Célébrants : Père Charles Olivier Owono Mbarga & pasteure Véronique Tschanz Anderegg / Musique : Jean-Samuel Bucher / Lecture et service : Rosemarie Fragnière
Prédication sur les textes bibliques suivants :
- Jonas 3, 1-5.10
- Marc 1, 14-20
« Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s’est approché : convertissez-vous et croyez à l’Evangile. » (Mc 1, 15)
Jonas 3, 1-5.10 ( Traduction officielle liturgique de la Bible)
La parole du Seigneur fut adressée de nouveau à Jonas : « Lève-toi, va à Ninive, la grande ville païenne, proclame le message que je te donne sur elle. » Jonas se leva et partit pour Ninive, selon la parole du Seigneur. Or, Ninive était une ville extraordinairement grande : il fallait trois jours pour la traverser. Jonas la parcourut une journée à peine en proclamant : « Encore quarante jours, et Ninive sera détruite ! » Aussitôt, les gens de Ninive crurent en Dieu. Ils annoncèrent un jeûne, et tous, du plus grand au plus petit,
se vêtirent de toile à sac. En voyant leur réaction, et comment ils se détournaient de leur conduite mauvaise, Dieu renonça au châtiment dont il les avait menacés.
Marc 1, 14-20 ( Traduction officielle liturgique de la Bible)
Après l’arrestation de Jean le Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. » Passant le long de la mer de Galilée,
Jésus vit Simon et André, le frère de Simon, en train de jeter les filets dans la mer, car c’étaient des pêcheurs. Il leur dit : « Venez à ma suite. Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes. » Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent. Jésus avança un peu et il vit Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient dans la barque et réparaient les filets. Aussitôt, Jésus les appela. Alors, laissant dans la barque leur père Zébédée avec ses ouvriers, ils partirent à sa suite.
Prédication
I. Le salut de Dieu pour tous les hommes part de Galilée, aux frontières du monde païen
Chers frères et sœurs,commençons par souligner l’importance du contexte dans lequel Jésus entame sa mission. Ceci se passe après l’arrestation de Jean-Baptiste par la police d’Hérode, qui marque la fin de la mission du Précurseur. La mission de Jésus fait donc suite à celle de Jean, mais ce dernier prononce les mêmes termes que le Précurseur : « proclamer », « conversion ». Dans les lignes qui précèdent, Marc écrit : « Jean le Baptiste parut dans le désert, proclamant un baptême de conversion… » ; dans le texte que nous avons écouté, il écrit : « Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ; il disait : Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. ».
Le lieu où Jésus va commencer sa prédication est très significatif : il part pour la Galilée ; comme quoi, la Bonne Nouvelle de la venue du Règne de Dieu vient de Galilée, alors que pour tout bon Juif authentique, rien de bon ne pouvait venir de Galilée !Rappelons à cet effet la remarque de Nathanaël lorsque Philippe lui annonce avoir rencontré « Celui dont il est écrit dans la loi de Moïse et chez les Prophètes… » (Jean 1, 45-46) La morale, c’est que les critères de choix de Dieu, ses décisions, son appréciation des faits et de la réalité diffèrent des nôtres. Le Salut de Dieu est justement offert à des lieux et aux personnes les plus douteux ou les moins méritants selon nos critères de jugement !
C’est sans doute ce que nous apprenons aussi de la première lecture de ce dimanche, tirée du livre de Jonas : pourquoi envoyer un prophète israélite prêcher en pleine terre païenne, aux pires ennemis d’Israël ? L’attitude de refus de Jonas en dit long sur les jugements que nous nous faisons parfois sur les autres, souvent raisonnables et logiques, quitte à prendre le risque de nous opposer à la volonté et aux choix de Dieu. La prédication de Jonas à Ninive et la conversion radicale des ninivites nous apprennent que Dieu veut le salut de tous les hommes et non pas seulement du seul peuple élu et de quelques privilégiés. Son amour vaut pour tous ses enfants et il suffit d’un mouvement, d’un geste de leur part pour que son amour et son pardon se déploient.
