Culte du souvenir, 19 novembre 2016, Môtiers 17h
Prédication de Karin Phildius à télécharger en pdf
Lectures de la Bible :
Prédication lors du culte des endeuillés 19.11.16 à Môtiers
« Voici que la saison décline, l’ombre grandit, l’azur décroît » : ce sont les mots de Victor Hugo pour décrire l’hiver, cette saison où nous nous enfonçons dans l’obscurité et dans le froid…
Durant l’hiver, tout semble figé, endormi, mais quel émerveillement, au printemps de voir les arbres bourgeonner, verdir, reprendre vie. De même, nous avons l’impression parfois que la vie est monotone, déprimante, triste ou qu’elle ressemble à un désert sec et aride ou à un long hiver froid et éprouvant. Et quelle joie quand on sait attendre avec patience et qu’apparaissent les signes d’un nouveau printemps, de nouvelles raisons de vivre, d’espérer et d’aimer !
Il vaut la peine de s’attarder sur ce temps de la germination, du mûrissement qui se fait dans ces moments, plus ou moins longs, où nous sommes dans l’obscurité, où nous avons le sentiment que rien ne se passe, que rien ne bouge en nous, autour de nous, où nous sommes comme endormis, éteints ou en attente d’on ne sait quoi.
C’est justement dans ces temps là, ces temps morts de notre vie, quand nous touchons le fond ou nos bas-fonds, qu’il se produit quelque chose, dans nos tréfonds de notre être. C’est quand nous prenons conscience dans notre âme, dans notre esprit et même dans notre corps, de la part ombre de nos vies, de notre vulnérabilité, de nos limites et de nos manques, que la lumière peut à nouveau jaillir.
J’ai toujours été étonnée que certaines plantes comme le géranium, si on veut qu’elles revivent au printemps, on les descend à la cave dans l’obscurité. C’est le cas de la chicorée et d’autres plantes. Un vrai miracle de la croissance au cœur même de l’obscurité.
Le temps du deuil ressemble un peu à ce temps mort, sombre, obscur, où nous sommes confrontés à nos fragilités, à nos limites et à nos zones d’ombre, un temps où parfois rien ne semble se passer…
L’image de la semence qui croît sans qu’on n’y prenne garde nous invite à regarder ce temps de deuil comme un temps de germination, un temps de croissance intérieure pour renaître à de nouveaux attachements, à de nouveaux projets, et peut-être pour certains d’entre vous à de nouvelles valeurs, de nouvelles orientations.
Jésus reprend cette image pour nous invite à faire confiance que l’Esprit de Dieu, sa force de vie agit en chacun, qu’il est à l’œuvre, sans que nous le voyions ou le sachions, y compris dans nos périodes de crises, de déprime, de lassitude, de deuil.
Le Souffle de Dieu agissant en nous, respecte le rythme de chacun, car de même que dans la nature, les graines ne germeront pas toutes au même moment, de même pour chacun de nous, il y a un processus différent, qui prendra plus ou moins de temps. Le respecter, l’accepter, c’est aussi une manière de mieux vivre nos temps de deuil.
Oui, nous le croyons, Dieu est à l’œuvre dans nos vies et il nous accompagne dans tous les moments de notre existence, souvent de manière discrète, cachée, personnelle et bien réelle.
Au cœur de nos hivers, Il prépare nos floraisons prochaines et déjà nous pouvons discerner tout ce qui, aujourd’hui, sont des signes de ce nouveau printemps que le Plus-que- Vivant prépare pour nous : les signes d’affection et de soutien que nous partageons et recevons, les moments de grande joie, comme une naissance, une fête, un repas de famille, les rencontres bienfaisantes, l’entraide, le dévouement quotidien, dans les soins prodigués, dans les amitiés nouées, dans les visites les uns aux autres.
Dieu, notre créateur, est là dans tout ce qui est appelé à naître, dans ce qui a été semé, dans ce que nous semons et dans ce qui va être semé. Nous pouvons aussi voir au cœur de cette célébration des signes de sa présence humble et discrète dans la communauté rassemblée, dans la Parole entendue et tout à l’heure, dans les signes du Pain et du Vin partagés. Vous pourriez sans doute, du moins nous l’espérons, quitter ce temple avec un courage et un élan renouvelés et entrer avec confiance dans le temps de l’hiver, entrer avec joie dans le temps de l’Avent.
Ce n’est pas un hasard que la fête de NOEL se passe justement dans les jours les plus sombres de l’année : toute vie nouvelle naît dans l’obscurité et elle s’oriente vers la lumière.
« La ténèbre n’est point ténèbre devant toi, la nuit comme le jour est lumière » Ce verset du psaume 139 (12) , repris par le chant de Taizé, exprime ce pouvoir bienfaisant de la nuit, du silence, de l’attente du jour qui va pointer à l’horizon.
