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Ouverture
Jésus pousse un grand cri, il dit : « Père, je remets ma vie dans tes mains. » Et, après qu’il a dit cela, il meurt.
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Samedi, deuxième jour de la mort de Jésus. Il est au tombeau comme nous quand nous ne parvenons pas à sortir de nos enfermements, quand la vie est faible en nous.
La promesse de vie est là et nous nous trouvons dans la même situation que le psalmiste et que Jésus en souffrance sur la croix. Notre prière devient :
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » [Ps 22,12 – Mt 27,46]
Nous ne le savons pas encore, mais c’est dans ce lieu de mort que Dieu vient rechercher celle qu’il aime, celui qui lui est cher.
Nous ne le savons pas encore, et la promesse est déjà là. Il va réveiller de la mort celui qui doit partager la vie pour le monde et pour nous.
Dans la tristesse et l’abandon, il nous reste les mots de l’Apocalypse, presque les derniers de la Bible :
« Jésus affirme que tout cela est vrai et il dit : « Oui, je viens bientôt ! »
Amen ! Viens, Seigneur Jésus ! » [Ap 22,20]
Prière
Je ne savais pas que tu pouvais mourir, mourir en moi.
Je ne crois plus en toi.
Il m’arrive même d’en rire.
Je t’avais pourtant aimé.
Tu m’aimais aussi : je le savais bien.
Maintenant, tu n’es plus rien.
Je t’ai même embaumé.
Il me reste pourtant un espoir, que tu ne sois pas vraiment mort, ou qu’un autre Dieu naisse alors, j’espère quand même te revoir.
Tu es mort, ce vendredi.
Dimanche peut-être viendra.
Mais le plus dur, tu vois, c’est d’être en samedi.
François (19 ans) « Risquer Dieu », Ed. Ouverture, 1984, p. 28
Prière avant la lecture de la Bible
Seigneur, tu nous vois dans nos enfermements et dans nos tombeaux. Dans nos vies, il y a des moments où nous avons l’impression que la lumière ne nous atteint plus.
Même là, tu viens nous éclairer, tu viens ouvrir nos esprits à la compréhension de ta Parole. Rejoins-nous, Seigneur, nous aimerions un signe de ta part.
Amen
Lecture de la Bible
Jonas 2,1-10
Matthieu 12,38-42
Prédication
de David Allisson d’après un texte de Didier Halter
On pourrait dire que ce samedi est le jour le plus long pour la Bible et les chrétiens. Je propose quelques mots de méditation, puis un silence auquel offrir nos méditations silencieuses.
Le jour le plus long
Le temps est relatif. Einstein l’exprimait à travers une métaphore toute simple : une minute assis sur un poêle brulant vous paraît plus longue qu’une heure passée en agréable compagnie…
Le temps est relatif et de ce point de vue le jour sans doute le plus long de la Bible est aussi celui dont on ne parle jamais ou presque. Celui que met en valeur le signe de Jonas. On ne sait rien de ce qui s’est fait ou dit ce jour-là, on ne sait pas ce que devienne les principaux personnages de l’histoire en cours, à par l’un d’entre eux, couché dans le noir berceau de pierre qui lui tient lieu de tombeau.
Le temps est relatif, mais ce jour le plus long c’est vraisemblablement ce samedi situé entre le vendredi de la mort de Jésus et le dimanche où il apparaît vivant aux femmes, puis à ses autres disciples. Un samedi dont la Bible ne nous dit rien. Elle ne le mentionne même pas. Pourtant il a dû exister !
Vendredi, on en parle longtemps. La journée débute dans la nuit. On ne sait pas si l’arrestation de Jésus a eu lieu vendredi. Peut-être qu’elle s’est passée la veille, le jeudi soir. C’est le jeudi de la Cène, du repas qui anticipe et inaugure le Royaume à venir ; mais c’est aussi le jeudi des fatigues, des abandons et de la trahison.
