Tu es humain comme moi – culte du 9 mai 2021, Noiraigue

Prédication de David Allisson – lien pour télécharger le texte en format pdf

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Que notre joie soit la joie complète que le Seigneur met en nous pour la vie.

C’est le Seigneur vivant qui nous accueille. C’est sa vie créatrice et recréatrice que nous respirons au lendemain de Pâques, la fête de la vie.

Christ est ressuscité.

Il est vraiment ressuscité.

Alléluia !

Lecture de la Bible

Actes des Apôtres 10, 25-26.34-35.44-48

1 Jean 4,7-10

Jean 15,9-17

Prédication

de David Allisson

Mes chers amis, aimons-nous les uns les autres, car l’amour vient de Dieu. 1 Jean 4,7

Dieu est amour. 1 Jean 4,8

L’amour, c’est la base. Et Dieu en est la source.

Et pourtant tout ne coule pas de source.

Comment cela se fait-il que les discussions des campagnes politiques ressemblent à des passes d’armes, même quand les observateurs disent que les débats sont ternes ?

Comment cela se fait-il que la guerre soit présente dans tellement d’endroits du monde qu’il devient difficile d’en faire la liste ?

Comment cela se fait-il que des éclats de voix se font régulièrement entendre chez le couple voisin de palier ?

Comment cela se fait-il que nous soyons appelés régulièrement à la prudence et à la méfiance vis-à-vis des étrangers, des voleurs, des violents, des pauvres, des riches et j’en passe ?

Comment cela se fait-il que l’on s’oppose au mariage pour certains couples qui aimeraient vivre leur union de cette façon ?

Comment cela se fait-il qu’on oublie si souvent l’existence des naufragé·e·s morts en méditerranée parce qu’ils·elles cherchent un refuge loin de chez eux et loin des conditions invivables qui s’y sont installées ?

Si Dieu est amour, il doit l’être aussi pour ces blessés, ces victimes, ces malheureux, ces égoïstes, ces agresseurs, ces amoureux.

Et cela me fait du bien que les textes proposés aujourd’hui pour la lecture de la Bible rappellent cet amour et nous invitent aussi à un arrêt au chapitre 10 du livre des Actes des Apôtres. Avec Pierre et Corneille, reconnaissons-le : je suis un être humain, moi aussi.

[…]

Je suis un être humain, moi aussi.

La traduction en français courant décrit Pierre qui dit à Corneille se prosternant devant lui « Lève-toi, car je ne suis qu’un homme, moi aussi. » Actes 10,26

Je ne suis qu’un homme. Cela m’a dérangé dès la première lecture. Pourquoi est-ce que être un homme implique-t-il de se dévaloriser pour être seulement un homme ?

Et d’ailleurs, l’original grec met vraiment l’accent sur l’humanité, sans la dévaloriser. L’idée de base est que si l’on se prosterne devant Dieu ou un homme divin, Corneille n’a pas à le faire devant Pierre : je suis, moi aussi, un être humain. Sous-entendu : ne me prends pas pour Dieu ou un être divin.

Moi aussi, je suis un être humain.

Toi aussi, tu es un être humain.

Cela me rappelle la chanson de Jacques Brel Le bon Dieu :

Toi, si tu étais le bon Dieu, tu ferais valser les vieux aux étoiles.

Toi, si tu étais le bon Dieu, tu allumerais des bals pour les gueux.

Toi, si tu étais le bon Dieu, tu ne serais pas économe de ciel bleu.

Mais tu n’es pas le bon Dieu. Toi, tu es beaucoup mieux : tu es un homme.

On pourrait discuter longtemps de savoir s’il vaut mieux être Dieu, un homme, une femme ou autres.

L’invitation de la chanson est la même que l’invitation du texte biblique : tu es humain·e et assume ta condition. Un être humain n’est pas fait pour se prosterner devant un autre être humain. Il n’est pas fait non plus pour l’exiger de quiconque. Deux êtres humains sont faits pour être des vis-à-vis.

Pierre fait un long discours dans ce chapitre du livre des Actes des Apôtres. Peut-être bien qu’il allait orienter son discours comme on pourrait l’attendre vers une invitation à reconnaître sa faiblesse devant Dieu et à mettre sa confiance en lui. Mais il n’a pas le temps de le faire.

Alors qu’il allait inviter ses auditeurs à faire un pas vers Dieu, Pierre est interrompu : Pendant qu’il parlait encore, le Saint-Esprit descendit sur tous ceux qui écoutaient son discours. Actes 10,44

Le Saint-Esprit prend tout le monde par surprise. Il vient vers tous ceux qui écoutaient. Il ne se contente pas de celles et ceux qui avaient déjà été désignés. Il ne choisit pas les uns plutôt que les autres parce qu’ils auraient été choisis. Les croyants d’origine juive ont vu comme les autres ce qui était en train de se passer et ils en ont été stupéfaits.

