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Lecture de la Bible
Deutéronome 10,8-9
Apocalypse 1,4-6
Jean 16,25-33
Jésus fait de nous un peuple de prêtres
prédication de David Allisson
« Ce jour-là, vous prierez en mon nom ; et je ne vous dis pas que je prierai le Père pour vous, (…) » (Jn 16,26)
Voilà un verset qui m’a étonné. Jésus annonce qu’il ne va pas prier pour les disciples. Derrière cette phrase, il y a un sous-entendu : Jésus ne va pas entrer dans la peau d’un Grand Prêtre, intermédiaire nécessaire entre les humains et Dieu.
Mais je croyais que, justement, Jésus pouvait être décrit comme Grand Prêtre. Du moins c’est ce qui me reste de mes souvenirs de l’épître aux Hébreux.
Je pensais aussi qu’un rôle essentiel du prêtre, et donc du Grand Prêtre était justement d’intercéder pour les croyants. C’est à lui par excellence que revient le rôle de prier pour eux.
Et ici, dans l’évangile de Jean, Jésus explique : « je ne vous dis pas que je prierai le Père pour vous, (…) ». (Jn 16,26)
Quand je lis ça, je me dis que les disciples ont de la chance de pouvoir dire : « Voilà, maintenant tu parles clairement, tu ne parles plus en utilisant des comparaisons. » (Jn 16,29)
Pour ma part, je n’ai pas vu tout de suite le message en clair. Il m’a fallu du temps pour comprendre le fonctionnement du décodeur.
Ceci d’autant plus que Jésus va justement se mettre à prier pour ses disciples dès la fin du passage que nous avons entendu. Tout le chapitre 17 de l’évangile de Jean est constitué de ce que les théologiens appellent la « prière sacerdotale ». C’est-à-dire la prière de Jésus pour ses disciples en tant que prêtre qui prie pour le peuple dont il a la responsabilité.
Ce texte pose donc bien des questions et je n’ai pas l’impression que tout est aussi clair que semblent le penser les disciples.
Situer ce texte par rapport à l’ensemble de l’évangile de Jean peut aider à débrouiller un peu ces questions.
Le passage que nous avons entendu est tiré de la longue partie qui conclut le ministère terrestre de Jésus.
Depuis la fin du chapitre 13 jusqu’à la fin du chapitre 16, que nous venons de lire, Jésus prend congé de ses disciples et prononce un discours d’adieu.
Dans les grandes lignes, il annonce qu’il retourne vers le Père, d’où il est venu et d’où il a été envoyé. Jésus part dans un lieu que lui seul connaît et dans lequel ses disciples ne peuvent pas le suivre pour l’instant. Ils y auront aussi accès, mais c’est pour plus tard. Jésus doit y aller seul. Il leur préparera la place.
Ce départ n’est pourtant pas un abandon pur et simple. Les disciples ont encore quelque chose à faire dans le monde. Ils doivent être la vitrine de l’amour de Dieu pour les êtres humains. Jésus leur laisse un commandement nouveau : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. » (Jn 15,12.17) La source de cet amour est en Jésus lui-même et cet amour sera le signe distinctif des chrétiens.
Les disciples se trouvent chargés d’une grande responsabilité. En fait, Jésus est venu vivre parmi l’humanité pour révéler Dieu complètement. Avec le départ de Jésus, les disciples sont rendus responsables de rappeler au monde que cette révélation ne disparaît pas avec Jésus. Elle se vit tout aussi intensément que quand Jésus était dans le monde, parce que le chemin et la vie éternelle que le Christ a ouverts, ils restent valables, déjà ici, déjà maintenant.
Cette responsabilité ne vient pas seule pour les disciples. Jésus leur exprime aussi une immense confiance. Il leur donne les moyens d’accomplir ce qu’il leur demande. En disant « Je ne vous dis pas que je prierai le Père pour vous, (…) », Jésus dit qu’il pense que les disciples seront à la hauteur de cette responsabilité qu’ils reçoivent.
C’est important de laisser à chacun l’occasion de faire ses expériences. Il n’y a rien de plus formateur que de pouvoir essayer pour bien apprendre.
Au catéchisme, quand les jeunes se rendent disponibles pour venir encadrer les catéchumènes plus jeunes, c’est ainsi que nous essayons de fonctionner. Nous voulons donner aux jeunes accompagnants des tâches qu’ils sont en mesure d’accomplir par eux-mêmes, avec l’appui des pasteurs et des animateurs plus expérimentés.
Les jeunes en formation mettent du leur dans la préparation des animations qui prennent une saveur toute particulière. Les moments du caté ont ainsi davantage d’impact sur les catéchumènes.
