Série de cultes d’été sur le Notre Père
Lectures bibliques: Psaume 113; Luc 14,16-24 lectures bibliques
Prédication à lire en pdf: prédication
J’ai le l’honneur de méditer avec vous la fin du Notre Père, cette formule d’adoration si belle et si riche !: Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire. Amen
Les commentaires que j’ai consultés débordent tant de cette joie que je ne peux ici en dire que quelques éléments, au risque d’être inarrêtable dans le cadre de cette prédication ! Il nous faudrait bien une journée ensemble pour profiter vraiment du contenu de cette finale :
Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire.
Vous le savez, les évangiles de Matthieu et Luc, qui rapportent le texte du Notre Père chacun à sa façon, ne mentionnent pas cette conclusion. Mais très vite, dès le 2ème siècle, elle apparait dans la récitation communautaire de l’Eglise, et elle se fixera dans ces mots-là que nous disons aujourd’hui encore.
Cette finale du Notre Père est importante comme le sont les derniers mots qu’on met dans une lettre à quelqu’un, ou que l’on dit à quelqu’un. Ces derniers mots veulent exprimer l’essentiel qu’on éprouve pour la personne.
Cette finale a aussi l’aspect d’un hymne de louange, comme le Psaume 113 que nous avons entendu : nous ouvrons notre bouche pour dire à Dieu ce dont notre cœur est plein, pour lui exprimer notre adoration. Puis nous nous taisons, conscients de notre humilité devant lui, silence respectueux.
Cette attitude d’adoration et de respect, les sœurs de Grandchamp la vivent dans la liturgie de la sainte cène par un double geste : en élevant les mains pendant la Préface, quand nous rendons grâce à Dieu pour ce qu’il a fait pour nous en Jésus-Christ ; puis, pendant le chant du Sanctus, en baissant les mains le long du corps, reprenant ainsi un geste d’humilité qu’on trouve dans l’Ancien Testament. Sentez-vous libres de les imiter, si cela parle à votre cœur !
Ainsi, après avoir parlé à Dieu comme à notre Père, dans ces demandes courtes et essentielles, nous lui disons : notre confiance va à
– Ton règne. Et non pas à nos règnes, personnels, ou les règnes actuels et visibles dans lesquels nous vivons. C’est ton règne qui prime pour nous, ici et maintenant, dans notre vie concrète comme dans notre attente.
– Ta puissance : première devant toutes les puissances que nous connaissons, que nous exerçons parfois et que nous subissons aussi, ta puissance est créatrice, souffle de vie dès le commencement de l’Univers. Ta puissance est aussi volonté d’amour pour toute ta création, toutes tes créatures ; et cet amour est plus fort que la mort. C’est à cette puissance que nous confions notre vie, nos paroles et nos gestes.
– Ta gloire : tu n’es pas seulement un Dieu au-delà de tout et au-dessus de tout ; mais tu t’es manifesté par ta Parole. En Jésus notre Christ, ta Parole s’est faite chair, et tu es venu vivre parmi nous. Ta gloire, c’est un amour vibrant qui se donne jusqu’à la mort, et qui en a triomphé au matin de Pâques.
Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire.
C’est une déclaration d’amour que cette adoration finale du Notre Père ! A Toi que nous aimons, parce que nous tu nous aimes tant, et depuis si longtemps, et si profondément !
Je vais citer à plusieurs reprises des extraits du livre que nous avons utilisé pour préparer nos méditations sur le Notre Père, car je me trouve incapable de dire mieux que les auteurs quelques citations superbes.
Tout d’abord, cette réflexion de Maître Eckart : « Nous ne devrions pas considérer Dieu comme une vache à traire qui doit toujours donner. Nous devrions bien plus essayer de nous donner, de nous abandonner à lui. Ce serait la forme la plus digne et la plus belle de la foi, de s’en remettre à Dieu, de se laisser saisir par lui et de devenir simplement « à lui ». Accepter que quelque chose nous arrive que nous ne pouvons pas faire nous-mêmes, que nous ne devons pas non plus seulement subir, mais que nous avons à accueillir activement comme une libération de nous-mêmes ! La prière nous aide à être nous-mêmes en laissant advenir ce qui nous dépasse. En priant, nous nous rappelons que ce n’est pas à nous-mêmes que nous nous devons ».
En nous remettant à Dieu ainsi, nous sommes semblables à ceux qu’il veut inviter à prendre part à sa gloire. Ici, nous retrouvons la parabole du grand banquet que nous avons lu.
Au lieu de d’abord régler nos affaires et faire notre pelote – c’est-à-dire économiser, assurer notre fortune, imiter ceux qui acceptent l’invitation du maître du banquet : ce sont des pauvres, des malades, des gens de la rue et des chemins.
Étonnante parabole, où les invités sont immérités ! Dieu, comme cet homme, a absolument besoin de vivre cette fête, les anges ne lui suffisent pas !
Il nous veut comme nous sommes : avec nos pauvretés, avec nos ratées, avec nos blessures. Ce n’est pas un banquet entre gens de bien, c’est un banquet pour nous à qui Dieu veut du bien !
La vie qu’il nous offre, vie avec un grand V, elle n’est pas possession ni œuvre à accomplir ; elle est à recevoir et à partager.
Et cette vie est éternelle, pas tant pour décrire une durée illimitée, ou un état d’une qualité réservée à l’au-delà, mais pour dire une présence divine qui illumine autant le « maintenant déjà » que le « pas encore », comme la lumière l’obscurité.
Le but est de se tenir dans cette lumière qui chassera un jour toute obscurité. Le but de l’histoire, que la Bible lit comme une histoire du salut, le but du monde et le but de tout être humain dans ce monde. Dans sa parabole, Jésus en parle comme d’une fête, d’un grand banquet auquel tous sont les bienvenus. A nous de répondre à cette invitation.
Concluons.
Toutes les demandes du Notre Père ont pour but de nous aider à nous régler sur « réception », plutôt que d’être soi-même toujours à « émettre ».
Ces demandes sont courtes, elles structurent nos pensées et se concentrent sur l’essentiel, de sorte que nous pouvons aussi terminer notre prière, nous en relever dans la confiance de la foi :
Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire.
Celle ou celui qui prie et croit ainsi est prêt à accepter aussi ce qui dépasse sa compréhension, confiant que la sagesse de Dieu est plus grande que notre intelligence, et que sa bienveillance est plus large que la raison humaine.
Aussi quand notre pouvoir et nos forces sont à bout et même justement à ce moment-là, nous ne devons pas devenir muets, mais nous pouvons tout attendre de Dieu, qui s’est manifesté en Jésus-Christ comme un Dieu humain et miséricordieux.
C’est pourquoi nous pouvons ouvrir nos lèvres et les fermer en même temps quand nous accordons nos voix à la louange du Notre Père.
Amen.