13 août 2016, Môtiers 17h30 – 14 août 2016, Fleurier 10h
Prédication de Patrick Schlüter à télécharger en pdf
Série de cultes d’été sur le « Notre Père »
Lecture de la Bible :
Prédication sur « Et ne nous soumets pas à la tentation »
« Et ne nous soumets pas à la tentation… »
Je ne me suis jamais beaucoup arrêté sur cette demande du Notre Père, car je l’ai toujours associée à la suite : « mais délivre-nous du mal » qui me semblait en être la conséquence logique. Demander que Dieu nous délivre du mal, c’est un désir que nous portons tous en nous. Le signe en creux de ce désir, c’est d’ailleurs le questionnement que nous pose le mal face à la présence et à l’amour de Dieu. Mais cela, c’est pour le week-end prochain !
Le découpage du Notre Père que nous suivons pour cette série de cultes nous propose de nous arrêter sur ces mots : « et ne soumets pas à la tentation ». C’est la seule demande en négation du Notre Père. Quand on prend le temps de s’arrêter à cette demande, voici que nouvelles questions surgissent, tout aussi difficiles que la question du mal : qui est l’auteur de la tentation ? Est-ce Dieu ? Est-ce le diable ? Est-ce notre condition humaine ?
D’ailleurs, l’ancienne version du Notre Père disait : « Ne nous induis pas en tentation ». Cette question est présente dans plusieurs textes bibliques avec des visions différentes. Nous pouvons penser par exemple à l’histoire de Job. Cette même question se retrouve dans le début du récit de la tentation de Jésus : Jésus est emmené par l’Esprit Saint dans le désert pour y être tenté par le diable.
Il y a là un mystère qui est celui du mal que nous devons admettre. Il est possible de réfléchir longtemps sur cette question de l’origine du mal, mais nous risquons d’y tourner en rond. La Bible et la prière du Notre Père nous disent que le seul lieu de ce débat, c’est la prière, la relation à Dieu dans laquelle nous pouvons lui poser cette question comme le font de nombreux psaumes.
Jusqu’à ces mots « Et ne nous soumets pas à la tentation, il y a dans le Notre Père une dynamique positive : le règne et la volonté de Dieu, le pardon à vivre et à recevoir. Ces mots « Et ne soumets pas à la tentation » marquent comme un temps d’arrêt qui nous invite à prendre au sérieux tous les aspects de notre vie.
Quand je prie « Et ne nous soumets pas à la tentation », je reconnais devant Dieu, avec tous ceux et celles qui prient le Notre Père, que ma vie est marquée par l’épreuve, la tentation, la faiblesse et les questions.
En priant, je demande à Dieu de venir y habiter. Je le laisse prendre sa place dans ma vie comme elle est et je reconnais mon besoin de lui.
C’est le Dieu Père que je prie. Par son accueil et sa présence, l’épreuve peut prendre sens, la tentation peut être occasion de grandir. Je ne peux dire cela que dans la prière en accueillant sa présence et en prenant au sérieux ce que je vis. En priant au pluriel, je me place dans la communauté des chrétiens qui dit son attente de Dieu. Je me place aussi dans la communauté des humains dont la vie est marquée par le mal et la tentation d’y succomber.
Par la prière, c’est aussi Jésus-Christ qui est présent, lui qui a partagé notre humanité. En priant le Notre Père, nous prions avec le Christ qui est avec nous dans nos épreuves et nos tentations.
Mais la tentation, qu’est-ce que c’est ?
Souvent, nous pensons aux tentations gourmandes – c’est ce que je me suis dit quand j’ai mangé du chocolat en préparant ce message ! Il y a aussi les tentations morales. Tout cela fait partie de la tentation, mais la tentation fondamentale, c’est d’abord de vouloir faire sans Dieu, par ses propres forces, parfois même avec de très bonnes intentions !
Quel mal y aurait-il à ce Jésus change les pierres en pain ? Il pourrait manger sans déranger personne. Après tout, il a de quoi avoir faim ! C’est la satisfaction de son besoin immédiat, mais ce serait sacrifier d’autres besoins ! Ce serait ici se couper de la confiance en Dieu.
Le récit de la tentation de Jésus met en évidence des obstacles pour la foi : la réalisation du désir immédiat, la tentation du pouvoir pour le plaisir de dominer, la tentation de faire de la foi une démonstration de force, la tentation de vouloir faire advenir le royaume de Dieu par ses propres forces sans compter sur Dieu.
Ces tentations restent les nôtres aujourd’hui : nous sommes dans un monde qui aiment que les désirs soient satisfaits et si possible immédiatement. Il nous est difficile aussi de freiner notre consommation malgré les conséquences qu’elle a sur la planète et sur d’autres humains.
Aujourd’hui, avec la peur des attentats, je crois que nous sommes aussi tentés de construire des murs pour satisfaire notre besoin de sécurité, mais est-ce que nous ne risquons pas ainsi de faire du monde une prison pour d’autres et aussi finalement pour nous-mêmes ?
Une autre tentation est de prendre sur soi toutes les souffrances et de sombrer, à choix, dans le désespoir, le cynisme ou l’épuisement à vouloir tout résoudre par ses propres forces !
Face à ces tentations, Jésus nous invite à prier son Père avec lui : « Et ne soumets pas à la tentation ». Il nous invite ainsi à la fidélité de chaque jour, à demander à Dieu de venir habiter nos épreuves et nos combats, réorienter sans cesse notre regard, car nous risquons sans lui d’être aveuglés.
Par la prière, nous pouvons laisser le règne de Dieu agir, habiter nos épreuves et nos tentations et ouvrir notre regard sur l’action de Dieu dans le monde qui agit à sa manière qui est celle du Christ.
C’est à la fidélité, à la persévérance de la foi que Jésus invite, non pas par ses propres forces, mais en reconnaissant sa faiblesse pour que Dieu y habite.
Cela se passe par la prière et cela m’engage parce Dieu s’engage le premier. Prier face au mal et à la tentation, c’est sortir de l’impasse dans laquelle le mal nous place parfois. Impasse quand nous interrogeons face à lui en se demandant « mais qu’est-ce que j’ai fait pour mériter cela ? » ou quand nous déplorons nos échecs. Prier, c’est permettre au pouvoir libérateur de Dieu de jouer son rôle dans nos vies et dans le monde. C’est accepter que Dieu agisse à sa manière et non à la nôtre.
C’est le chemin qui est tracé par le Christ qui nous invite à prier son Père avec lui :
« Et ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal, car c’est à toi qu’appartiennent le Règne, la puissance et la gloire aux siècles des siècles. »
Amen.