C’est dans ce sens de prise de responsabilité que Jésus se permet de « ne pas nous dire qu’il priera pour nous ».
Si le Christ est prêtre pour nous auprès de Dieu, il l’est d’une manière tout à fait spéciale.
Pour y réfléchir un moment, je vous propose de réécouter la description du travail du prêtre dans le livre du Deutéronome : « À ce moment-là, le Seigneur a mis à part les gens de la tribu de Lévi pour faire les travaux suivants : porter le coffre de l’alliance, se tenir devant le Seigneur pour être à son service, dire les bénédictions en son nom. Les lévites font ces travaux encore aujourd’hui. » (Dt 10,8)
Voici les tâches qui reviennent au prêtre :
- Porter le coffre de l’alliance
- Se tenir devant le Seigneur, à sa disposition
- Servir le Seigneur, officier pour le Seigneur
- Bénir au nom du Seigneur
- Porter le coffre de l’alliance du Seigneur : le prêtre est celui par qui la présence de Dieu est amenée dans le peuple des croyants.
- Se tenir devant le Seigneur, à sa disposition : le prêtre est la personne autorisée à rencontrer Dieu comme un vis-à-vis.
- Servir le Seigneur, officier pour le Seigneur : le prêtre est celui qui agit envers les êtres humains au nom de Dieu. Il est aussi celui qui intercède auprès de Dieu pour les êtres humains.
- Bénir au nom du Seigneur : le prêtre est la personne autorisée à manifester l’intérêt de Dieu pour les êtres humains. Il est celui qui relaie la bénédiction de Dieu.
Jésus a porté la présence de Dieu parmi les humains.
Jésus est continuellement en présence de Dieu. Il est un vis-à-vis de Dieu, et même plus, il est intimement uni à Dieu.
Jésus agit parmi les humains au nom de Dieu.
Jésus est la plus grande manifestation de l’intérêt de Dieu pour les humains.
Ces quatre dimensions de l’œuvre de Jésus Christ le définissent clairement dans un rôle de prêtre. Il ne veut donc certainement pas souligner le fait qu’il refuse ce rôle de prêtre.
Alors qu’est-ce que Jésus veut dire lorsqu’il « ne nous dit pas qu’il priera pour nous » ?
Comme le montre tout l’évangile, il proclame que son travail vaut bien plus que celui d’un simple prêtre. Au fond, le prêtre est un intermédiaire entre Dieu et les êtres humains. C’est au travers de lui que Dieu se révèle. Et c’est aussi au travers de lui que les humains entrent en relation avec Dieu.
Jésus a fait cela.
Mais il a fait bien plus que cela.
Rappelez-vous : c’est aussi dans l’évangile de Jean que Jésus dit de lui-même qu’il est la porte.
En fait, en disant de lui qu’il est la porte, Jésus est le comble du prêtre.
Il est la porte entre Dieu et les humains, et cette porte est ouverte. Elle ne se ferme jamais. Les croyants ont la possibilité de s’adresser directement à Dieu. Ils n’ont plus besoin de passer par l’intermédiaire du prêtre décrit par le Deutéronome.
En fait, c’est comme si chacun devenait prêtre. C’est ce que les réformateurs ont appelé le « sacerdoce universel ». Les chrétiens sont invités à prier les uns pour les autres. Cette prière est efficace directement. Elle n’a pas besoin d’être relayée par un prêtre spécialement désigné pour cela parce qu’il est de la lignée désignée ou parce qu’il a suivi une formation spéciale. Chacun peut le faire.
Et c’est même plus qu’une possibilité qui serait offerte. C’est une responsabilité que nous avons de vivre la présence de Dieu entre nous, et aussi dans le monde.
C’est par nous, malgré nos défauts et malgré nos incapacités, que Dieu se manifeste dans notre monde.
Pour cela, nous avons le soutien constant de Jésus Christ, qui est porte ouverte vers Dieu, et de l’Esprit Saint, qui est la vie et la force de Dieu dans notre vie.
C’est dans le ministère de Jésus dans notre monde, dans sa mort et sa résurrection que se sont déjà réalisées ces paroles de l’Apocalypse : « il a fait de nous les membres du Royaume de Dieu, il a fait de nous des prêtres, pour servir Dieu son Père. » (Ap 1,6)
Nous sommes invités à profiter de cette porte ouverte entre nous et Dieu. Nous n’avons plus besoin d’attendre que Dieu se manifeste à nous par l’intermédiaire de prêtres ou d’en solliciter pour cela.
Avec la vie que Dieu nous donne en Jésus Christ, nous pouvons nous mettre au travail. Nous avons la responsabilité de manifester la présence de Dieu dans notre monde.
Amen.