Cultes des 8 juillet 2023 à Môtiers et 9 juillet 2023 à Couvet
Lectures :
- Jérémie 17, 5-8
- Jean 15, 1-11
Prédication (Séverine Schlüter)
Jean dans son évangile aime évoquer des images pour parler de Jésus, de qui il est et de la nature des liens qui nous unissent à lui.
Si ces images nous parlent à plusieurs reprises de sa nature divine (Jésus étant la vie, la résurrection, la lumière, la vérité…), beaucoup reprennent aussi des notions toutes concrètes du quotidien de son temps, et qui nous parlent encore aujourd’hui : Jésus est pain, berger, chemin, porte… et toutes ces images se veulent complémentaire pour nous aider à mieux saisir la personne du Christ.
Aujourd’hui il reprend l’image du cep et du travail du vigneron.
L’idée principale est claire : Jésus est le tronc du cep, ses disciples sont les branches qui lui sont attachées, et Dieu, son père, émonde les sarments desséchés au profit des branches qui portent fruit, comme le fait tout bon vigneron qui prend soin de sa vigne.
Ce n’est pas la première fois qu’il m’est donné de faire un message sur ce texte – et cette fois j’ai choisi de m’arrêter plutôt sur un de ses aspects particuliers : le mot “demeurer”, qui revient une dizaine de fois dans ce passage. C’est un terme d’ailleurs qui revient très souvent sous la plume de Jean.
- On le retrouve déjà lors du baptême de Jésus, quand le Baptiste témoigne : « J’ai vu l’Esprit, tel une colombe, descendre du ciel et demeurer sur lui » (Jn 1, 32).
- Juste après cet épisode, deux disciples de Jean lui demandent : « maître, ou demeures-tu ? Ils vinrent voir, et demeurèrent dès lors avec lui ».
- A plusieurs reprises, des gens invitent Jésus à demeurer chez eux, une occasion pour eux de découvrir qui il est, comme en témoignent ces mots qui s’adressent à la femme que Jésus a rencontrée près du puits en Samarie : « Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons : nous-mêmes, nous l’avons entendu, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. » (Jean 4, 42).
- Un peu plus loin, Jésus fait des reproches à ceux qui n’ont pas gardé sa parole : « Vous n’avez pas sa parole qui demeure en vous, puisque vous ne croyez pas en celui qu’il a envoyé » (v. 38). « Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples, vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres » (8, 31-32).
- Mais la véritable demeure du Christ, c’est celle de Dieu son Père, comme il le dit au chapitre 14 : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : “Je pars vous préparer une place” ? » (v.2). Et c’est lui, Jésus, qui en est le chemin.
- C’est aussi par ce mot qu’il annonce la venue de l’Esprit : « Vous, vous le reconnaissez déjà, parce qu’il demeure auprès de vous ; mais il sera en vous » (Jn 14,17).
- Même s’il n’a pas de récit de la Cène proprement dit comme les autres évangiles, Jean précise tout de même au chapitre 6 : « Qui mange ma chair… demeure en moi et moi en lui » (6, 56).
- Après la mort de Jésus, les Juifs, voulant éviter que « les corps ne demeurent sur la croix durant le sabbat » (19, 31), demandèrent à Pilate de les faire enlever. Ce qui a été interprété plus tard comme une manière que la mort n’a pas le dernier mot : c’est bien la vie qui demeure.
Si ce terme a accompagné ainsi l’évangéliste Jean dans la rédaction de son récit, c’est bien qu’il devait avoir pour lui une signification toute particulière !
La demeure, c’est bien plus qu’une simple maison.
Concrètement, c’est là où l’on se sent chez soi, où on est bien, où on a ses marques, ses habitudes, sa place, où l’on a envie de rester, ou de revenir, de se retrouver.
Mais chez Jean ce n’est pas forcément un endroit particulier. C’est aussi unedisposition intérieure.Le croyant est appelé à demeurer avec Jésus, suivre son exemple, se nourrir de sa parole, garder sa parole et qu’elle demeure en soi.
C’est surtout une manière d’expliciter le lien existant entre Jésus, Dieu son Père et son Esprit. Lien auquel le disciple est appelé à s’attacher et à faire sien.
C’est le cœur du passage lu aujourd’hui, quand Jésus dit : « demeurez en moi, et moi je demeurerai en vous » (v.4).
La foi, c’est donc qqch à habiter, c’est une question d’hospitalité : nous sommes invités à entrer, par l’Esprit, dans l’intimité du Père et le Fils ; et nous sommes appelés à les inviter à notre tour au cœur de nos vies et de notre quotidien.
« De même que le sarment ne peut pas porter de fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi.» (v.4)
C’est bien ce qui est en jeu, et au centre des attentes : rester attachés au Christ, à sa parole, aux commandements reçus de son Père. Maintenir le lien, pour que ce qui a été semé puisse porter du fruit.
J’ai parfois de la peine, comme d’autres j’imagine, avec la mise en garde : si on s’assèche, on nous coupera et on brûlera !
Le sarment peut-il de lui-même décider de ne plus être rattaché au tronc ? Est-ce que cela ne dépend pas des circonstances, de la météo ?
Pourtant, cette image me parle malgré tout. Avec nos deux enfants par adoption, nous savons bien que tout ne va pas forcément de soi dans la relation. Cela demande du soin, de l’attention, de la patience, de l’apprentissage. De l’humilité aussi. Savoir reconnaître que l’on s’est trompé, apprendre à faire autrement. Cela demande aussi du lâcher-prise, renoncer à certaines habitudes, routines ou points de vue pour laisser place à d’autres vues, d’autres manières de faire. Beaucoup d’échanges aussi pour dire ses émotions, ses tristesses, ses joies, ses colères, ses peurs, ce qui nous a rendu fiers… pour trouver un équilibre, créer la confiance.
Oui, les liens, une relation, ça s’entretient, comme le vigneron prend soin de sa vigne…
Dans notre passage de l’Évangile, Jean explicite davantage le lien qui doit unir le Christ et ses disciples : “demeurez dans mon amour”. C’est lui qu’il nous faut habiter. C’est lui qui doit circuler, comme la sève qui nourrit la vigne ! C’est ce qui lui permettra de porter du fruit.
Et c’est à nous, les sarments, qu’incombe la tâche de porter du fruit. Quelle confiance… et quelle responsabilité aussi !
L’amour reçu, le croyant est appelé à le porter en lui, et à le porter vers les autres, en allant puiser dans les exemples de vie que le Christ nous a donnés.
C’est ensemble, pied et sarments, que nous formons la vigne. Le tronc ne peut pas non plus donner du fruit en lui-même…
Ainsi, quand Jésus déclare : « hors de moi vous ne pouvez rien faire » (v.5), ne suggère-t-il pas en même temps, que son œuvre ne saurait continuer sans nous ?
En même temps, c’est bien la vie et l’amour du Christ qui circule telle la sève dans toute la plante. C’est dans notre relation première avec lui que nous pouvons recevoir les forces et les ressources nécessaires.
Entretenir notre relation au Christ, à son Père, nous laisser habiter de la force de son Esprit, c’est ce qui nous permettra de tenir malgré le vent, le mauvais temps, ou la sécheresse, avec des racines ancrées profondément dans la terre, et qui nous permettront de tirer d’ailleurs les forces nécessaires, et d’en faire profiter notre entourage.
« Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. » dit Jésus. (v. 11)
Amen.