Culte du Samedi Saint, 3 avril 2021, Couvet, 17h30
Pasteur : Patrick Schlüter Lectrice : Francine Bütschi Orgue : Jean-Samuel Bucher
Lectures bibliques :
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Bienvenue !
Nous voilà réunis ici pour ce culte du Samedi Saint.
D’ordinaire, je devrais vous accueillir de la part de Dieu et du Seigneur Jésus-Christ comme dans chaque célébration.
Mais puis-je faire aujourd’hui à Samedi Saint ?
Ce ne serait peut-être pas prendre au sérieux ce jour qui est celui de l’absence ou au moins, celui du silence de Dieu. « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » a dit Jésus sur la croix.
Ce soir, entre vendredi et dimanche, prenons le temps d’être en samedi. Parole, silence et musique nous inviterons à explorer ce jour, à le prendre au sérieux pour notre foi, comme le fait ce texte d’un jeune de 19 ans qui peut résonner comme une prière qui ne sait plus bien à qui elle s’adresse :
Prière
De François, 19 ans
Je ne savais pas que tu pouvais mourir,
Mourir en moi.
Je ne crois plus en toi.
Il m’arrive même d’en rire.
Je t’avais pourtant aimé.
Tu m’aimais aussi: je le savais bien.
Maintenant, tu n’es plus rien.
Je t’ai même embaumé.
Il me reste pourtant un espoir
Que tu ne sois pas vraiment mort,
Ou qu’un autre Dieu naisse alors,
J’espère quand même te revoir.
Tu es mort, ce vendredi.
Dimanche peut-être viendra.
Mais le plus dur, tu vois,
C’est d’être en samedi.
Silence
Orgue
Prière pour tout remettre à Dieu :
Seigneur, nous sommes là, réunis tous ensemble en ce Samedi Saint. Nous sommes aussi présents, chacun et chacune avec notre vie et tout ce qui la constitue, de beau et de difficile, d’élan et de lourdeur, de lucidité et d’aveuglement.
Avec Jésus de Nazareth, mort hier, nous osons te demander « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
En t’interpellant sur ton absence, nous ne voulons pas nous contenter de celle-ci, mais rester présents dans la foi silencieuse. Peut-être Seigneur, ton absence est-elle silence pour nous appeler à aller plus loin, mais sans savoir où.
En restant avec Jésus, nous pouvons te confier nos vies comme elles sont, aussi dans ce qu’elles ont de plus sombres, car Jésus est maintenant avec nous au cœur de l’obscurité, au cœur de la mort-même.
Nous te confions notre impuissance face au mal, ces moments où nos vies ou celles de nos proches se déchirent, parfois jusqu’à avoir envie d’hurler, mais sans qu’un son ne puisse s’exprimer. Nous te confions nos questions face à la situation sanitaire, la crise écologique et les défis du monde et de nos vies.
Nous te confions nos lassitudes, nos complicités, notre indifférence, notre fascination-même face au spectacle du mal, de la haine, ou simplement du pouvoir.
Nous sommes présents, ô Dieu, dans la foi silencieuse, sans même savoir si nous croyons encore.
La Bible nous dit qu’au commencement, la terre était comme un grand tohu-bohu, à l’image de nos vies. C’était un abîme sombre et ton esprit planait au-dessus.
En ce Samedi, vas-tu parler Seigneur, pour donner sens et éclairer nos vies ?
Amen
Musique du chant n°33/18 « Splendeur et gloire sur la terre »
Lecture biblique : Psaume 22, 2-9
1ère méditation : le silence de Dieu
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Voilà que sur la croix Jésus exprime cette expérience humaine de la solitude et de l’abandon. Sa parole-même sur la croix est l’objet de moqueries. Le mal, la mort, la souffrance, voilà des raisons de ne pas croire en Dieu ou de plus croire en Dieu. Comment un Dieu d’amour, puissant et dont on dit qu’il veut le bien des hommes peut-il laisser le mal à l’œuvre, sur la terre, ou dans nos vies ?
