Incompréhension

Culte des 25 et 26 janvier 2023Prédication de Guillaume Klauser

Jean 4, 1-15 (traduction Nouvelle Français Courant, 2019)

1-3Les pharisiens avaient entendu dire que Jésus faisait et baptisait plus de disciples que Jean. En réalité, Jésus lui-même ne baptisait personne, c’étaient ses disciples qui baptisaient. Quand Jésus apprit ce que l’on racontait, il quitta la Judée et retourna en Galilée.

4Or, il fallait qu’il traverse la Samarie. 5Il arrive près d’une ville de la Samarie appelée Sychar, qui est proche de la parcelle de terrain que Jacob avait donnée à son fils Joseph. 6Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué du voyage, s’assit tout simplement au bord du puits. Il était environ midi.

7Une femme de la Samarie vient puiser de l’eau et Jésus s’adressa à elle : « Donne-moi à boire. » 8Ses disciples étaient allés en ville acheter de quoi manger. 9La femme samaritaine dit à Jésus : « Mais, tu es Juif ! Comment oses-tu me demander à boire, à moi, une Samaritaine ? » En effet, les Juifs n’ont pas de relations avec les Samaritains. 10Jésus continua : « Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui qui te dit : “Donne-moi à boire”, c’est toi qui lui aurais demandé de l’eau et il t’aurait donné de l’eau vive. » 11La femme répliqua : « Seigneur, tu n’as pas de seau et le puits est profond. D’où aurais-tu donc cette eau vive ? 12Serais-tu plus grand que notre ancêtre Jacob, qui nous a donné ce puits et qui a lui-même bu de son eau, ainsi que ses fils et ses troupeaux ? » 13Jésus lui répondit : « Toute personne qui boit de cette eau aura encore soif ; 14mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif : l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle. » 15La femme lui dit : « Seigneur, donne-moi cette eau, pour que je n’aie plus soif et que je n’aie plus besoin de venir puiser de l’eau ici. »

Prédication

Chers frères et sœurs,

C’est un texte très riche que nous avons aujourd’hui, qui nous dit beaucoup de Dieu au travers de Jésus.

Aujourd’hui, c’est l’histoire d’une incompréhension, une incompréhension qui, en fait, s’avèrera vraiment féconde.

Peut-être avez-vous remarqué que les incompréhensions jalonnent notre vie de tous les jours et que, lorsqu’elles ne débouchent pas sur un conflit, souvent elles nous font avancer d’un pas. Je prends pour exemple un article que j’ai lu dernièrement et qui parlait de cette spécificité suisse qui étonnent les personnes qui viennent d’ailleurs, cette spécificité d’avoir une buanderie avec une machine à laver commune pour tout un immeuble.

Et que ces lieux communs sont souvent des lieux d’incompréhension, parce que l’autre ne fait pas toujours les choses comme moi j’aimerais qu’elles soient faites. C’est notre lot commun, lorsqu’on doit partager quelque chose, et souvent là que naissent des incompréhensions.

Mais c’est souvent dans des moments d’incompréhension que la réflexion vient, qu’on voit les choses d’une autre manière, qu’on apprend à se connaître car oui, même après un conflit autour d’une machine à laver, je connaîtrai toujours mieux mon voisin qu’avant ! C’est autour des incompréhensions de notre vie que tout se joue, qu’on avance d’un pas dans la compréhension de notre existence et de celle de l’autre.

Dans notre texte biblique, il y a tous les ingrédients, tous les éléments, pour que l’incompréhension soit totale. Dans ce récit, Jésus, un homme, rencontre une femme, d’une province différente, une province considérée comme impure car les juifs de cette région n’avaient pas la même façon d’adorer Dieu que ceux qui se rassemblent autour du temple à Jérusalem. Une rencontre entre un Jésus qui semble fatigué et une femme qui passe par-là. Une rencontre au bord d’un puits, car tous deux, s’ils ne viennent pas du même endroit, sont à la recherche d’eau.

Pour l’un comme pour l’autre au début du récit, l’eau est une réalité toute physique, toute concrète, de la vie de tous les jours. La samaritaine vient chercher de l’eau dont elle a besoin pour se laver, pour laver les aliments à manger, pour boire, pour tous les travaux dont elle a la charge.

Alors elle vient chercher son eau au puits que Jacob a ouvert dans le sol, un puits ancestral, qui donne de l’eau simple, mais de l’eau vitale.

Et tant que l’identité de Jésus n’est pas vraiment connue par la Samaritaine, l’eau reste cette réalité concrète. Ce premier niveau de compréhension, auquel, nous le verrons, la Samaritaine va rester longtemps. Pourtant, c’est à un autre niveau de compréhension que Jésus souhaite amener la Samaritaine.

