Appelés à être des fils bien-aimés et des filles bien-aimées de Dieu – Prédication des 9-10 janvier 2021

Samedi 9 janvier 2021, Couvet 17h

Dimanche 10 janvier 2021, Fleurier 10h

Prédication de Patrick Schlüter

Textes bibliques :

Prédication sur : « Appelés à être des fils bien-aimés et des filles bien-aimées de Dieu

Voilà une nouvelle année qui commence, avec d’un côté la promesse d’une nouveauté et l’espérance d’un avenir meilleur et de l’autre côté, de multiples questions et craintes face au défi du monde et de nos vies.

Au moment où j’ai préparé ce message, je suivais avec attention les événements aux États-Unis avec les violences au Capitole. Ce qui m’interpelle, c’est la division et les points de vue apparemment totalement irréconciliables sur la réalité elle-même, à tel point que cela donne l’impression que les personnes ne vivent pas dans le même monde !

Les plaies à panser sont profondes aux États-Unis, mais ces questions concernent aussi nos démocraties, plus fragiles que nous ne le pensons souvent. La division est aussi chez nous et les théories du complot ont aussi leurs adeptes dans notre pays, notamment autour de la pandémie de COVID-19 et de la vaccination.

Aujourd’hui, dans beaucoup de domaines, pour certaines personnes, la conviction semble avoir plus d’importance que les faits eux-mêmes. Tout tend à devenir croyance, des croyances à mettre toutes au même niveau. Ce phénomène qui existe depuis longtemps s’est considérablement accentué avec les réseaux sociaux qui permettent à des points de vue de toute sortes, même fantaisistes et dangereux de s’exprimer. Cet éclatement des opinions qu’on ne peut pas réconcilier me trouble beaucoup.

Ceux qui me connaissent le savent : je ne suis pas du tout un adepte du président Trump et des théories du complot. J’aime utiliser ma raison et réfléchir solidement, dans la plupart des domaines de ma vie. Je suis aussi chrétien et ma foi me donne un regard sur le monde. La foi, c’est d’abord la relation à Jésus-Christ, mais c’est aussi une croyance, un point de vue, une opinion, un regard sur le monde. Je dois constater que les croyants sont aussi divisés dans leurs opinions, ici ou ailleurs.

La question du regard sur le monde que donne la foi est au cœur des textes bibliques proposés pour ce dimanche :

Au début de l’évangile de Marc, après son baptême, Jésus voit le ciel s’ouvrir et l’Esprit Saint descendre sur lui comme une colombe. Une voix se fait entendre du ciel : « Tu es mon fils bien-aimé ; je mets en toi toute ma joie. » (Mc 1, 10-11).

Dans la 1ère lettre de Jean, celui qui croit que Jésus est le Christ nait de Dieu et est vainqueur du monde par la foi. (1 Jean 5, 1-9).

La première lettre de Jean essaie d’exprimer le mystère de Jésus-Christ, vrai homme et vrai Dieu, baptisé d’eau et mort en versant son sang sur une croix. Par lui, l’Esprit de Dieu peut habiter les croyants et leur permettre d’aimer à l’image de Dieu. Ainsi, au cœur de tous les aléas du monde, le croyant est déjà vainqueur par la foi. Dieu habite sa vie par le moyen de l’amour, car Dieu est amour. Ainsi, la vie prend du sens. Cela, c’est la vie éternelle, dès maintenant, même si l’accomplissement reste encore à venir. Dès maintenant, par Jésus-Christ, nous sommes enfants de Dieu, filles bien-aimées et fils bien-aimés, à la suite de Jésus.

La 1ère lettre de Jean s’oppose à des adversaires qu’il est difficile de caractériser précisément. Peut-être que ce sont des personnes qui s’opposaient à l’incarnation du Christ et proposaient un chemin initiatique pour arriver au salut. Jean rappelle qu’en Jésus-Christ, tout est donné, que le chemin est ouvert et qu’il suffit de s’abandonner à l’amour de Dieu, puis de suivre la voie du Christ.

Jean veut tenir ensemble Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme. Il parle de 3 témoins : l’eau, le sang et l’Esprit Saint. Il y a une évocation qui peut être celle du baptême et de la mort du Christ, deux moments où l’Esprit Saint était présent. Jésus est à la fois celui qui est pleinement le Fils de Dieu dans la gloire et à la fois, celui qui meurt sur la Croix pour dire l’amour ultime de Dieu.

Pour croire cela, l’Esprit Saint est donné. C’est l’Esprit qui permet la foi, même la plus petite, même le premier pas, si petit soit-il, sur le chemin ouvert par le Christ.

J’aime cette idée de témoignage qui est évoqué par Jean, parce que notre foi a besoin de s’appuyer sur quelque chose pour avancer. Le témoignage, c’est le destin du Christ, c’est sa présence dans nos vies, ce sont les sacrements du baptême et de la Sainte-Cène qui peuvent être évoqués derrière l’eau et le sang. Le témoignage, c’est l’amour vécu au-delà de tous les défis dans la communauté chrétienne, ce sont les signes d’amour et de solidarité dans le monde. C’est là que Dieu se tient et nous rejoint dans nos vies. C’est le chemin de cette victoire de la foi dont parle Jean.

Pour moi, cette victoire du croyant dont parle Jean n’est pas un triomphalisme ou une arrogance qui me donnerait raison à tout prix. C’est la victoire de l’amour, plus fort que le mal et la mort. Me savoir aimé et rejoint par Dieu en Jésus-Christ, me libère face à tous les autres pouvoirs du monde. Cela me permet d’aimer, et quand c’est trop difficile ou même impossible, de confier l’autre à Dieu, parce que ma foi m’interdit de l’enfermer dans l’image que j’ai de lui. Je crois profondément que le devenir ultime de chaque être humain est d’être un enfant de Dieu, dans la plénitude de ce qu’il est appelé à être, dans ce qu’il a de meilleur, même si je ne le vois pas, même au-delà du mal qu’une personne peut faire.

Ce regard que ma foi m’invite à poser sur chaque être humain, ce n’est pas de la naïveté, c’est un chemin à suivre, celui du Christ qui a affronté le mal et l’endurcissement, jusqu’à en mourir sur la croix. Mystérieusement, mais bien réellement, je crois qu’il est vainqueur du mal.

Les manifestations violentes à Washington m’ont fait penser à d’autres manifestations, pacifiques cette fois-ci. En 1963 eut lieu la marche sur Washington durant laquelle Martin Luther King prononça son discours « I Have a Dream », « je fais un rêve ». C’est un regard sur le monde parmi tant d’autres qui s’expriment aujourd’hui. Ma foi et mon intelligence me disent qu’il est inspirant, bien plus que d’autres choses que nous entendons. Je vous en lis la conclusion :

« Quand nous permettrons à la cloche de la liberté de sonner dans chaque village, dans chaque hameau, dans chaque ville et dans chaque État, nous pourrons fêter le jour où tous les enfants de Dieu, les Noirs et les Blancs, les Juifs et les non-Juifs, les Protestants et les Catholiques, pourront se donner la main et chanter les paroles du vieux Negro Spiritual : « Enfin libres, enfin libres, grâce en soit rendue au Dieu tout puissant, nous sommes enfin libres ! »

Amen.