2ème week-end du Carême
11 mars 2017, Môtiers, 17h
12 mars 2017, La Côte-aux-Fées, 10h
Prédication de Patrick Schlüter à télécharger en pdf
Lectures de la Bible :
Texte de la prédication : un Dieu de la route qui nous appelle sans relâche à marcher avec lui.
« Le Seigneur dit à Abram : quitte ton pays (…) et va vers le pays que je montrerai »
J’ai trouvé intéressant la proposition du lectionnaire que nous suivons de proposer cet appel d’Abram avec le récit de la transfiguration dans l’évangile de Matthieu. En effet, Abram se met en route et le récit de la transfiguration est aussi traversé par une impression de mouvement et de dynamique : les disciples montent avec Jésus sur la montagne. Pierre n’a pas fini de parler que la voix de Dieu l’interrompt. Les disciples tombés à terre sont invités à se lever par Jésus et c’est en descendant de la montagne qu’ils parlent avec lui.
Cette impression de mouvement, peut-être que nous l’avons aussi en regardant le monde, la société, l’actualité. Tout change, parfois en bien ; certains changements inquiètent aussi et ne semblent pas se diriger vers le meilleur. La campagne de Carême nous invite d’ailleurs à réfléchir à la question de l’accaparement des terres : de petits paysans doivent quitter leurs terres expropriés par des investisseurs !
Cette impression que beaucoup de choses changent nous effraie peut-être. Aujourd’hui, j’ai l’impression que nous vivons dans un monde marqué par la tentation du repli : l’envie de préserver l’acquis. C’est un peu comme l’envie construire des murs pour se protéger : murs ou petits murets intérieurs, murs juridiques ou murs le long d’une frontière avec l’impression qu’ils nous préserveront de tous les changements du monde !
J’envie de comparer cela aux 3 disciples de Jésus qui aimeraient faire des tentes pour Jésus, Moïse et Elie. Les disciples vivent quelque chose de fort. Leur maître prend un visage glorieux. Ce n’est pas tous les jours que la gloire de Dieu se manifeste. Alors, ils aimeraient retenir l’instant, faire qu’il s’ancre dans la durée, au moins pour une nuit à passer dans ces tentes que Pierre aimerait monter.
La bonne intention de Pierre peut sembler ridicule à première vue : on ne retient pas la gloire de Dieu dans une tente faite de main d’homme ! Mais, cette envie de préserver l’instant peut rejoindre toutes nos tentations de nous installer bien au chaud dans nos murs !
Le Dieu qui appelle Abram, le Père de Jésus-Christ est un Dieu de la route et du mouvement. La seule question qui reste, c’est : vers quoi, dans quelle direction est-ce qu’il nous invite à aller ?
2 indices nous sont proposés dans le récit de la transfiguration
1er indice :
La voix de Dieu qui s’adresse aux disciples invite à écouter Jésus qui est son Fils bien-aimé.
Ecouter le Christ dans l’évangile de Matthieu, c’est se situer en cohérence avec son enseignement qui met l’amour de Dieu au cœur de tout, jusqu’à aimer son ennemi et à résister au mal par la puissance de l’amour. Pendant sa Passion, Jésus va être cohérent avec son enseignement. Le temps du Carême nous invite à nous préparer à cette Passion du Christ, à Vendredi Saint et à Pâques.
2ème indice :
Jésus, en descendant de la montagne, invite les disciples à ne rien dire de leur expérience avant sa résurrection.
Cela nous renvoie à la fin de l’évangile de Matthieu où le Christ ressuscité s’adresse à ses disciples :
« Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez donc auprès des gens de toutes les nations et faites d’eux mes disciples ; baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à pratiquer tout ce que je vous ai commandé. Et sachez-le : je vais être avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. »
J’aimerais retenir 3 choses de ces paroles de Jésus qui éclairent la direction dans laquelle il nous invite à marcher :
- D’abord la dimension de l’ouverture : C’est vers toutes les nations que Jésus nous invite à aller. Cette dimension se retrouve aussi dans l’appel à Abram appelé à être bénédiction pour toutes les nations de la terre. La foi chrétienne appelle à aller vers l’autre, quel qu’il soit. Elle appelle à dépasser ses peurs et ses préjugés. Elle rappelle que l’autre est le vis-à-vis qui permet de grandir, en particulier s’il est différent. C’est à travers l’autre que le Christ se rencontre, en particulier s’il est petit et faible. Cette solidarité est au cœur de la foi chrétienne.
- Ensuite, la dimension de l’ancrage: garder ce que le Christ a dit et enseigné. C’est savoir ce que l’on croit, rechercher la cohérence dans sa vie. Etre ancré, cela permet de rencontrer l’autre dans l’ouverture, sans craindre la différence, ni même la confrontation.
- Enfin, la dimension de la présence: Jésus est avec nous tout au long de notre marche de croyants dans le monde. Nous ne sommes pas seuls, mais accompagnés et portés à travers tous les aléas de notre marche dans le monde. C’est Jésus qui invite ses disciples à monter sur la montagne, c’est lui qui les relève, descend avec eux et les enseigne.
Le Dieu de Jésus-Christ est un Dieu de la route qui nous appelle sans relâche à marcher avec lui.
Dans une marche, il y a toujours quelque chose d’inachevé, toujours un nouveau chemin à emprunter, une nouvelle étape à passer. Notre marche de croyants s’insère dans celle de tout un peuple. Elle nous précède et nous dépasse. (Peut-être que nous pouvons aussi retenir cela du Requiem inachevé de Mozart et du tableau de la transfiguration de Raphaël, inachevé lui aussi, ces deux œuvres qui ont été évoquées cet après-midi dans la conférence.) [1] Notre marche personnelle est importante parce qu’elle est la nôtre, mais elle se poursuit au-delà de nous. C’est Dieu qui l’accompagne et en prend soin.
Amen.
[1] Ajout à la prédication prononcé le samedi à Môtiers, le culte suivant la conférence sur le Requiem de Mozart.