Prédications du samedi 8 août 2015 à Môtiers et du 9 août 2015 à Noiraigue
Textes bibliques:
Nous poursuivons ce week-end notre réflexion à propos de Jésus, le pain de vie, le pain descendu du ciel. Dimanche passé, la première partie de ce passage était mise en lien avec la manne reçue par les Israélites dans le désert. Aujourd’hui, la deuxième partie du discours de Jésus est mise en parallèle avec le récit du découragement d’Elie.
Après le récit d’un salut communautaire, vient ce geste de sollicitude de Dieu, intime, particulier et personnel.
Si le peuple dans l’exode vivait une traversée du Sinaï difficile, Elie vit un moment non moins pénible de désert intérieur.
Il vient de vivre une confrontation avec les prophètes de la reine Jézabel, adeptes du Dieu Baal ; il en est ressorti vainqueur, mais la reine veut se venger de lui et le faire mourir. C’est pourquoi il a pris la fuite…
Elie est découragé. Peut-être pas tant par les menaces (car jusqu’ici Dieu a été de son côté et l’a fait triompher), mais par l’isolement qu’il ressent.
Il est loin de chez lui, il a laissé son serviteur derrière lui, il se retrouve seul dans le désert à une journée de marche… et le voilà assis – nous est-il précisé dans certaines traduction – sous un genêt solitaire…
Livré à lui-même, il ne voit que le côté sombre de la situation : il n’en peut plus, il ne vaut pas mieux que ses pères, il reste seul et on cherche à lui enlever la vie.
Il en a assez, il est prêt à abandonner.
Malgré ses victoires, il se sent abandonné de tous.
C’est là que Dieu intervient. Non plus de manière spectaculaire et triomphale, comme dans l’épisode précédent, mais de manière toute personnelle et discrète. Il y a beaucoup de tendresse dans le geste de l’ange qui touche Elie avec douceur, et dans ces aliments tous simples et qui ont été laissés pour lui.
Le pain évoque ce qui nourrit, ce qui redonne des forces à notre corps. Il représente aussi ce qui est essentiel à la vie, ce qui nous permet d’avancer. Dans cette rencontre et cet échange, Elie reçoit non seulement de quoi se nourrir et subsister, mais aussi le courage nécessaire pour reprendre la route, et poursuivre sa mission. C’est pour lui le début d’une transformation intérieure, qui se poursuivra dans l’épisode bien connu de la caverne, où Dieu se révélera à lui au travers d’un léger souffle…
Cette mise en regard de cet épisode avec les paroles de Jésus leur donne je trouve un sens tout particulier.
Quand Jésus dit “Je suis le pain de vie, le pain descendu du ciel”, ses auditeurs ne comprennent pas, et se fâchent même.
De quel droit s’attribue-t-il une dimension divine ? N’est-ce pas le fils de Joseph, et de Marie ? Pour qui se prend-il ?
Jésus différencie alors la manne, nourriture pour le corps, périssable, et ce pain du ciel, venu pour nourrir l’être intérieur, et apporter la vie éternelle.
Quand Jésus parle de sa chair, c’est une manière de désigner en hébreu toute sa personne, qui il est.
Etre nourri de ce pain-là, c’est écouter et recevoir l’enseignement du Père, enseignement que lui-même transmet. Or, cet enseignement de Jésus est la plupart du temps tourné vers les autres, vers notre manière d’être ensemble, vers des relations harmonieuses les uns avec les autres, sous le regard du Père.
Comme l’ange a rejoint Elie dans sa détresse, Jésus veut nous rejoindre là où nous en sommes dans notre existence, dans notre quotidien de vie.
Comme la nourriture laissée ont redonné force et courage à Elie, il veut nourrir notre existence, être cette présence qui aide à vivre, nous donner force, élan, énergie pour affronter la marche qui nous attend.
Comme Elie a pu ensuite retrouver un but et un sens à sa vie, et reprendre sa mission, le Christ se présente comme ce qui est essentiel à notre vie, il vient nous recentrer sur ce qui est au centre : Dieu le Père, et son enseignement de vie… Cette vie, cette force offertes sont un don… un don que Jésus nous a enseigné à partager autour de nous.
En préparant ce culte, j’ai pensé à mes moments de découragement, et à ce qui m’avait aidé dans ces moments-là.
Je n’ai pas eu a cherché très loin ! Rien que ce midi, alors que j’étais peu inspirée, que je séchais sur certaines parties de ce culte, et que je désespérais d’en voir le bout, voilà que mon mari Patrick avait tout préparé le repas !
(Je vous rassure, je n’étais pas déprimée comme Elie… juste un peu stressée ; mais ça m’a fait du bien !)
Plus que le repas en lui-même ce qui m’a encouragée et motivée à m’y remettre, c’est surtout de sentir la présence de quelqu’un à côté de soi, quelqu’un qui prend soin de moi, qui se préoccupe de moi.
Cela peut prendre bien des formes différentes : une parole d’encouragement, un geste de sympathie, des prières, un gentil mot écrit, des fleurs offertes derrière la porte ou laissées dans un vase, des instants de complicité partagée, des conseils donnés…
Cela n’a pas besoin d’être de grandes démonstrations. L’important, c’est de savoir que quelqu’un est là et qu’on compte pour lui.
Ces personnes de notre entourage, à leur manière, jouent le même rôle que l’ange d’Elie… elles sont parfois le visage, la main ou le cœur de Dieu, sans le savoir !
