Sans justice, il n’y a pas de paix-prédication du 2ème dimanche de l’Avent

4 décembre 2016, 2ème dimanche de l’Avent, Noiraigue, 10h

Prédication de Patrick Schlüter à télécharger en pdf

Lectures de la Bible :

 

Texte de la prédication : sans justice, il n’y a pas de paix

Noël vient et nous nous y préparons chaque année !

Pourtant, chaque année, nous préparons Noël dans un contexte différent. Nos vies ont changé, un peu ou beaucoup. Les personnes qui nous entourent ont évolué. Certaines ne sont plus là. D’autres relations se sont tissées.

Le monde dans lequel nous préparons Noël est aussi différent. Ces dernières années, certaines perspectives se sont assombries : la crise migratoire, les guerres, la crise économique ont passé par là. Plusieurs incertitudes nous attendent. Et dans le Canton de Neuchâtel, il y a tensions sociales qui provoquent des débats, des manifestations et des grèves.

Noël vient chaque année, mais nous ne le préparons pas toujours de la même manière. Cela m’a frappé en relisant la prédication que j’avais écrite il y a 3 ans sur ces 2 mêmes textes. J’ai l’impression d’une même musique qui revient, mais qui ne se joue plus sur le même ton ou qui nécessite une variation.

Comment nous préparer à ce Noël 2016 dans le contexte qui est le nôtre ?

On pourrait même se questionner sur le sens de fêter Noël ou au contraire, se dire que justement, on a encore plus besoin de fêter Noël dans ce contexte de difficulté de notre monde.

Je me demande si une tentation de cette année ne serait pas de faire de Noël une fête du repli sur ce qui est important et stable. Je m’explique :

Face aux difficultés du monde et de la société, nous avons besoin de consolation, de douceur, de chaleur. Alors, nous les cherchons auprès de nos proches, dans le cercle familial ou amical. Cela, c’est une bonne chose, mais peut-être aurions-nous envie de nous dire : « tant pis pour le reste », cela par dépit, par découragement, par lassitude. Alors, l’amour, la solidarité, l’engagement, nous les focalisons sur ce petit cercle proche. Il est parfois difficile de trouver de l’élan pour ce qui va au-delà.

Parfois aussi, la mobilisation se fait pour des causes qui nous tiennent à cœur. Mais on sent que le rassemblement est difficile.

Comment retrouver un élan, une perspective pour nous, pour notre monde ?

 

En relisant les textes bibliques proposés ce matin, j’ai envie de relever leur contexte qui me semble rejoindre le nôtre.

Esaïe vit une période troublée au 8ème siècle avant Jésus-Christ. La montée en puissance de l’Assyrie emporte le royaume d’Israël et menace celui de Juda. Jérusalem sera même assiégée en 701. C’est la menace extérieure.

A l’intérieur, les rois Achaz, puis Ezéchias cherchent leur politique entre la rébellion et la soumission aux Assyriens. Aux yeux d’Esaïe et d’autres prophètes, les rois d’Israël et de Juda ne sont pas toujours des modèles de fidélité et de vertu. On ne parle pas encore de fraude fiscale, mais les prophètes dénoncent souvent l’absence de justice sociale. La dynastie royale issue de David va pourtant se maintenir jusqu’en 587 avant Jésus-Christ quand Jérusalem est prise par les Babyloniens.

L’oracle d’Esaïe imagine qu’un nouveau rameau jaillira de la souche de Jessé qu’on appelle aussi Isaïe, le père du roi David.

C’est ainsi que nait cette attente d’un roi idéal. Tous les rois d’Israël étaient considérés comme des messies parce qu’ils recevaient l’onction d’huile quand ils étaient sacrés rois. Avec le temps, le mot change de sens et devient synonyme de roi idéal. Ainsi va naître cette attente du Messie, du Christ si on utilise le mot grec.

Bien plus tard, Jean-Baptiste, qu’on peut considérer comme le dernier prophète de l’Ancien testament annonce la venue de ce Messie.