Il souhaite l’inviter sur un parcours à la recherche de sa véritable identité, celle qui lie Jésus au Père et qui fait de lui celui qui donne la vie, la vraie, la vie en plénitude.

L’eau simple, d’un puits ancestral, devient alors eau vive, eau qui désaltère pour toujours. La femme samaritaine est invitée à comprendre, à s’éveiller. Jésus était d’abord le demandeur d’eau, mais lorsqu’on découvre sa véritable identité, c’est bien lui qui devient le donneur de cette eau vive.

Mais la réponse de la Samaritaine, qui reste sur un plan très concret, a quelque chose pour nous rassurer. Elle a de la difficulté à comprendre ce à quoi l’invite Jésus et reste sur des questions très pratique : « Seigneur, tu veux me donner de l’eau vive, mais tu n’as pas de seau et le puits est profond. D’où l’aurais-tu donc, cette eau vive ? »

Oui nous aussi, nous sommes un peu comme cette femme, bien souvent, pris dans le quotidien de la vie. Il est parfois difficile de déceler les traces de Dieu, de déceler les traces de ce que Dieu vient nous apporter comme eau vive, rafraichissante. Et pourtant, la samaritaine est comme nous. Elle a aussi une soif profonde au fond d’elle. Quelque chose que tous les humains ont quelque part et d’une manière ou d’une autre, une soif d’une vie en plénitude. Et Jésus décèle cela chez la samaritaine, il lui révèle cette soif cachée en elle.

Alors il y a une inversion qui se passe. De Jésus demandeur, en se révélant, on s’aperçoit que c’est lui qui donne, et que l’eau qu’il donne désaltère pour toujours. Plus que cela, il est dit de cette eau qu’elle deviendra source en celui, en celle qui la reçoit.

Il est intéressant de voir comment Jésus s’y est pris pour révéler petit à petit sa véritable identité. Constatez d’abord qu’il ne s’est pas placé au-dessus, dans la posture d’un sachant qui serait en surplomb. Il vient à elle comme celui qui a soif et qui a besoin d’elle pour boire. Jésus ne vient pas avec une réponse toute faite. Il a fait émerger la foi en la samaritaine. Il fait émerger la foi en nous comme s’il voulait la réveiller. Mais il ne force rien et respecte les étapes du chemin. Il a besoin de notre aide, de notre coopération, de notre participation.

Mais pas de panique, cela se fait sur le temps long. Dans notre passage, la Samaritaine, en fait, semble n’avoir compris qu’à moitié qui est Jésus : Seigneur, donne-moi cette eau, pour que je n’aie plus soif ». Alors jusque-là on se dit : « Oui, elle a compris de quoi il était question ici, elle a compris qu’il est vraiment celui qui donne l’eau qui désaltère à jamais »… Mais elle poursuit sa phrase : « donne-moi cette eau pour que je n’aie plus besoin de venir puiser de l’eau ici. » Comme si elle en restait à l’eau simple du puits de Jacob. Il faudra du temps, il lui faudra du temps pour comprendre tout cela. Et, vous le constaterez si vous lisez les versets suivants : le miracle s’opère, et elle chemine jusqu’à réaliser qu’il est le messie, celui qui donne la vie.

Il s’agit pour Jésus de dévoiler la véritable identité de Dieu, mais sans le faire frontalement : c’est indirectement qu’on le comprend, lorsqu’on le reconnaît comme source d’eau vive dans nos vies. Peut-être Jésus nous invite-t-il à observer l’eau de notre vie, l’eau qui sort des puits que l’on connait, nos habitudes, pour reprendre conscience de la vraie soif qui nous habite au fond. A redécouvrir ce que l’on recherche, ce que l’on veut, ce qui brûle dans notre cœur.

Pour la Samaritaine comme pour nous aussi, le chemin est long, pourtant la source d’eau vive est là pour nous aussi. Ah, si nous connaissions le don de Dieu… Amen !

Préface (eucharistie, action de grâce au début de la Cène)

Frères et sœurs, les dons de Dieu sont si grands ! Réjouissons-nous dans le Seigneur et soyons envers lui plein de reconnaissance.

Oui, il est vraiment juste d’être pleins de reconnaissance envers toi, Dieu éternel, par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre frère.

Par lui, c’est l’eau de la vie, l’eau de plénitude qui nous est annoncée. Par lui, c’est la découverte de ce don que tu places devant nous, ce cadeau d’une vie nouvelle et éternelle. Par lui, c’est toi qui nous rejoins, là où nous en sommes, au bord du puits où nous cherchons de l’eau.

C’est pourquoi, avec les croyantes et les croyants de tous les lieux et de tous les temps, avec la Création tout entière, nous proclamons ta gloire, en chantant d’une seule voix : Saint, saint, saint est le Seigneur !