Lectures bibliques: Matthieu 28, 16-20 et Marc 13, 32-37
Message
de Véronique Tschanz Anderegg
Peut-être qu’en écoutant les 2 textes bibliques, vous vous êtes demandé : « Quel est le lien entre ces passages ? » Je vous l’accorde, ce lien ne saute pas aux yeux !
Mais je vais essayer de vous montrer le rapport que j’ai établi !
Pour ce faire, nous devons passer par un peu d’histoire :
L’évangéliste Marc écrit à des chrétiens de Rome, dans les années 60-70. Aucun de ses auditeurs n’a connu le Christ. Ce sont des gens simples et qui vivent un quotidien lourd : ils portent depuis des années l’insupportable fardeau d’une persécution romaine violente.
Ils sont dans l’attente d’une délivrance… non pas un événement mondial, mais juste le retour de ce Jésus qui a accompli des miracles et qui a disparu trop tôt.
J’aime à dire que Marc et ses contemporains sont dans un « entre -deux » : entre le Christ vivant et leur espoir de le voir revenir. Ils sont probablement aussi dans l’entre-deux entre résignation et espérance.
Quant aux disciples de l’Évangile de Matthieu, ils viennent de vivre les douloureuses expériences de l’arrestation, du jugement et de la mise à mort de leur compagnon de route.
Le Ressuscité leur apparait et leur annonce qu’il va les quitter définitivement. Eux aussi se trouvent dans un entre-deux : entre passé et avenir, entre deuil et projets.
Voilà le lien que j’établis entre ces 2 textes : être entre deux !
Probablement que cette position ne vous est pas inconnue : l’entre deux entre force de l’âge et vieillesse ; entre travail et retraite ; entre santé et maladie ; entre enfance et âge adulte.
Je vous avoue que je ressens très fort cet entre-deux ces dernières semaines : entre la nostalgie de mon voyage et la joie de revenir ; entre mon envie de donner de mon énergie et mon âge qui m’impose des limites ; entre l’avant et l’après de tous les changements dans la paroisse ; entre l’automne et l’hiver…
Personnellement, je trouve cet entre-deux très inconfortable : il me prend du temps et de l’énergie ! Et pourtant, je pense qu’il fait partie intégrante de toute existence. Nous vivons toutes et tous des « entre-deux » incommodes.
Alors où pouvons-nous aller puiser pour sortir de cet entre-deux ou du moins le vivre dans la patience et la sérénité ?
Eh ! Bien ! Retournons à l’évangile de Marc ! Son auteur écrit pour encourager ses frères et sœurs. Il veut affermir leur espérance, ancrer leur attente solidement dans les promesses divines.
L’évangéliste leur précise bien que la date de l’événement du retour du Christ n’est pas prévisible, elle ne peut se calculer.
En ce sens, nous pouvons nous appuyer sur ce texte pour ne pas nous placer du côté des catastrophistes, des annonciateurs des pires affres et souffrances du monde, et ce, même au vu de nos actualités.
Par-contre, Marc nous invite à ne pas nous endormir, à rester éveillés.
Autrement dit : à rester dans la conscience, à ne pas se voiler la face sur les souffrances du monde.
Il nous donne une piste : devenir veilleur, c’est être lanceur d’alerte, éveilleur de conscience, porteur de lumière, passeur de flambeau d’espoir.
Mais n’est-ce pas une tâche trop ardue pour nous ?
La réponse nous est donnée par la petite parabole du maître qui part en voyage et confie sa maison à ses serviteurs. Il leur donne à chacun un travail particulier.
Le maître accorde sa confiance. Dans l’entre-deux où il est absent, il valorise ses serviteurs, il leur donne la mission de prendre soin de sa maison. Il sait qu’il peut compter sur eux. On parle ici de confiance DONNEE.
Dans Matthieu, dans cet entre-deux des disciples privés de leur maître et ami, se joue le temps ce dernier les laisse seuls, livrés à eux-mêmes, avec leurs questions et la déchirure du vide.
Mais le plus bouleversant, c’est que dans cet entre-deux, l’absence du maître va faire d’eux des femmes et des hommes adultes, responsables.
Dans cet entre-deux, le Dieu de Jésus s’efface pour ouvrir devant nous un espace de liberté et de créativité. Il nous confie tout ce qu’il a. Toute notre vie devient alors placée sous la confiance donnée.
Je vous cite un collègue, James Woody, pasteur au temple de l’Oratoire du Louvre :
Dieu nous dit qu’il a confiance en nous parce que notre avenir est d’abord ce que nous en ferons.(…) La promesse de Dieu, ce n’est pas une prédiction sur l’avenir, mais la révélation de ce que nous sommes capables d’accomplir, d’ores et déjà, en nous laissant la liberté d’emprunter le chemin que nous voulons (…) Le Dieu de la promesse est ce Dieu qui ouvre des intervalles, des « entre deux » entre notre présent et notre futur pour que nous puissions remplir notre vie de ce qui est bon pour nous, de ce qui nous rend heureux, de ce qui favorise la vie ».
Dans le texte de Marc (appelé la « petite apocalypse » : le mot en grec signifie « Révélation »), ce qui est révélé et ce qui se joue, c’est de nous inviter à nous montrer vigilants, de veiller à accueillir la confiance que Dieu nous accorde.
Et l’autre révélation, c’est de veiller à ce que la confiance donnée devienne une confiance féconde, créatrice.
Une confiance qui nous mette en mouvement, une confiance sereine qui nous permette de vivre dans la conviction que rien n’est jamais perdu, ni joué d’avance.
Et il y a une autre révélation : cette confiance donnée, elle résonne au son de la promesse du Christ : « Voici, je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la fin des temps ».
Amen
Prière d’intercession
L’apôtre Paul nous l’a dit dans l’Écriture :
Soyez toujours joyeux
La grâce du Seigneur Jésus soit avec vous.
Soyez en paix les uns avec les autres.
Aujourd’hui, des frères et des sœurs en humanité
Ne sont pas joyeux, car ils connaissent la solitude, la peur, la faim, la souffrance et la maladie.
Aujourd’hui, des frères et sœurs en humanité
ne sont pas en paix car ils vivent la haine, la violence, l’oppression, la rancune et l’entre-deux inconfortable.
Aujourd’hui, des frères et sœurs en humanité
ne vivent pas la grâce car ils sont prisonniers de leurs idoles, de l’orgueil et de la cupidité, de leur égoïsme.
Nous te prions, Seigneur, pour que notre monde vive ces paroles que tu nous a laissées.
Nous te remettons tous ceux que tu confies à notre prière, et particulièrement ceux qui ne trouvent pas la joie, ceux qui ne sont pas en paix, ceux qui ne vivent pas de ta grâce.
parce que parfois l’épreuve est trop lourde, la ténèbre trop épaisse, l’espérance trop lointaine.
Nous te remettons les dirigeants du monde, les organisations internationales auxquelles ils ont adhéré pour qu’ils aient à cœur de promouvoir la justice et la paix.
Nous te remettons les familles et les communautés pour qu’elles soient lieu de partage, d’amour et de réconciliation.
Nous te remettons nos Églises, pour qu’elles proclament et vivent ta justice, ta libération.
Alors, Seigneur, notre Dieu,
Montre-nous le chemin,
Garde nous vigilants à ta confiance donnée
Ouvre nos yeux,
Éveille notre imagination.
Amen