« Et si on allait marcher ?»
Même si je suis désormais de retour à Môtiers, dans ma phase de « réadaptation », je me sens toujours en chemin, en période de réflexion et de bilan.
J’ai reçu une bonne nouvelle du physio, je peux reprendre la marche de façon modérée et alternée ! Alors samedi, j’ai eu envie de suivre la trace des Huguenots qui passe par Romainmôtier (cet été, j’avais choisi l’option de passer par la Broye).
Je ne vous l’avais pas caché, à la fin de mon périple, je ressentais une certaine lassitude pour la randonnée ! Mais samedi, j’ai retrouvé mes sensations de plaisir et d’élan de Vie ! Et j’en suis arrivée à me demander pour quelles raisons j’apprécie autant la marche !
- J’ai de nombreux souvenirs d’enfance liés aux balades en famille, du côté du Doubs, des crêtes du Jura et parfois du Valais. Je n’ai jamais trop rechigné (me semble-t-il !) à marcher, même pendant l’adolescence. Je suis très reconnaissante envers mes parents qui m’ont insufflé ce goût de la marche.
- J’apprécie la marche pour son côté simple : à part de bons souliers, pas besoin de matériel sophistiqué pour se balader ! Et en plus, on peut marcher partout : en ville, en montagne, en campagne, au bord de la mer.
- De grands philosophes tels que Rousseau, Nietzsche, Thoreau ont écrit leurs plus belles pages en marchant… soyons clairs : marcher ne rend pas forcément plus intelligent, mais nous rend plus disponibles à la pensée et à la réflexion et aux découvertes du monde ambiant.
- La marche me permet en outre d’éprouver un certain nombre d’émotions et d’expérimenter des dimensions que le monde actuel a tendance à oublier. La lenteur, la régularité de la marche, les pas alignés l’un devant l’autre permettent de donner au temps une autre dimension, plus ralentie, plus ample.
- Le rapport du corps à l’espace est également différent : la beauté des paysages est plus intense quand on fait des heures de marche pour atteindre un sommet. Peut-être que le fait d’avoir fourni persévérance et courage (physique, psychique) offre au marcheur une sorte de récompense. Qui n’a jamais ressenti de la gratitude en contemplant l’horizon au sommet d’u col ? Un espace appréhendé par la marche paraît plus profond, plus contemplatif puisqu’il a été inscrit progressivement dans les pieds, les jambes, les bras, le cœur, les poumons, la tête.
- Je remarque que l’engouement pour la marche trouve un nouvel essor. J’émets l’hypothèse que la vitesse, l’immédiateté , la connexion permanente au monde sont devenues des aliénations. La marche peut nous faire ressentir la déconnexion comme un soulagement, un espace de liberté. Elle permet d’abandonner masques sociaux, rôles et de se retrouver face à soi-même, face au Tout Autre.
- Je vois des raisons encore plus profondes liées à mon amour de la marche. Je cite mon collègue Jean-Claude Schwab : « La spiritualité nous pénètre par les pieds quand on marche concrètement sur une route comme pèlerin : on s’ouvre à la possibilité d’un chemin intérieur qui reflète le chemin extérieur, qui lui réponde et lui corresponde » *. De son expérience d’un pèlerinage, J.-C. Schwab offre les réflexions suivantes que je peux totalement entériner:
- Ce qui est important, symboliquement, dans la marche, ce n’est pas tant le but qui compte, mais la direction du chemin (= la direction de l’apprentissage). Abram est parti sans savoir où il allait. Mais il se lève et part vers lui-même.
- Le fait de cheminer extérieurement aide à cheminer intérieurement. L’attention aux paysages, aux personnes et aux symboles et rencontrés, à soi-même et à la présence de Dieu représentent toutes des façons de se rendre présent, d’être touché et modifié.
- La marche invite au lâcher-prise et au recentrement sur l’essentiel. C’est l’expérience de Noé dans l’arche : aucune route tracée, ni gouvernail pour diriger l’embarcation… Noé doit s’abandonner à la confiance et à l’espérance en son Dieu
Voici, pêle-mêle, mes réflexions et mon envie de vous inviter à la marche en ce temps si propice qu’est l’automne !
Belle semaine et amitiés,
Véronique
* Jean-Claude Schwab, tiré de l’article « Vers une spiritualité du chemin »
Entre Romainmôtier et Orbe :
« Et si on partait marcher? »