Culte du 23 octobre 2016, Couvet 10h
Prédication de Patrick Schlüter à télécharger en pdf
Lectures de la Bible :
Prédication de Patrick Schlüter :
Comme chrétiens, avons-nous le droit d’être contents de nous-mêmes ?
C’est une question qui m’est venue à l’esprit en lisant les textes proposés pour aujourd’hui!
Le pharisien qui vient prier au temple est très content de lui-même par rapport aux autres hommes, mais il n’est pas justifié par sa prière et Jésus nous met en garde : « qui s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé. »
Alors si l’on suit cette parabole au premier degré, ne faudrait-il pas éviter de viser trop haut, ne faudrait-il pas regarder d’abord ses manques ?
Cela contraste avec Paul qui s’exprime dans la lettre à Timothée. Arrivé à la fin de sa vie, il est convaincu d’avoir mené le bon combat, d’avoir gardé la foi et de n’avoir plus qu’à recevoir la couronne de la justice que le Seigneur lui remettra !
Où est la différence entre Paul et le pharisien de la parabole ?
Le pharisien n’est pas justifié nous dit Jésus, et Paul se sent assuré de son salut.
Bien entendu, si l’on réfléchit au niveau théologique, on peut dire que la différence se situe dans le fait que le pharisien s’appuie sur ses propres mérites et ses bonnes actions qui lui permettent de juger les autres, alors que Paul lui, s’appuie sur la grâce de Dieu seul. Et c’est la confiance dans la grâce de Dieu qui lui permet de trouver l’assurance de son salut.
C’est en s’abonnant à Dieu que l’on peut trouver son assurance. C’est aussi ce que fait le psaume 34 qui dit « je me glorifierai dans le Seigneur (…) Le Seigneur rachètera ses serviteurs : pas de châtiment pour qui trouve en lui son refuge.»
Il y a donc bel et bien une grosse différence entre l’attitude du pharisien de la parabole et celle de Paul. Pourtant, elle n’est pas toujours si facile à faire dans la pratique. Le pharisien de la parabole est convaincu de son bon droit. Et probablement, dans nos histoires de vie, nous avons aussi été blessés ou choqués par des chrétiens trop sûr d’eux dont les certitudes nous ont jugés comme le publicain de la parabole.
Et à l’inverse, beaucoup de chrétiens ont vécu avec l’impression de ne jamais en faire assez avec l’impression de ne pas être vivants, assez joyeux, de faire envie. Alors l’assurance de Paul semble hors d’atteinte, car un doute subsiste toujours. Est-ce que je crois assez ? Du plus profond de mon cœur ?
Il n’est pas facile de se regarder soi-même avec lucidité. Ces dernières semaines, dans le cadre de la formation des jeunes moniteurs et monitrices, j’ai à nouveau été frappé par la difficulté de l’exercice de l’auto-évaluation que nous demandons aux jeunes sur leur activité d’animateur/animatrice. Entre la crainte de se vanter en reconnaissant ses qualités et l’incapacité de mesurer ses difficultés, l’exercice n’est vraiment pas simple et il doit s’apprendre !
Avoir un juste regard sur soi-même, ce n’est pas un état statique : c’est un mouvement de relation avec les autres et devant Dieu.
C’est Dieu qui nous donne notre identité et nous justifie. C’est lui qui nous a créés et donné nos dons à développer. C’est lui qui nous accueille et nous pardonne.
Les autres nous permettent de grandir en nous découvrant différents, mais en relation comme les enfants d’un même père. C’est en relation avec les autres que nous pouvons grandir. La principale faute du pharisien de la parabole, c’est probablement son jugement du publicain. Il considère qu’il n’a plus besoin de personne pour s’accomplir : il se suffit à lui-même. D’ailleurs, Dieu lui-même ne semble être plus qu’une caution, une validation de sa perfection !
La prière fait partie de ce mouvement qui peut donner un juste regard sur soi-même. Un juste regard sur soi-même, ce n’est pas non plus dire qu’il en faut « ni trop, ni trop peu ».
Non, c’est plutôt pouvoir se réjouir vraiment de ce que Dieu nous a donné et de ce qu’il donne aux autres sans se sentir menacé ou supérieur.
C’est aussi pouvoir remettre tous ses manquements à Dieu avec la joyeuse confiance qu’il en fera quelque chose pour nous pardonner, pour transformer ou simplement réaliser que nous avons besoin de lui et des autres.
Comme chrétiens, avons-nous le droit d’être contents de nous-mêmes ?
Je suis convaincu que oui si cela se passe en relation avec Dieu et avec les autres.
Mais avons-nous un regard ajusté sur nous-mêmes, chrétiens du Val-de-Travers ou comme membres de notre Eglise réformée Evangélique du Canton de Neuchâtel ?
Cette question m’est venue en lien avec le culte de consécration pastorale qui aura lieu ce dimanche soir à Môtiers. Un culte de consécration, c’est dans notre Eglise neuchâteloise un moment de fête et de rassemblement. Nous le savons aussi, notre Eglise n’a plus la place qu’elle avait auparavant dans la société neuchâteloise. Elle a moins de membres. Elle est plus petite. Elle est une communauté parmi d’autres. D’ailleurs, comme nous l’avons appris cette semaine dans la presse, la question de la reconnaissance d’autres communautés religieuses par l’Etat de Neuchâtel prend un tour plus concret.
Comme chrétiens du Canton de Neuchâtel, avons-nous un regard ajusté sur nous-mêmes ? Aurions-nous plutôt tendance à nous surestimer ou à nous dévaloriser ?
Je ne prétends pas ce matin répondre à cette question, mais j’aimerais simplement partager mon regard à partir de quelques expériences.
J’aurais plutôt l’impression que nous sommes un peu timides, avec la peur de déranger, la crainte de ne plus avoir notre place dans la société. L’expérience du banc de l’Eglise en voyage dernièrement au comptoir m’a fait prendre conscience de cette pudeur réformée que je porte aussi en moi. Il n’est pas facile d’aller vers l’autre sans crainte de déranger ! Mais l’expérience en vaut la peine !
Je me demande aussi si nous n’avons pas tendance à voir plutôt nos difficultés. En même temps, peut-être que nous nous en contentons en étant plutôt bien entre nous avec de bonnes relations dans notre communauté.
Ce vendredi lors du repas de midi à Couvet, alors que j’annonçais le culte de consécration, je m’attendais à ce que quelqu’un relève qu’il n’y avait cette année qu’une seule nouvelle pasteure qui sera consacrée !
Sr Odette nous a alors raconté une expérience difficile de quelqu’un qui ne trouvait pas de prêtre en France voisine. Elle nous disait de nous réjouir que nous ayons des pasteurs !
Les textes que nous avons entendus peuvent résonner comme une invitation à sortir de notre timidité, de nos fatalismes pour entrer dans une joyeuse espérance.
Oui, nous portons en nous le témoignage de l’amour et de l’accueil de Dieu pour chaque être humain. Dans la confiance en Dieu, nous n’avons pas à craindre un dialogue ouvert avec la société civile et les autres religions. Nous pouvons être convaincus du témoignage que nous portons tout en restant ouvert aux autres.
Malgré nos faiblesses que nous confions à Dieu comme le publicain, nous pouvons comme Paul oser avec confiance notre témoignage de foi avec ce que nous sommes. Nous témoignons que le combat de la foi, c’est vivre devant Dieu en étant acceptés avec ses dons sans taire, ni cacher ses faiblesses.
Faisons nôtres les mots du psaume 34 :
« Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête ! »
Amen.