Invités à des noces immanquables !

Prédication des 14 et 15 octobre 2023

Cultes à Môtiers et La Côte-aux-Fées

Textes bibliques : Esaïe 25,6-10a ; Matthieu 22,1-10

     L’Evangile qui nous est donné aujourd’hui a été précédé d’une lecture qui me semble bien introduire au message de notre parabole, aussi bien connue qu’étonnante à comprendre.

     Dans le passage du prophète Esaïe, on évoque ce festin pour tous les peuples qui va avoir lieu, offert par LE SEIGNEUR. Festin de la délivrance du joug, de la disparition de la mort, des larmes essuyées et de la fin de la honte de son peuple. Ce festin inaugure un règne nouveau, un monde nouveau.

     Dans notre parabole, je vois, par ce festin de noces organisé par ce roi pour son fils, le prolongement, l’accomplissement du festin annoncé dans Esaïe. Il est arrivé, ce moment de la joie imprenable, de la délivrance, ce monde nouveau. ENFIN !

Il vaut la peine d’entrer dans l’énergie débordante de ce roi qui appelle ses invités à partager avec lui la joie dont il déborde !

     Les noces d’un enfant unique, c’est UNE fois dans la vie de ses parents. Ici, c’est aussi le cas. Il est venu, LE moment de la fête ! Tout est là qui exprime la grandeur et la beauté de l’amour partagé ; rien n’est oublié pour que tous vivent cette abondance qui se manifeste tant dans le menu que dans toutes les dimensions de ce moment unique, historique, inoubliable !

     Cette joie offerte, cette fête ouverte, je vous invite à la saluer et à nous y associer en disant ensemble un alléluia ! Alléluia !

     Maintenant que nous sommes installés dans le cœur du roi et de son fils, voyons les invités, indispensables pour que la fête ait lieu. Tout d’abord, les invités prévus.

Ah ! cette liste soigneusement établie, pour n’oublier personne ! Mais ces invités réagissent très bizarrement : par de l’indifférence, par de la colère, allant jusqu’à la violence meurtrière.

     Et si nous nous mettions à la place de ces invités-là ? Comme moi, la plupart d’entre nous sont nés protestants, ou catholiques, ou d’une autre confession chrétienne, ou d’une autre religion.

     Je n’ai pas choisi de naître chrétien, ni même baptisé. Ma confirmation, je l’ai faite à 15 ans, pour obéir à la tradition. Comme moi, combien de nos sœurs et frères en chrétienté sont ces invités de Dieu à entrer dans sa joie ?

     Mais ils n’ont pas répondu à son invitation, car au-delà de la tradition, ils n’ont pas perçu la joie qui les attendait, le cadeau qui leur était fait. Pire, combien de nos proches ont été détournés de cette fête ? par une parole biblique ou pastorale malheureusement annoncée :

– « Les justes iront au paradis, les injustes en enfer » ; – ou « tu dois craindre Dieu » comme on craignait l’instituteur et la sévérité des parents. Sans compter ceux que la cruauté de la vie a poussé à rejeter un Dieu qui laissait faire cela. Il y a aussi ceux dont nous parle Vaclav Havel, écrivain et homme politique tchèque : « L’élément tragique pour l’homme moderne, ce n’est pas qu’il ignore de plus en plus le sens de sa vie, mais que ça le dérange de moins en moins. »

     Pour en avoir rencontré beaucoup, de ces invités traditionnels, j’ai ressenti l’abattement du roi qui voit son offre bafouée. Mais, tout autant, cette impuissance à les faire revenir sur leur décision m’a paru contenue dans la parole de Jésus en croix : « Père, pardonne-leur car ils ne savent ce qu’ils font ». Et je ne peux voir Dieu en ce roi qui punira tous ses invités récalcitrants. Certes, ici, sa patience a été mise à bout par l’indifférence, le mépris puis la violence de ses premiers invités. Sa colère se déchaine sur eux, dans un verset sévère qui a pu consoler ceux qui furent persécutés jusqu’à la mort pour leur fidélité à l’Evangile. Car nous sommes ici dans un contexte de persécution des serviteurs, et la colère de leur roi est une réaction proportionnée à ce qu’ils endurent.

     Puis viennent tous ceux qui ont été invités, mauvais et bons, et qui remplissent la salle de noces. Là aussi, je nous reconnais dans cette multitude.

     Oui, nous avons accepté l’invitation, d’où que nous venions. Nous, peuple de l’Eglise, formons une foule inextricablement mêlée « d’ivraie et de bon grain ».

     C’est notre chance unique, d’avoir été invités avec empressement, d’avoir été accueillis sans retenue, d’avoir été aimés sans condition. Il n’y a pas plus bouleversé que celui qui ne s’attend pas à un tel cadeau ! Celle qui n’a pas mérité une telle grâce ne peut être qu’ébahie !

     Oui ! « Tu m’as aimé, Seigneur, avant que la lumière, brillât sur l’univers que ta voix a formé » ! C’est aussi un bel Alléluia que ce cantique magnifique.

     La noce peut commencer, enfin ! Et elle a commencé, bien sûr, et nous y participons, depuis ce moment où nous sommes entrés dans l’intimité de la vie de ce roi et de son fils.

Notre dignité n’est pas due à notre personne, mais à la façon dont nous répondons à l’invitation du roi. C’est pourquoi, nous sommes aujourd’hui les serviteurs du roi envoyés à tous les carrefours, c’est-à-dire dans tous les lieux publics, inviter tous les humains. Cette invitation est valable et pressante aujourd’hui encore : ils sont à chercher, ceux qui se croient trop loin, ceux que nous ne pensons pas concernés.

     Nous sommes appelés à les rassembler, les mauvais et les bons. Notons que le verbe « rassembler » en hébreu a donné le terme de synagogue. C’est dire que la nouvelle synagogue de Jésus rassemble tous les humains, mauvais et bons.

     Le tri de ces invités est l’affaire de Dieu à la fin des temps. Pour l’instant, le Royaume de Dieu est semblable à un filet qui ramène tout ce qu’il trouve. Ce sont nous, les pêcheurs d’humains pour la fête en présence du Roi. Comme nous goûtons déjà à la joie d’être les invités, continuons notre pêche, sur l’ordre et la confiance de Celui qui sait où nous pouvons jeter le filet. Amen

René Perret