Dans tous les temples dans lesquels nous célébrons, nous trouvons des traces, des témoignages d’artistes ayant voulu nous dire comment eux ils voyaient ou ressentaient la présence de Dieu dans notre monde et notre vie.
- Ce samedi, au temple de Môtiers, j’aimerais m’arrêter à ce vitrail, situé à votre gauche avant la chapelle latérale.
Une ancienne brochure raconte une anecdote à ce sujet :
« Lors de la rénovation de 1961, une petite fenêtre romane était mise à jour dans la partie nord de la nef. Un donateur tenant à rester dans l’anonymat offrit le vitrail de cette fenêtre et demanda des projets au fils du romancier Jules Baillods, le peintre Edouard Baillods.
Il fallut attendre une année avant que cette œuvre ne fût acceptée par le chef du département des Travaux publics du canton, Pierre-Auguste Leuba, qui, agissant sur préavis de l’architecte responsable de la rénovation, commença par la refuser, arguant « qu’il y aurait anachronisme en réalisant à cet endroit un vitrail de couleur », parce que « aux XIIème et XIIIème siècles, les vitraux sont faits en verre incolore transparent ».
Mais l’architecte Jacques Béguin, expert de la Commission fédérale des monuments historiques, convainquit chacun, disant : « J’ai moins peur d’un anachronisme que d’une faute d’architecture et d’une rupture d’ambiance. »
M. Leuba et le conservateur des monuments et sites retinrent finalement celui des quatre projets d’Edouard Baillods qui représentait une coupe, des raisins, des épis de blé et une colombe, ajoutant « que la Commune ou la paroisse de Môtiers pourraient changer par la suite les vitraux représentant Farel et Calvin à l’ouest de la petite baie romane en question, afin d’améliorer l’ensemble du bas-côté au nord du Temple ». »
(Texte de Pierre-André Delachaux, tiré de “Le temple de Môtiers-Boveresse – Historique édité à l’occasion de la restauration” – 1961; 2ème édition 1984. Editeur : Commune de Môtiers – NE et Paroisse de Môtiers-Boveresse)
Ce vitrail est différent de tous les autres que l’on peut admirer dans le temple. C’est le seul ici qui a été fait par Edouard Baillods, après tous les autres. La présence de Dieu est parfois ainsi ; elle vient nous surprendre, quand on ne s’y attend pas ou plus… et elle vient souvent d’une autre manière que l’on aurait imaginée.
Sur ce vitrail, on voit une coupe, des grappes de raisin et des épis de blé, et surmontant le tout, une colombe dans le ciel bleu.
Cela peut nous rappeler la cruche et le pain laissé pour Elie par son ange messager ; cela rappelle bien sûr aussi le pain et le vin de la Cène, symbole du corps et du sang du Christ, donné pour nous. La Colombe évoque l’Esprit de Dieu, l’Esprit saint qui fait le lien entre le ciel et la terre.
En contemplant ce vitrail, j’ y ai senti un Dieu attentif à ce qui se passe ici-bas, soucieux que chacun ait le nécessaire pour vivre.
Ce nécessaire est au départ concret, terrestre (comme les épis de blé et les grappes de raisin), mais l’ensemble tend vers le ciel, vers l’Esprit de Dieu, que nous appelons en nous à chaque Sainte-Cène, pour nous aider à discerner dans ce partage du pain et du vin la présence de Christ, afin qu’elle vive en nous et nous nourrisse.
- Ce dimanche, au temple de Noiraigue, j’admire comme à chaque fois ce plafond, cette belle voûte boisée au-dessus de nos têtes.
Je suis impressionnée par le soin apporté aux détails, la minutie qu’il a fallu pour couper et joindre ces différentes planches de manière aussi précise, la précision avec laquelle tout a été sculpté et peint. C’est vraiment un travail magnifique ! Cette voûte/ce plafond me fait penser à un chalet – je ne sais pas si on peut dire ça pour une Eglise- !
On s’y sent comme chez soi, comme à la maison. Quelqu’un a mis du sien, a pris du temps, pour que ce lieu soit beau, accueillant, agréable… et cela fait du bien !
En ancienne chaux-de-fonnière, je me suis demandée si les décorations du temple faisaient partie de l’Art Nouveau – un mouvement artistique datant de la fin du 19ès et du début du 20è, tout en courbe et inspiré de la nature, né en réaction contre les dérives de l’industrialisation. Les ornementations, qui souvent se répètent, sont inspirés des arbres, des fleurs, des insectes, des animaux, de ce que l’artiste local a sous les yeux. Ici, on voit beaucoup de fleurs, des plantes entrelacées…
Mais dans les descriptions que j’ai trouvée sur internet, j’ai lu qu’il s’agirait plutôt du “heimatstil” ; c’est un style de la même période, qui utilise beaucoup de bois et de poutres sculptées, qui utilise les matériaux de la région ; on y fait également la part belle au folklore local, à la nature, à la forêt, à la montagne…
Quoiqu’il en soit, c’est un style qui renvoie au quotidien, comme pour dire que c’est là, dans ce qui est familier, que Dieu se révèle et que nous sommes appelés à vivre sa présence.
Peut-être sommes-nous ce soir en plein conflit, comme Elie l’a été avec les prophètes de Baal ; peut-être sommes dans la solitude ou le découragement ; peut-être sommes-nous au contraire en paix, ou réjouis par une bonne nouvelle ; peut-être sommes-nous tout simplement en route…
Quel que soit le parcours qui nous a mené ici, que Dieu vienne nous rejoindre, chacun, chacune, là où nous en sommes, qu’il nourrisse notre existence de ce dont nous avons besoin en ce moment !
Amen.