Texte : Matthieu 11, 25-30
Prédication « Le jugement de Dieu, c’est son amour »
de Patrick Schlüter
En ces temps-là, Jésus s’écria : « O Père, Seigneur du ciel et de la terre, je te remercie d’avoir révélé aux petits ce que tu as caché aux sages et aux gens instruits. »
Ce week-end, j’ai eu envie de poursuivre la méditation sur le chapitre 11 de l’évangile de Matthieu commencée il y a 2 semaines. Ce chapitre 11, c’est un tournant dans l’évangile de Matthieu. Jésus a été présenté comme Messie de la parole et de l’action. Dans la suite du récit, l’opposition grandit. Au début du chapitre 11, Jean-Baptiste s’interroge sur Jésus. Jésus constate que son message n’est pas reçu par beaucoup. Avant le texte que nous avons entendu, Jésus prononce un jugement très dur sur les villes qui refusent de croire malgré les miracles accomplis. Chorazin, Bethsaida et Capernaüm sont l’objet de parole très dures. Pensez-vous : même Sodome, l’image-même de la ville remplie de péché dans l’Ancien Testament, sera traitée moins durement au jour du jugement !
Et voilà qu’arrive le texte que nous avons entendu, qui est introduit de manière très solennelle par « en ce temps-là ». C’est le temps de Dieu qui est là en Jésus. C’est le temps du salut qui est offert aux petits. C’est le repos offert à ceux qui ploient sous le fardeau. Jésus est doux et humble de cœur.
Quel contraste entre le jugement et l’accueil ! Ce contraste est au cœur de la manière dont l’évangile de Matthieu présente Jésus.
- On pourrait voir cela comme 2 faces d’une même pièce : d’un côté, le jugement et de l’autre, l’amour et l’accueil. Jésus s’adapte à son auditoire et utilise le langage adéquat.
- On pourrait voir aussi cela à la manière de l’apôtre Paul et à sa suite le Réformateur Martin Luther. Les commandements de la Loi servent à nous faire désespérer d’accomplir notre salut par nous-mêmes pour pouvoir ensuite nous abandonner à Dieu et être sauvés par la grâce au moyen de la foi.
Pourtant, dans l’évangile de Matthieu, c’est un peu différent : le jugement et l’accueil sont intimement liés. On pourrait même dire : le jugement de Dieu, c’est son amour. Jésus vient annoncer la Loi de l’amour absolu de Dieu qui nous revendique. En même temps, l’amour dévoile toutes nos compromissions humaines, nos hypocrisies. C’est donc un jugement, mais un jugement d’amour qui dit qu’il est possible de prendre un autre chemin avec Jésus, vers Dieu, vers les autres et vers soi-même.
Ainsi, Jésus est le modèle de la douceur et de l’humilité, mais ce n’est pas de la mollesse. Parfois, je ressens quelque chose de semblable chez certaines personnes bienveillantes. C’est une bienveillance qui accueille, qui appelle à tomber les masques, qui permet d’être vrai, qui donne envie d’échanger, de partager, de donner le meilleur de soi-même.
Face à cela, il est aussi possible de s’endurcir, de continuer dans la logique opposée, de ne pas saisir l’occasion. C’est ce que la Bible appelle l’endurcissement. C’est un mystère, comme une impossible possibilité face à l’appel de la vie. Pourtant, le monde actuel nous montre beaucoup de ces situations où les humains ne choisissent pas la vie. Et nous en faisons aussi partie, parfois malgré nous.
L’endurcissement, c’est se croire fort et auto-suffisant, « sage et instruit », dit Jésus. Il n’y a alors plus la place pour la surprise, la rencontre, la vie tout simplement. Dans la série de roman pour enfants « les chroniques de Narnia », l’auteur C.S. Lewis qui est aussi théologien exprime quelque chose de cela dans la manière dont est perçu un des personnages principaux, le lion Aslan. Pour les personnes ouvertes à la vie, le lion parait sympathique, suscite un sentiment de sécurité, de chaleur intérieure. Par contre, il met mal à l’aise les personnes enfermées dans leur logique de recherche du pouvoir ou de la richesse. Le rugissement d’Aslan leur parait alors terrible. Cet « endurcissement » reste un mystère dans le roman. Certaines personnes changent leur perception d’Aslan qui est une sorte de figure christique dans la série de romans. D’autres restent enfermés dans leur logique.
C’est quand nous reconnaissons notre fragilité, que la bonne nouvelle de Jésus peut nous rejoindre :
« Venez à moi vous tous qui êtes fatigués de porter un lourd fardeau et je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug et laissez-moi vous instruire, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour vous-mêmes ».
Le repos, c’est une aspiration du temps des vacances, mais qu’est-ce qui nous pèse et nous écrase ?
Les commentateurs de l’évangile de Matthieu pensent aux commandements de la Loi juive. Le Talmud en recense 613. Jésus dénonce alors une religion des bien-pensants qui enferme les plus petits dans la culpabilité.
Quel est notre fardeau d’aujourd’hui ? L’impératif de réussir, plus modestement le défi de boucler ses fins de mois, une sorte d’éco-anxiété face aux changements climatiques, la peur du lendemain, une angoisse existentielle, les impératifs de toute sortes pour réussir à tout mener de front, la maladie qui limite, le deuil que l’on n’arrive pas à surmonter ?
Nos fardeaux sont nombreux. Jésus ne promet pas de tout résoudre. Il offre son accueil, son amour qui nous donne de la valeur où que nous en soyons dans nos vies. Ce n’est pas une solution miracle : certains fardeaux ne vont pas disparaître du jour au lendemain, mais ils peuvent retrouver leur juste place. C’est un autre joug que Jésus offre : celui de l’amour, de l’accueil et de la douceur infinie qui peuvent changer le monde. C’est de suivre Jésus et de vivre à son image.
Nos vies ne nous appartiennent pas. Elles nous sont données comme un cadeau. Nous pouvons les vivre comme un cadeau à recevoir et à donner, ou au contraire chercher à les maitriser et à les réussir à tout prix. Jésus nous invite au lâcher-prise. Il nous accueille et nous invite à le suivre. Il nous offre un sens à notre vie.
Ce chemin de la douceur à la suite du Christ est aussi assorti d’une promesse des béatitudes : « heureux les doux, car ils hériteront la terre. » C’est un chemin qui est proposé. Un chemin qui se joue aussi par la prière, comme Jésus commence son discours en parlant à Dieu son Père.
Alors terminons en douceur par quelques mots du psaume 145 :
Je t’exalterai, mon Dieu, mon Roi ;
je bénirai ton nom toujours et à jamais !
Chaque jour je te bénirai,
je louerai ton nom toujours et à jamais.
Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour.
La bonté du Seigneur est pour tous,
sa tendresse, pour toutes ses œuvres.
Le Seigneur est vrai en tout ce qu’il dit,
fidèle en tout ce qu’il fait.
Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent,
il redresse tous les accablés.
Amen.