Textes du culte de Noël – 25 décembre 2002, Môtiers
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Lectures bibliques
Prédication
de David Allisson
Joyeux Noël !
Qu’est-ce que cela vous fait quand on vous souhaite un joyeux Noël ? Ça peut être comme une salutation « bonjour, comment ça va ? » avec un doute sur le fait que la personne cherche vraiment à prendre des nouvelles.
Nous nous souhaitons un joyeux Noël et la formule glisse dans l’habitude. Nous risquons d’oublier que Noël est un temps de joie. Certaines personnes s’en souviennent. On m’a dit récemment : « j’aime Noël, j’aime me préparer et vivre les moments de Noël. » « J’aime Noël, ça me rappelle que Dieu est venu rejoindre l’humanité jusque dans son être, dans sa chair. » Il y a ici une profondeur toute proche de la joie évangélique.
C’est différent de la magie commerciale de Noël à la douceur d’une peluche ou sucrée comme un bonbon. Au moment de Noël dans les récits des évangiles, il n’est pas tellement question de douceur ou de goût sucré.
La naissance vient comme un moment particulier de la trajectoire ordinaire des jours. Et encore, si les jours étaient spéciaux, c’était peut-être bien à la manière dont les temps sont spéciaux en Ukraine en ce Noël qui sera fêté là-bas plutôt le 6 janvier comme cela se fait dans l’église orthodoxe. Les israélites habitaient un pays qui n’étaient plus le leur, soumis à l’autorité de l’empire romain qui leur imposait devoirs et obligations : l’impôt, la restriction de mouvement, des exigences administratives et économiques, peut-être l’enrôlement militaire.
Ce jour-là, que nous rappelons à Noël, s’est levé comme un jour ordinaire.
C’était un jour comme les autres en Palestine.
Noël est un jour qui prend place dans le déroulement de nos jours, dans notre vie quotidienne. Cette année, pas de congé particulier pour le 25 décembre, puisque nous sommes dimanche.
Dans ce jour ordinaire, sans rien de spécial, des gens bizarres, des étrangers qui viennent de loin, remarquent un signe. ces savants étrangers, ces sages, ont vu un signe qui a échappé à Hérode : l’étoile d’un nouveau roi est apparu en orient. Parce que le récit est très précis sur le fait que l’étoile guide les sages du palais d’Hérode jusqu’à la maison de Bethléem où se trouve l’enfant, les contes et imageries de Noël la voient aussi les guider d’abord depuis chez eux, du lointain orient jusqu’au palais.
Au fond, nous ne savons rien du fait que cette étoile filait à la vitesse de la marche des savants, et cela ne change pas grand-chose. L’histoire montre que ces sages venant de loin sont sortis de chez eux. Ils ont choisi le mouvement. Ils se sont mis en recherche. Aujourd’hui, vous êtes comme eux, comme Abram : vous êtes sortis de chez vous et vous vous êtes mis en route. « Va dans le pays que je vais te montrer » Gn 12,1. Vous partez à la recherche du sens de la fête. Vous pouviez vous fier aux avis des personnes de votre entourage. Il y a peut-être dans vos proches des consultants et des spécialistes de qui vous pouvez demander l’avis dans les différentes situations de vos vies. Il y a aussi internet et les médias qui partagent des avis sur la question. Aujourd’hui, vous êtes là et vous cherchez vous-mêmes.
Les sages d’orient sont aussi des chercheurs qui explorent eux-mêmes la signification des signes qui leur apparaissent. Ils ne font pas ça comme nous, mais ils sont calés dans leurs spécialités : ils observent les étoiles, regardent les changements du temps, connaissent des récits et des traditions de toutes sortes.
Hérode reste quant à lui dans son palais et dans ses habitudes. Il préfère consulter ses spécialistes, les maîtres de la loi et des prophètes et tous les grands-prêtres de son peuple. Il ne manque plus que les anciens du peuple pour que soit complet le sanhédrin. Ce même sanhédrin, cette assemblée des personnes de pouvoir de la religion, qui va condamner Jésus à mort, des années plus tard. Hérode se fie à leur expertise et espère conserver les acquis. Et comme il remarque que les sages sont en quête, sont des chercheurs, Hérode se dit qu’il y a peut-être aussi quelque chose à obtenir de leur côté. Il fait comme si la naissance du roi des Juifs l’intéressait et leur demande de venir lui donner des nouvelles de leur éventuelle découverte. Les lecteurs de l’évangile se souviennent bien que ce qui intéresse le roi, c’est de sauver sa place et de préserver son pouvoir au moment où la naissance d’un roi des juifs est annoncée. Il sait bien que c’est lui, Hérode, le roi des juifs. Et il compte le rester.
