24 novembre 2012 – Môtiers, 17h
34e et dernier dimanche du temps de l’Eglise
culte du souvenir, prédication de David Allisson
Lecture de la Bible
Matthieu 13,31-32
Prédication
Nous sommes le 24 novembre. Demain, c’est le dernier dimanche de l’année ecclésiastique.
Dans une semaine, ce sera le début de l’Avent, le nouvel an, si on se réfère au calendrier de l’Eglise. Nous sommes à la fin d’un temps et nous espérons la venue d’un autre temps. Nous espérons recevoir les ressources de nous tourner vers Noël et vers ce qu’il y a en Noël de lumière et de fête de la naissance.
Et aujourd’hui, nous vous avons invité pour que nous nous souvenions ensemble de nos défunts.
Est-ce que je peux vraiment dire « nos » défunts ?
Oui, ils sont « nos » défunts parce que nous les avons côtoyé de leur vivant et qu’ils nous ont marqués et influencés pour être ce que nous sommes aujourd’hui.
Mais en même temps, il ne sont pas « nos » défunts, parce que nous avons pris congé d’eux et qu’ils ou elles ne nous appartiennent pas, ils ne nous appartiennent plus. Nous les avons remis à Dieu parce que nous n’avons plus de relation avec eux. C’est leur absence qui nous remplit, et aussi tout ce qu’ils et elles nous ont apporté, comme le souvenir de qui ils ont été.
Nous entendrons tout à l’heure la liste des noms des défunts de l’année écoulée. Nous serons touchés par la mention du nom d’un de nos proches et par le fait que nous avons connu et côtoyé plusieurs de ces personnes.
Peut-être pouvons-nous aussi être touchés par la mention du nom des personnages de l’histoire des croyants que fait la lettre aux Hébreux. Tous ces personnages ont fait des choses importantes « par la foi ».
J’ai été intéressé de découvrir que la foi de ces personnages, pour l’auteur du texte, est probablement quelque chose qui se rapproche de ce que nous appelons l’espérance. Il y avait en eux une force de vie assez grande pour leur donner la conviction qu’un avenir est possible et qu’il y a autre chose à attendre de la vie que les difficultés, les épreuves et les malheurs auxquels ils ont été confrontés.
Vous n’êtes pas seuls. Nous ne sommes pas seuls.
Vous qui avez connu le deuil, vous le savez bien que vous n’êtes pas les seuls à avoir connu cela. Il y a chaque jour dans le journal la publication d’avis de décès.
Ce n’est pourtant pas le fait de savoir que d’autres traversent des événements semblables qui fait que c’est plus facile pour autant. Comme on dit parfois légèrement qu’on n’a qu’une vie, cela n’arrive qu’une seule fois que vous, personnellement, ayez à vivre le deuil de cette personne-là, qui vient de mourir.
Ce que j’essaie de dire par là, c’est que si vous vivez quelque chose de difficile, c’est difficile pour vous et c’est juste de le voir de cette façon. Ce n’est pas parce que d’autres ont connu aussi quelque de difficile du même type que cela vous aide forcément à mieux vivre ce que vous traversez.
Ce n’est pas quand d’autres vivent la même chose que vous avancez.
C’est quand vous vous sentez accueillis et compris dans ce que vous êtes.
C’est quand il y a une vie en l’autre et que vous vous sentez partager un même souffle que cela peut devenir un soutien et même une transformation de la tristesse du deuil en force d’espérance.
Dans la lettre aux Hébreux, l’auteur fait une longue liste de héros de la foi. Nous en avons entendu une partie, de cette liste.
Le texte le dit : « Ils ont tous été approuvés par Dieu à cause de leur foi ; pourtant ils n’ont pas obtenu ce que Dieu avait promis » (He 11,39)
Pour chacun d’entre eux, il s’est passé des choses dans leur vie comme des malheurs, des menaces, des dangers à affronter ou toutes sortes d’autres épreuves qui pourraient faire douter le plus solide des croyants que Dieu existe. Il y en a qui ne se sont d’ailleurs pas privés d’interpeller Dieu à ce sujet et de lui demander de se montrer un peu plus présent, s’il voulait qu’on continue à croire en lui.
De ces héros de la foi, quelques-uns sont des personnages dont les récits bibliques parlent longuement, mais on ne connaît souvent pas leurs réflexions intérieures et leurs doutes. Les récits exposent ce qu’ils ont fait « par la foi ». On raconte d’eux des choses qu’ils ont faites ou dites qui ont exprimé une espérance, une sorte de confiance que la vie allait continuer et que la force de la vivre allait leur être donnée.
Ce qui paraît incroyable chez ces croyants, c’est ce qu’en dit la fin du texte : « Ils ont tous été approuvés par Dieu à cause de leur foi ; pourtant ils n’ont pas obtenu ce que Dieu avait promis. » Ce n’est pas leur vie à eux qui a montré que leur espérance allait être remplie. Mais c’est parce qu’ils ont gardé l’espérance que les difficultés et épreuves qu’ils ont connues n’ont pas détruit la vie et que leurs descendants ou leur successeurs ont pu trouver à leur tour des raisons de vivre et d’espérer.
Les bougies qui vont être allumées tout à l’heure exprimeront parmi d’autres choses l’idée que ces personnes que nous nommerons ont été pour nous qui les avons côtoyées des témoins de la foi ou de l’espérance que la vie se développe et se poursuit. C’est aussi grâce à eux et grâce à ce qu’ils ont pu vous apporter que vous êtes qui vous êtes aujourd’hui.
L’espérance, c’est parfois un défi qui nous est lancé. On ne voit pas toujours comment elle va pouvoir se développer avec tout ce qu’il y a pour l’en empêcher.
La tristesse peut être si grande qu’on a l’impression qu’il n’y a plus d’espoir en dessous.
Les bons souvenirs reçoivent peut-être de l’ombre, parfois épaisse, à cause des côtés plus difficiles de la personne qui nous a quittés.
Un nouveau deuil vient peut-être réveiller ce qu’il y a eu de lourd dans un deuil plus ancien.
La force de la vie est étonnante. Quand la vie se développe, c’est comme un miracle, c’est comme un cadeau qui vient réaliser et renouveler notre espérance.
« Le Royaume des cieux ressemble à une graine de moutarde qu’un homme a prise et semée dans son champ. C’est la plus petite de toutes les graines ; mais quand elle a poussé, c’est la plus grande de toutes les plantes du jardin : elle devient un arbre, de sorte que les oiseaux viennent faire leurs nids dans ses branches. » (Mt 13,31-32)
Vous ne voyez peut-être pas bien ce que peut vous apporter votre deuil.
Vous ne percevez peut-être pas quelles sont les traces d’espérance laissée par la personne dont vous vous souvenez aujourd’hui.
Mais la force de vie qui est en vous vient sûrement aussi de ce qui a été semé pendant ce temps par cette personne ou par Dieu lui-même. Cette graine si petite qu’on ne peut pas voir ce qui va en sortir lorsqu’elle poussera, elle germe et grandit aussi en vous. Elle devient un arbre accueillant la vie à son tour. Elle devient un arbre qui permet la vie.
Que cette espérance vous soit offerte dès maintenant et pour les temps à venir.
Amen.