Quand Jean-Baptiste commence sa prédication, l’occupation romaine dure depuis 90 ans environ. Le roi juif Hérode a été laissé en place par les Romains mais il est détesté par tout le peuple. Les partis religieux comme les pharisiens et les sadducéens dont parle notre texte, sont divisés. Le peuple ne sait plus très bien qui croire. Certains collaborent avec les Romains et d’autres rêvent de rébellion. Plusieurs messies font parler d’eux, mais échouent dans leurs tentatives, souvent dans le sang.

Finalement, ces périodes troublées ressemblent, toutes proportions gardées bien sûr, un peu à la nôtre !

 

Pour nous chrétiens, le Messie est venu et la perspective sur le monde a changé. Nous allons chanter à la fin de ce culte :

« Le monde ancien s’en est allé. Un nouveau monde est déjà né. »[i]

Avec Jésus, la perspective a changé. Le Messie est venu dans le monde. Par sa venue, sa mort et sa résurrection, tout est changé parce que, dorénavant, Dieu habite notre humanité pour l’orienter vers la vie.

Dieu a fait sa part du chemin. En ce temps de l’Avent 2016, à travers Esaïe et Jean-Baptiste, nous sommes questionnés sur notre part du chemin.

J’ai retenir des 2 prophètes cette interpellation : sans justice, il n’y a pas de paix.

Le roi annoncé par Esaïe juge avec droiture : « il jugera les petits avec justice et corrigera les malheureux de la terre avec droiture. La justice sera comme une ceinture autour de sa taille. » Une ère de paix universelle va naître.

Jean-Baptiste interpelle ceux qui viennent à lui :

« Produisez donc un fruit digne de la conversion.

N’allez pas dire en vous-mêmes : ‘Nous avons Abraham pour père’ ;

car, je vous le dis : des pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham. »

Ce ne sont pas les acquis qui comptent, mais le comportement juste auquel Dieu appelle.

Sans justice, il n’y a pas de paix, ni avec Dieu, ni avec les autres.

Chercher la justice pour tous, c’est l’appel qui nous est adressé : pour les plus petits, pour les étrangers, les migrants, pour ceux qui sont exclus de notre société, par l’âge, par le niveau sociale, par le revenu, de quelque manière que ce soit.

Avoir cette perspective de justice dans le cœur et dans l’action, c’est cela notre part : Ne pas fermer les yeux sur le mal. Avoir un regard qui accueille et comprend plutôt qu’un regard qui juge. Oser choisir en regardant plus loin pour notre monde.

La Bonne Nouvelle, c’est Dieu a fait sa part et qu’il continuera de la faire pour orienter notre regard et habiter nos vies et notre monde.

L’amour du Christ qui se donne et nous appelle à le suivre est notre moteur, notre élan, notre horizon. Dieu nous met en route. De nos duretés, de nos découragements, de nos questions, il peut faire surgir des perspectives inattendues quand nous lui faisons confiance pour transformer nos vies.

« Le monde ancien s’en est allé. Un nouveau monde est déjà né.

Ne vois-tu pas le jour venir et tous les arbres reverdir ?

Il s’est levé le jour de Dieu qui fait renaître terre et cieux. »[i]

Amen.

[i] Chant dans le recueil Alléluia n° 31-34 :

Le monde ancien s’en est allé

  1. Le monde ancien s’en est allé,
    Un nouveau monde est déjà né :
    Nous attendons le jour de Dieu
    Qui transfigure terre et cieux.
  1. Le monde ancien s’en est allé,
    Un nouveau monde est déjà né :
    Ne vois-tu pas le jour venir
    Et tous les arbres reverdir ?
  1. Le monde ancien s’en est allé,
    Un nouveau monde est déjà né :
    Le Fils de l’Homme est revenu,
    Ressuscité, il ne meurt plus.
  1. Le monde ancien s’en est allé,
    Un nouveau monde est déjà né :
    Il s’est levé, le jour de Dieu
    Qui fait renaître terre et cieux.

Joseph Gelineau 1920-2008

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