Les sages ont bien écouté la demande d’Hérode et ont l’air de penser qu’il vont faire leur possible pour raconter leurs futures découvertes au roi colérique et violent. C’est une écoute attentive que le texte évoque pour les sages. Une écoute qui inclut déjà l’engagement d’obéir à ce qui leur est demandé.
Mais ces sages sont des chercheurs. Il veulent comprendre les signes qui leur sont donnés. Les sages vont aussi être disponibles au message que Dieu leur transmet dans un rêve. Ils sentent bien qu’il faut choisir un autre chemin, parce qu’ils ont remarqué que la rencontre avec l’enfant a changé quelque chose en eux. Ils doivent en tenir compte, ils ne peuvent pas continuer leur vie en prenant les mêmes chemins. Puisqu’ils ont été transformés par ce qui s’est passé, ils ne peuvent pas retourner à leur vie comme avant.
C’est par ces savants étrangers aux pratiques bizarres, peut-être même occultes, que la joie entre dans le récit. La joie leur est donnée comme une grâce à recevoir. Le premier cadeau de Noël, c’est la joie qui remplit les sages au moment où ils aperçoivent l’étoile avancer devant eux. Ce n’est pas la naissance elle-même, ce n’est pas la découverte du but de leur voyage, c’est l’étoile qu’ils avaient repérées chez eux il y a déjà longtemps, il y a le temps d’un long voyage.
C’est peut-être bien là qu’ils s’engagent sur un autre chemin. C’est au moment où ils reçoivent le signe qu’il va se passer quelque chose. Nous cherchons aussi, en le sachant ou en ne le sachant pas, une lumière différente, un signe particulier et la sensation de la joie entre en nous comme si le royaume de Dieu, le règne de la vie s’installait en nous.
Voilà qui est extraordinaire ! Cela me rappelle mes rencontres avec des réfugiées ukrainiennes. Au lendemain d’événements qui leur font quitter leur maison détruite, leur pays démoli, leur langue, des proches restés au pays, des femmes et quelques hommes sont parmi nous, venant d’Ukraine. Elles rayonnent d’une joie profonde et d’une vitalité qui m’émerveillent à chaque fois que je les rencontre, certains jeudi après-midi quand je peux me joindre à l’accueil soutien français à la cure de Couvet. Elles rient, elles cherchent, elles écoutent et partagent. Et au détour d’un échange ou d’une blague, elles évoquent les destructions de leur pays en guerre et du souci qu’il y a aussi en elles. La rencontre de ces personnalités, c’est Noël en cours d’année. C’est rude de dire ça au moment où elles vont vivre leur premier Noël depuis leur fuite.
Pourtant elles me font vivre Noël par la foi qui les anime, pour certaines d’entre elles. Elles me font vivre Noël par la reconnaissance qu’elles ont et par l’énergie de vie qu’il y a en elles et qui nous emmène avec elles dans ces rencontres.
Les cadeaux des sages d’extrême orient, ce sont l’or, signe de la royauté du jeune enfant, l’encens, signe de sa divinité et la myrrhe, qui annonce sa mise au tombeau puisque cette huile parfumée faisait partie des soins aux morts à ce moment-là.
C’est entremêlé, comme les différents moments du destin d’une vie. C’est entremêlé comme Noël peut être féérique et tout à la fois assombri par les querelles et les soucis de nos vies. C’est entremêlé et c’est là que surgit la joie de la présence de Dieu. C’est dans notre humanité que cela se passe et c’est en continuant de chercher que nous recevrons encore des occasions de voir cette étoile qui annonce la présence de Dieu. Une très grande joie remplit les sages. Elles nous remplit aussi quand nous cherchons comme eux. Joyeux Noël !