Voilà ce que j’entends souvent comme motifs pour conclure que Dieu n’existe pas, est absent ou ne peut jouer aucun rôle dans nos vies. Et si je suis honnête avec moi-même, je peux confesser que cette expérience est aussi la mienne dans certains moments de ma vie.
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Par ces mots prononcés sur la croix, Jésus se place aussi dans la continuité de l’expérience de son peuple confronté à l’échec, à la perte d’autonomie politique, à l’exil, ainsi qu’à toutes les souffrances individuelles. Cette expérience est condensée dans les psaumes, ici celui qui porte le numéro 22.
Jésus porte toute la spiritualité d’Israël et la mène plus loin, au cœur de la mort-même de la manière la plus honteuse pour l’époque : la croix.
Ce qui est fort dans cette expérience, c’est que les mots évoquant l’abandon et l’absence de Dieu sont une prière qui refuse de se contenter de cela. On passe de l’absence de Dieu au silence de Dieu que l’on ne peut accepter :
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Et s’il fallait passer par le silence de Dieu pour laisser mourir nos illusions, nos fantasmes d’un Dieu magicien, au service de nos visées trop humaines ?
Et s’il fallait passer par le silence de Dieu pour naître à autre chose, découvrir une autre présence qu’on ne peut pas expliquer ?
Voici, Seigneur, face à ton silence, je fais, moi aussi, silence. Viens ou plutôt, fais-moi sentir que tu es déjà là !
Amen
Silence
Orgue
Lecture biblique : Luc 1, 76-79
2ème méditation : Jésus, solidaire avec nous
Nous venons d’entendre des mots de Zacharie, le père de Jean-Baptiste. Il les prononce juste après la naissance de son fils. Il vient en effet de retrouver la parole après l’expérience d’avoir été rendu muet pour n’avoir pas cru l’ange Gabriel qui lui annonçait la naissance de son fils Jean.
Zacharie vit une expérience difficile, sans mots. Une fois la parole retrouvée, il parle ainsi du messie à venir dont son fils sera le précurseur :
« Dieu a fait briller sur nous une lumière venue d’en haut, comme celle du soleil levant. Elle éclairera ceux qui vivent dans la nuit et dans l’ombre de la mort, elle guidera nos pas sur la route de la paix. »
Les chrétiens d’Orient ont médité le samedi Saint parlant d’une visite de Jésus dans le monde des morts pour y amener la puissance de la vie. Cela s’exprime sur les icônes, notamment celle de la résurrection. Par la mort et la résurrection de Jésus, la mort n’a plus le dernier mot. Le mouvement vers le bas de Jésus devient un mouvement vers le haut.
Avec la mort du Christ, Jésus, l’astre, la lumière venue d’en haut est descendue dans l’endroit le plus bas du monde, le monde des morts selon la représentation de l’époque. Ce qui semble être une défaite de Jésus, est en fait la victoire de la vie, réalisant les paroles de Zacharie.
« Dieu a fait briller sur nous une lumière venue d’en haut, comme celle du soleil levant. Elle éclairera ceux qui vivent dans la nuit et dans l’ombre de la mort, elle guidera nos pas sur la route de la paix. »
Comment cela se réalise-t-il ?
Dans certaines situations douloureuses, figées, bloquées, sans issue, comme la mort, la seule attitude possible, et ô combien difficile, est celle de la seule présence. Je suis là avec l’autre, sans pouvoir l’aider, sans pouvoir faire quoi que ce soit d’autre qu’être là.
Jésus est là, dans le plus sombre de nos vies, lui le fils de Dieu lui-même, totalement solidaire, totalement présent parce qu’il partage notre humanité dans ce qu’elle a de plus douloureux.
O Christ, toi l’astre d’en haut, tu es devenu le Très-Bas avec nous, victime silencieuse du mal et de la mort. Moi aussi je fais silence pour mieux sentir ta présence.
Amen.
Silence
Musique du chant n°33/20 « Jésus est notre ami suprême »
Lecture biblique : Mc 14, 27-31
3ème méditation : Ouverture vers Pâques
Samedi Saint, c’est l’espace entre Vendredi Saint et Pâques pour prendre au sérieux tout le parcours du Christ, toute l’épaisseur de notre vie humaine.
