Alors, en (ré)forme? Voilà une réflexion bien enlevée! A nous (re)mettre en tête?
Le mal de notre époque, ce n’est pas l’ordre établi avec tous ses défauts, non, le mal de notre époque, c’est exactement ce désir mauvais : cette manière de flirter avec la volonté de réformer, cette imposture où l’on veut réformer sans vouloir souffrir ni consentir de sacrifices, cette folle présomption où l’on se prétend capable de réformer sans avoir une notion, pour ne pas dire une haute idée de l’extraordinaire élévation de la pensée « de réformer », cette hypocrisie enfin où l’on fuit la conscience de sa propre incapacité en s’affairant au divertissement de vouloir réformer l’Eglise, la dernière des tâches dont notre époque soit capable.
Quand l’Eglise eut besoin d’une réforme, personne ne se présenta ;
nulle hâte alors pour être de l’entreprise ;
tous reculèrent et fuirent ;
seul un solitaire, le réformateur, se disciplinait dans un complet silence, dans la crainte, le tremblement et nombre de tribulations spirituelles afin d’oser, au nom de Dieu, être l’extraordinaire.
Aujourd’hui, tous veulent réformer, et c’est un vacarme de guinguette ;
loin d’être la pensée de Dieu, c’est une invention d’hommes pleins de fatuité ;
et c’est aussi pourquoi, au lieu de crainte, de tremblement et de longues tribulations spirituelles, on a des hourras, des bravos, des acclamations, des paris, des vivats, des rondes, du tumulte – et une fausse alerte ».
Sören Kierkegaard, Jugez vous-mêmes, Œuvres complètes, Tome 18, Paris, Orante, 1966, p.255 cité in : Gabriel Monnet, L’Eglise émergente. Etre et faire Eglise en postchrétienté, Berlin, 2014, Lit Verlag, p.381