C’est le jour où des disciples fatigués devaient veiller avec leur Maître dans la fraîcheur d’un jardin. Un Maître qui finalement veille ses disciples endormis et ne les relève qu’au moment où il remarque au loin l’arrivée d’une troupe armée, déterminée. Cette troupe est menée par celui en qui tous avaient confiance, au point qu’ils lui avaient confiés la gestion de la bourse du groupe. Une troupe menée par Judas dont le baiser à son Maître va devenir pour les siècles à venir le symbole même de la trahison.
Puis vient le vendredi. Le Vendredi Saint.
Vendredi Saint, c’est le temps de la prison, des interrogatoires musclés, de la dignité bafouée. C’est le temps du jugement expédié. La sentence de ce jugement était écrite à l’avance dans l’esprit des accusateurs. L’exécution de cette sentence claque publiquement comme la négation de toutes les ambitions et de tous les espoirs de celles et ceux qui avaient choisis de suivre Jésus. Jésus, de Nazareth en Galilée, qui annonçait pour demain la venue du royaume et de la proximité de Dieu. Ils y avaient cru, eux, que la délivrance tant attendue était proche. Ils avaient cru qu’avec lui, les oppressions allaient tomber et que la terre sur laquelle ils vivaient, souffraient et espéraient, allait enfin devenir ce que les prophètes des temps anciens avaient annoncé : une terre où ruissèle le lait et le miel et où chacun peut jouir du fruit de sa vigne, assis à l’ombre fraiche de son figuier. Une terre où dans une proximité inouïe, Dieu et son peuple sont comme un couple dans une lune de miel éternelle.
Il leur avait donné d’y croire avec ses paraboles riches et simples en même temps.
Il leur avait donné d’y croire avec sa manière bien à lui de venir à bout des controverses et des pièges raffinés de ses adversaires.
Il leur avait donné d’y croire avec les signes qu’il posait simplement, mais avec générosité.
Il leur avait donné d’y croire quand en entrant dans Jérusalem, il s’était laissé accueillir et acclamé comme le roi qui vient.
Il leur avait donné de croire à la proximité du royaume.
Et voilà, c’était fini désormais.
Il n’était pas descendu de sa croix. Il avait agonisé comme tous les misérables condamnés au supplice des esclaves révoltés.
Il s’est laissé faire. Il a poussé ce cri sur la croix, ses derniers mots audibles que la tradition a recueilli : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
De samedi, les évangiles ne disent rien. C’est l’absence de Jonas pendant qu’il est dans le ventre du poisson. C’est le début de l’absence d’un défunt.
Il a bien fallu qu’elles se passent les sombres heures de ce jour où les disciples se sont retrouvés seuls avec leur chagrin, seuls avec leur désillusion, seuls avec leurs espoirs pulvérisés par la mort de Celui qui les avait fait naître à une espérance nouvelle. Ce jour est la victoire de la mort, le triomphe de l’injustice, la parade glorieuse des forces du chaos.
C’est le jour où pour les disciples, il n’y a plus de lumière.
Et pas une parole, pas un signe qui permettrait de mettre un peu de lumière dans tout cela. Car, et c’est peut-être le plus difficile à supporter dans ces cas-là, Dieu se tait. Tout est silence. Il n’y a plus rien, que des larmes et des lamentations.
Il est mort et il n’y a plus rien à faire.
Dans le choc de la mort d’un proche, dans le drame de son départ, il n’est pas possible de recevoir tout de suite l’annonce du triomphe de la vie, ni même la consolation d’une parole qui l’annonce. La mort est tellement contraire à tout ce qui en nous fait que nous sommes vivant, qu’il ne nous est pas possible d’accepter quoi que ce soit comme explication ou comme consolation dans l’immédiat.
Nous avons besoin de temps.
Dieu se tait un temps pour que nous puissions entendre sa parole.
Il s’agit de prendre le temps lorsque le deuil nous frappe, le temps de nos émotions, des questions et des silences. Prendre le temps, car quelle Pâques serait acceptable humainement parlant si elle surgissait immédiatement après Vendredi Saint ? Pâques a besoin du Samedi Saint.
C’est le signe du prophète Jonas.