II. « Le temps est accompli, le Règne de Dieu s’est approché » : l’urgence de la conversion
Jésus commence à peine sa vie publique et il introduit sa prédication par cette interpellation à ses contemporains : « Le temps est accompli, et le règne de Dieu s’est approché… ». Le temps est accompli pour Jésus signifie que son message, sa prédication et sa mission tout entière s’insèrent dans l’histoire, dans le même projet de salut de Dieu, commencé depuis l’ancienne alliance. Mais l’appel décisif de Jésus fait aussi comprendre que l’heure de l’accomplissement des promesses de Dieu préparée et annoncée par les prophètes de l’ancienne alliance a sonné. C’est en effet à travers sa propre personne que le Règne de Dieu s’est approché des hommes. L’initiative du rapprochement de ce Règne vient de Dieu, mais il faut qu’il soit accueilli par les hommes, d’où l’appel à la conversion ; c’est-à-dire un changement total de notre cœur, une transformation totale de notre vie, une décision radicale d’accueillir Dieu dans notre vie. Nous l’avons appris des habitants de Ninive, qui du plus grand aux plus petits, ont répondu spontanément à cet appel en changeant radicalement d’attitude. Les ninivites deviennent donc le symbole de tous ceux qui écoutent l’appel du Seigneur à la conversion et qui acceptent que Dieu bouleverse leur vie, qu’Il s’y installe et qu’Il y règne. C’est le début d’une aventure qui n’est pas d’un jour, d’un dimanche, d’une période de quelques mois, ou d’une année… C’est une aventure qui dure toute la vie, comme celle des disciples que le Christ appelle à le suivre dans l’évangile de ce dimanche.
III. « Venez à ma suite, et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes » : l’urgence de l’annonce de la Bonne Nouvelle
Face à la présence du Règne de Dieu matérialisé par la personne même de Jésus, correspond l’urgence d’une conversion qui n’est autre que l’accueil de la Bonne Nouvelle du salut, c’est-à-dire l’accueil de sa Parole. A cette urgence, correspond aussi l’urgence de l’appel de disciples que Jésus entend transformer en pêcheurs d’hommes, qui devront poursuivre la mission de leur Maître et Seigneur.
A l’urgence de l’appel lancé par Jésus, correspond aussi l’urgence d’une réponse radicale, qui changera totalement leur vie. C’est le sens étymologique même du mot conversion : la metanoia, c’est-à-dire un changement total et profond du cœur ; une transformation complète de la vie ; une décision radicale d’embrasser Dieu et de rester avec Lui tout le long de la vie sur terre. Une telle décision, chers frères et sœurs, signifie que le mystère de Jésus devient le principal projet de notre vie et notre clé d’interprétation du sens de la vie dans notre monde d’aujourd’hui.
C’est cela être chrétiens, c’est-à-dire être l’Église, qui ne doit exister qu’en Jésus et avec Jésus pour amener ou ramener à Dieu les hommes et les femmes qui ne le connaissent pas ; et ils sont plutôt nombreux !
Frères et sœurs, l’urgence de la mission de l’Église aujourd’hui se pose comme aux premiers siècles, mais nous savons que le visage de l’Église aujourd’hui n’est pas du tout le même qu’aux premiers siècles de son existence. Les hommes changent, les sociétés aussi ; les cultures humaines aussi : mais Jésus est le même ; son message reste le même et garde la même vitalité au long des siècles. Si nous voulons toucher le cœur des hommes d’aujourd’hui, ce n’est pas en leur servant ce qu’ils peuvent déjà eux-mêmes s’offrir : c’est en leur présentant Jésus. Cela exige que nous soyons nous-mêmes avec Lui, unis à lui et fidèles à sa Parole. Cela signifie que toutes nos questions profondes sur la vie humaine – la source de la vie, le sens de la vie, l’objectif de la vie, la direction à suivre, le but et l’espoir – tout cela trouve réponse dans la seule personne de Jésus.
En conclusion mes frères et sœurs, prier pour l’unité des Chrétiens, c’est surtout nous questionner aujourd’hui sur notre fidélité à Jésus, à son message et à l’intention fondatrice de l’Église.
Terminons cette méditation par un questionnement qui peut être source de la sagesse, parce qu’il nous pousse à rentrer au tréfonds de nous-même. Osons encore nous demander pourquoi existons-nous comme chrétiens ; est-ce le monde qui doit déterminer le sens de notre être chrétiens ou Jésus ? Sommes-nous encore des pêcheurs d’hommes ou nous nous contentons juste de vivre pour nous-mêmes ? Que faisons-nous du message d’amour de Jésus ? Est-ce que nous y croyons vraiment ? Est-ce que nous le vivons nous-mêmes ? Est-ce que nous essayons de le mettre en pratique dans notre communauté et autour de nous, dans notre milieu de vie malgré nos faiblesses et nos fragilités ? Où en sommes-nous aujourd’hui ? Pourquoi l’Église peine-t-elle à délivrer aujourd’hui toute la puissance d’amour, d’action et toute la lumière que Jésus a mises en ELLE ?
Poursuivons la méditation chacun dans son intimité profonde, mais aussi en tant que communauté vivante, chargée de pêcher aux hommes la Parole du Royaume de Dieu ; un Règne qui se veut déjà présent dans notre monde, car Jésus Christ notre Seigneur a promis d’être avec nous « tous les jours, jusqu’à la fin des temps » (Matthieu 28, 20).
Père Charles Olivier Owono Mbarga