Je sais que beaucoup d’entre nous appréhendent la période de l’Avent et surtout de NOEL car c’est à ce moment là que le manque de nos bien-aimés se fait le plus sentir. Il est donc important en cette fin d’année d’être attentifs aux uns et aux autres, particulièrement aux plus vulnérables d’entre nous. Important de profiter des rencontres familiales pour évoquer le souvenir de l’être absent et non pas l’éviter par peur de faire couler les larmes ou de créer de la gêne. Accepter que même au cœur de la joie, il peut y avoir de la place à la tristesse ; accepter que ombre et lumière se côtoient, font partie de la vie.
Chaque famille peut trouver une manière personnelle pour évoquer le souvenir au cœur de la fête, par ex. allumer une bougie près de la photo du défunt et prendre un petit temps de partage.
A chacun d’inventer une démarche simple pour ne pas rester seul avec sa souffrance et pour recevoir dans des gestes et des paroles simples un réconfort mutuel. Garder vivante la mémoire du défunt, lui laisser une place dans nos cœurs, c’est aussi être reconnaissant pour tout ce qu’il (elle) a semé dans nos vies et qui porte du fruit pour les générations futures ; les fêtes peuvent être l’occasion de (re)nommer ensemble toutes ces semences précieuses en train de germer dans les cœurs et de dire merci pour ce beau cadeau de la vie qui continue dans le sillage de celui/celle qui nous a quitté.
Et si les souvenirs liés au défunt sont plutôt lourds, pesants ou que le temps du deuil est à peine entamé ou particulièrement long et difficile, pourquoi ne pas profiter de ce temps de l’Avent ou de fin de l’année, pour se laisser accompagner et ainsi pouvoir entrer dans la nouvelle année, avec plus de légèreté, de joie de vivre, de confiance.
Nous sommes toujours à disposition en tant que ministres pour vous offrir un temps d’accompagnement ; il y a aussi des groupes de paroles qui existent ici ou ailleurs dans le canton ; il y a la Margelle, qui est un lieu d’écoute et d’accompagnement spirituel à Neuchâtel, ouvert à tous, quelque soit sa confession ou sa croyance. Il existe enocre des lieux où l’on peut prendre en fin d’année un temps pour se reposer et se retrouver, dans le silence, la prière, le partage en toute simplicité ; j’aimerais citer la communauté de Grandchamp à Areuse ou la communauté du Cénacle à Sauges. *
Pour avancer sur le chemin de la vie, traverser les périodes d’obscurité, nous avons à faire notre part :
– poser des actes en direction de la vie et la lumière
– être attentif à ce qui nous fait du bien, à ce qui procure de la joie
– semer des graines de bonté, de générosité, de partage
– ouvrir notre porte à l’inconnu, à celui qui sollicite notre hospitalité ou simplement notre écoute
– consentir à notre vulnérabilité pour laisser germer quelque chose de nouveau
Mais ne l’oublions pas : si nous avons notre part, il y a aussi tout ce qui nous échappe, la part d’imprévisible et d’invisible dans nos vies.
La Bonne Parole pour nous aujourd’hui, c’est que tout ne vient pas de nous, tout ne dépend pas de nous seulement et tout n’est pas forcément visible ou changeable en un clin d’œil !
Nous sommes invités à un regard de bienveillance et de patience sur nos propres vies et sur celle des autres, comme on regarde une terre ensemencée : l’essentiel ne se voit pas ! Ce qui est en train de renaître et de se transformer échappe à notre regard.
Nous sommes invités à la foi et à la confiance : Dieu est là, Il veille sur la vie de chacun, sa bonté ne s’épuise pas, elle se renouvelle chaque matin ! « Tout finit mais sa bonté dure pour l’éternité » avons-nous chanté en début de culte.
En faisant notre part et en nous ouvrant à l’action invisible de l’Esprit en nous, notre vie aura à nouveau le goût du bonheur, le goût d’une vie pleine et généreuse, douce et bonne, sans peur de perdre ni de mourir, car la bonté est semence d’éternité et de joie éternelle.
AMEN.
*Coordonnées :
– Liste des ministres : www.eren.ch
– La Margelle : http://www.la-margelle.ch
Rue de l’Ancien-Hôtel-de-Ville 7, 2000 Neuchâtel – 032 724 59 59
– Communauté de Grandchamp : www.grandchamp.org
CH 2015 Areuse – 32 842 24 92
– Communauté du Cénacle : www.cenaclesauges.ch
Rue Fontanette 5, 2024 St-Aubin – Sauges 032 / 835.39.30
Prière
Dieu, tu travailles dans le monde,
inaperçu, irrésistible
comme la semence cachée
qui chaque fois repousse.
Donne-nous de te voir
à l’oeuvre partout,
dans les paroles qui délivrent,
dans les gestes qui portent fruit.
Aiguise notre regard
devant tes merveilles sans nom
et nous aurons l’endurance
plus forte que l’échec,
et nous aurons l’audace d’espérer,
à la mesure de tes promesses:
l’homme nouveau
et toutes choses nouvelles
dans le Christ, notre Seigneur.
F.Cromphout.
“Un temps pour parler”