En effet, les Juifs étaient le peuple élu. Leur nation avait été choisie parmi toutes les nations. Et voilà que le Saint-Esprit donné par Dieu ne leur est pas réservé. Le Saint-Esprit donné par Dieu se répandait aussi sur des non-Juifs.

Alors, comment se fait-il que nous soyons nous aussi encore stupéfaits quand cela se produit ?

Quand deux hommes s’aiment, ou deux femmes, et vivent leur confiance en Dieu et même demandent sa bénédiction pour leur union, nous sommes stupéfaits et nous préférerions n’en avoir pas entendu parler.

Quand nous entendons que des communautés religieuses demanderont peut-être la reconnaissance de l’État de Neuchâtel, nous voulons nous assurer par un vote populaire qu’ils en sont bien dignes.

Quand nous entendons Islam, nous pensons terrorisme et violence.

Quand nous entendons communautés évangéliques, nous pensons : « attention, risque sectaire ».

Nous nous sentons libres et très sûr de notre liberté et de notre équilibre. Et quand nous pensons qu’être protestants réformés nous protège de ces dérives qui font peur, nous faisons exactement ce que nous critiquons chez les autres. Nous écartons par principe ou dogmatisme. Nous choisissons de rester entre nous, bien séparés des autres et des menaces qu’ils représentent. Nous voulons trier le bon grain et l’ivraie. Nous voulons séparer les brebis et les boucs.

[…]

Le Saint-Esprit est donné par Dieu.

Il est temps pour nous de constater qu’il se répand aussi sur les personnes formant des couples de même sexe.

Il est temps pour nous de constater qu’il se répand aussi sur les membres d’autres religions et confessions. Et il se répand même sur des personnes sans confession.

Il est temps pour nous de constater que le Saint-Esprit se répand aussi sur les musulmans.

Il est temps pour nous de constater qu’il se répand aussi sur les évangéliques.

Et même : il se répand sur nous aussi.

[…]

Moi aussi, je suis un être humain.

Toi aussi, tu es un être humain.

C’est cela qui nous rassemble. C’est cela qui nous rend dignes de vivre et de respirer un même air. C’est notre humanité qui nous fait être des vis-à-vis les uns pour les autres.

Quand je parviens à la confiance que la quête spirituelle, humaine, la quête de sens de l’autre ouvre aux mêmes possibles que la mienne, je me trouve dans la position de Pierre qui demande à Corneille de se relever, à lui l’homme de pouvoir militaire étranger et d’une autre religion.

Moi aussi, je suis un être humain.

Toi aussi, tu es un être humain.

Voilà un chemin de joie. Voilà une joie qui nous rejoint pour devenir complète.

Jésus dit à ses amis : Je vous aime comme le Père m’aime. Demeurez dans mon amour. Si vous obéissez à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi j’ai obéi aux commandements de mon Père et que je demeure dans son amour. Jean 15,9-10

Et ces commandements sont condensés en un seul. Ces commandements sont rassemblés dans l’appel à aimer.

Ce que je vous commande, donc, c’est de vous aimer les uns les autres. Jean 15,17

Cet amour est une force spirituelle bien plus puissante que les feux de l’amour et autres feuilletons ou séries.

L’amour qui est à la source de notre vie et qui en devient le but, c’est une projection de la personne hors d’elle-même pour embrasser l’univers entier. (Mohammed Iqbal, cité par Abennour Bidar, L’Islam spirituel de Mohammed Iqbar, Albin Michel, 2017, p.85). C’est exigeant, c’est extrêmement élevé. C’est l’amour entendu et vécu comme empathie ou compassion universelle, très au-delà de sa manifestation courante comme attachement spontané à quelques êtres ou objets particuliers.

Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres. C’est pour nous aimer les gays, les lesbiennes, les musulmans, les sans religion, les chrétiens, les réformés, évangéliques, orthodoxes, les personnes qui partagent ma culture et celles que je ne comprends pas encore. C’est aimer les personnes et c’est aussi aimer le monde dans lequel nous vivons ensemble. Ensemble, nous embrassons l’univers entier.

Cela implique pour nous de savoir que nous sommes des vis-à-vis les uns pour les autres. L’Esprit-Saint qui se répand sur nous et sur nos vis-à-vis, c’est cela qui nous dit que nous vivons en lien et en humanité commune.

Cela nous demande de la confiance et parfois des explications réciproques. Cela nous demande de l’écoute et de la disponibilité à nous exposer.

Moi aussi, je suis un être humain.

Toi aussi, tu es un être humain.

Ce que je vous commande, donc, c’est de vous aimer les uns les autres. Jean 15,17

Amen