie, comme tout vrai prophète, Jean-Baptiste prêche la conversion : à tous ceux qui veulent changer de vie, il leur propose un baptême. Il ne s’agit plus seulement de se laver les mains avant chaque repas, comme la religion juive le demandait, il s’agit de se plonger tout entier dans l’eau pour manifester la ferme résolution de purifier toute sa vie : c’est-à-dire tourner définitivement le dos à toutes les idoles quelles qu’elles soient. Dans certains couvents du temps de Jean-Baptiste et de Jésus, on allait même jusqu’à prendre un bain de purification par jour pour manifester et entretenir cette volonté de conversion.

Mais Jean-Baptiste précise bien : entre son Baptême à lui et celui qu’inaugure le Christ, il y a un monde ! « Moi, je vous baptise dans l’eau » : c’est un signe qui montre votre désir d’une nouvelle vie ; le geste du baptiseur et le mouvement du baptisé sont des gestes humains. Tandis que le geste du Christ sera le geste même de Dieu : « Il vous baptisera (plongera) dans l’Esprit Saint ». C’est Dieu lui-même qui transformera son peuple en lui donnant son Esprit.

Jean-Baptiste le dit : Dieu va nous remplir de l’Esprit-Saint. Nous n’avons qu’à nous laisser faire et accueillir le don de Dieu.

Voilà une bonne nouvelle à répéter jusqu’à Noël et au-delà :

Dieu vient. Il est là. Il vous transforme.

Consolez le peuple. Tournés vers Dieu, vous êtes vous-mêmes ces messagers que demande Esaïe :

« Tu es chargé d’une bonne nouvelle. N’aie pas peur de la faire entendre. » (Es 40,9)

Amen.