C’est le temps pour laisser nos illusions, reconnaître notre faiblesse, faire place à la puissance vivifiante de Dieu, non pas la puissance dont nous rêvons, mais la puissance de l’amour véritable, du don, de la cohérence.
Jésus, le Fils de Dieu est venu habiter notre humanité jusque dans la mort pour la transformer de l’intérieur, et non pas en surface.
Il faut bien un samedi pour cela, un sabbat, un jour à part, une nouvelle Pâques, pour ce passage de la mort à la vie, comme Israël est passé de l’esclavage à la liberté.
Il faut bien une vie humaine pour saisir ce que l’amour de Dieu a opéré ces 3 jours-là.
Peut-être que notre monde est comme en Samedi Saint, entre vendredi et Pâques.
Les forces de vie et de résurrection sont à l’œuvre, de manière invisible, dans le monde et dans nos vies.
Osons rejoindre le silence de ce jour-là pour en prendre la mesure et saisir toujours cette résurrection à venir !
O Dieu trois Saint, viens habiter notre silence et accomplir ton œuvre de vie en nous selon ta promesse !
Amen.
Silence
Orgue
Prière d’intercession :
De Francine Carillo
Au bout de l’horreur,
il est un pays que la lumière n’atteint plus.
Sous le ciel plombé par la haine,
l’horizon est parti en lambeaux,
et demain n’y ressemble plus à rien.
Dans les rues labourées de silence
un visage de femme,
– un seul, mais qui remplit l’univers –
se tient en agonie jusqu’à la fin des temps.
Souffrance sans nom, cri sans appel,
déchirure à jamais de tout ce qui fut vivant.
A l’insoutenable de ce regard
qui en résume tant d’autres,
nous mesurons, Seigneur,
l’abîme de notre impuissance
qui en résume tant d’autres elle aussi.
Et c’est de là que nous te parlons ce soir,
de ce lieu inconfortable
où notre culpabilité prend si facilement racine,
de ce lieu de notre incapacité radicale
à réparer la vie qui va mal.
De là, nous t’apportons nos questions, nos révoltes,
nos lassitudes et nos peurs pour demain aussi.
Et de te parler ouvre déjà en nous
un espace invisible à l’œil nu,
mais vibrant d’une présence
dont nous retrouvons peu à peu la mémoire :
Jésus, l’humilié de tous,
les mains ouvertes sur le bois de la croix
pour barrer la route aux démons de la terre.
Par lui, avec lui et en lui,
tu nous donnes, Seigneur, de retrouver
à travers les buissons de notre impuissance
l’élan et la joie de l’humilité
qui est de dire non pas « je ne peux rien »
mais « je crois, viens au secours de mon manque de foi ».
Par lui, avec lui et en lui,
tu ravives en nous l’énergie de demeurer veilleurs du bien sur le coin de terre qui est le nôtre.
Forts de cet élan, nous intercédons maintenant
Dans le silence de nos cœurs pour tout ceux et celles qui comptent sur notre prière et notre affection :
Silence
O Christ, souviens-toi de nous quand tu viendras dans ton règne, apprends-nous toi-même à prier :
Notre Père qui es aux cieux
que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite
sur la terre comme au ciel …
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.
Pardonne-nous nos offenses
comme nous pardonnons aussi
à ceux qui nous ont offensés,
et ne nous laisses pas entrer en tentation,
mais délivre-nous du mal,
car c’est à toi qu’appartiennent
le règne, la puissance et la gloire,
pour les siècles des siècles.
Amen
Musique du chant n°33/16 « Jour de douleur »
Bénédiction
En ce samedi Saint, recevez la bénédiction de Dieu :
Dieu le Père se donne à rencontrer dans le bruissement d’un léger silence.
Jésus le Christ est avec nous en plein cœur de notre humanité, aussi comme le compagnon silencieux de tous ces moments qu’aucun mot ne peut exprimer.
L’Esprit de Dieu, puissance de vie, plane sur tous nos abîmes, pour accomplir cette parole originelle : « Que la lumière soit ! »
Amen