Un duo animé par Dominique Jan-Chabloz et Jean-Samuel Bucher, co présidents, pour l’assemblée de la paroisse réformée du Val-de-Travers samedi 16 avril 2016 à Môtiers
Dominique: Dans l’express du mardi 9 février 2016, j’ai lu ceci: » les protestants ne sont plus rois sur les terres de Farel «
Jean-Samuel: Et bien tant mieux, c’est finalement tout à leur honneur et bénéfique, car être roi, c’est être en dessus, le haut du pavé, le dessus du panier , la tour de contrôle, l’autorité autoritaire, et tout cela est le contraire de l’Evangile, du service, de l’ouverture et de la bonté dont notre monde a tant besoin !
D: Les neuchâtelois appartenant à l’Eglise réformée évangélique ne représentent plus que 23,4% de la population
JS: Avons-nous conscience d’être devenus peu à peu une minorité ? C’est une bonne question …du reste ce soir pour cette assemblée de paroisse: 38 participants, donc 1% des 3500 réformés déclarés ici au vallon !
Etre en minorité a certes des avantages, entre autre celui de renforcer les liens, le sentiment d’appartenance, le besoin, la joie de se serrer les coudes et d’être bien ensemble. La minorité présente aussi un risque très grand, celui du repli frileux, du retrait, de la fermeture protectrice jusqu’à en devenir une secte, une meute, un clan et non plus une famille, certes soudée, mais aussi ouverte, accueillante et au service de tous
D: le déclin de l’EREN a été amorcé dans les années 1970
JS: De cette époque, je me souviens la terreur des 3 fidèles très fidèles au culte à St Sulpice quand l’un d’entre eux devait s’absenter. A cette époque à Fleurier, il y avait deux cultes par dimanche, un le matin, un le soir, et deux pasteurs, et parfois deux clans, le clan Borel, le clan Senft.
Je me rappelle aussi d’un culte par un dimanche hivernal aux Verrières, avec une dame d’un âge vénérable, le pasteur et un jeune organiste monté en vélomoteur…. 3 personnes, et probablement, une multitude d’anges passablement invisibles !
On peut aujourd’hui encore pleurnicher sur un passé révolu, on peut aussi, et j’aimerais vous conseiller ce choix, nous réjouir de tous ceux qui viennent, reviennent, se déplacent, puisqu’ils préfèrent décidément leurs frères et sœurs à leur clocher. La communauté reconstituée, et qui se retrouve fidèlement n’est donc plus villageoise mais régionale. Nous pouvons de plus et tout autant, nous réjouir des cultes de différentes sortes, et tous de qualité, qui sont offerts et ouverts à tous… !
D: La société est devenue plus individualiste, les protestants doivent trouver une réponse à cette question. Aujourd’hui le problème se retrouve aussi dans les partis politiques, les associations. Dans les urnes également.
JS: Je me demande parfois si nous autres chrétiens, nous avons suffisamment de courage et de force pour opposer aux valeurs actuelles et souvent impérialistes de notre monde actuel, les valeurs de l’Evangile, à temps et à contre temps !
Tant de personnes autour de nous ont mal à la famille, ou souffrent de n’exister pour personne, et encore sont soignées en vitesse et loin d’ici ( et bientôt qu’à Neuchâtel !) etc etc…
Saurons-nous continuer à être une famille, une famille osons l’admettre, recomposée après EREN 2003, un lieu ouvert, à l’écoute ?
Saurons-nous dans notre époque qui a bien du mal face au « vivre ensemble » et qui de plus est en perte d’humanité, saurons-nous agrandir notre expérience de la communauté, du partage et du bien vivre les différences ?
Vous le savez , la vie commune est exigeante, et pour la favoriser, la maintenir, le prix à payer est élevé…. mais dans les temps que nous vivons la facilité, le « fast food », le tout tout de suite sont tellement à la mode ! Eglise et vie de foi me paraissent faire pourtant bon ménage avec le « slow food » !
D: Les Eglises évangéliques vous font-elles de la concurrence ?
JS: A mon avis, et suivant le regard que nous portons sur les autres Eglises, qu’elles soient évangéliques, catholiques voir même orthodoxes, nous pouvons comme par le passé pas si lointain, vivre les choses sur le mode de la concurrence, et c’est à mon avis dommage.
Car cela signifie sans doute, que nous sommes capables de voir pas plus loin que le bout de notre nez, la pointe de nos clochers. Par contre, nous pouvons aussi considérer que le vécu et l’offre des autres Eglises sont en fait un don de Dieu, et que ce don est pour nous complémentaire, comme un apport utile et nécessaire à notre Eglise, et pour des personnes qui souhaitent vivre leur foi avec des formes différentes, des habitudes, des rites, des formes de célébrations et de vie communautaire autres….
Ces différences nous pouvons les vivre comme une menace, ou alors comme le fruit de l’imagination d’un Dieu toujours imaginatif et créateur, créatif pour que le monde croie, l’unité entre les Eglises passe par la reconnaissance et l’acceptation paisible de leurs diversités, de cela, je suis convaincu !
D: Les protestants ne sont plus rois sur les terre de Farel
JS: Autour de nous, dans notre monde, notre Europe, notre pays, notre canton, notre société, nos habitudes, tout change et très très vite.
Dans les années 50, le village, un village était comme un tout en soi: une boulangerie, une boucherie, une laiterie, une église, une paroisse…. or tout cela est révolu, tout s’est agrandi, élargi, la vie n’est plus que villageoise, mais aussi régionale, cantonale, et faut-il le dire, le monde n’est plus à notre porte mais dans nos maisons !
Depuis EREN 2003, et depuis ses origines, l’Eglise, les Eglises ont du évoluer, changer, s’adapter, et il nous faut bien continuer….ou disparaître !
Mais ces changements ne doivent pas remettre en cause quelques valeurs inestimables et invariables que l’Evangile nous offre.
Je pense à l’humilité, la simplicité, le partage, l’amour et la vérité, la fidélité et la persévérance, l’ouverture et la bonté, la miséricorde et le pardon, l’accueil du pauvre et de l’étranger, du différent, et puis bien sûr la confiance en Dieu et dans les autres, la prière, l’amour de la Parole, le partage du Pain…etc etc….
D: Et bien merci à vous de bien vouloir compléter cette liste !
avril 2016, Dominique Jan-Chabloz, Jean-Samuel Bucher