Vivre mais pour quoi faire?

Prédication de Zachée Betche — 8 septembre 2024

Textes: Psaume 117, 5-29; Romains 8, 22-23

Dans la trame de l’existence, la question qui par excellence se pose est celle du vivre. Vivre, dans toute sa splendeur en appelle à toutes sortes de situations que l’on peut imaginer: bonnes, moyennes, mauvaises, etc. C’est alors que l’on se tourne vers la poésie, vers l’expression profonde de l’âme, pour s’en servir de la façon la plus sincère, la plus intime.

Chers amis, frères et sœurs, la vocation des psaumes c’est avant tout d’élever l’âme, de l’orienter vers le transcendant, vers Dieu. Qu’il s’agisse des adorations, des louanges, des confessions ou des complaintes, les psaumes libèrent notre âme de ses serres et de ses carcans habituels.
Apprenons à les relire pour laisser éclore tous ces petits bonheurs qu’ils nous apportent. Lire un psaume est un moment choisi, un face-à-face avec nous-mêmes et par conséquent avec notre Créateur; celui qui nous donne ce souffle de vie dans tout son mystère.

Certes, nous sommes enclins à nous exprimer par rapport à ce qui nous habite de quelque façon que ce soit. Et comment donc vivre sans raconter ce que Dieu a fait pour nous? Comment rendre à celui qui nous a fait toute la gloire qui lui est due? Il ne me semble pas vraiment possible de vivre comme si nous n’étions pas précédés, comme si nous étions tombés d’un ciel imaginaire sans qu’un auteur ait été à notre origine ou ait instauré notre commencement. Nous sommes la réalisation d’un désir grand et comment donc ne pas rendre grâce ce Créateur!

Le psaume 117 est une liturgie, avec ses répons, pour la fête des Tentes. Soukkot est célébrée au début de l’automne et rappelle les 40 années passées au désert après la mémorable sortie de l’esclavage. C’est une fête joyeuse qui dure toute une semaine. Une semaine c’est le cycle complet de la création. C’est, pour finir, le cycle même de la vie entière. Car une semaine ne succède-t-elle pas à une autre et ainsi de suite?

Vivre s’inscrit dans cette succession ininterrompue de temps et n’est pas absolument pas une pratique fortuite. C’est toute une liturgie avec sa poésie, sa musicalité propre. Il nous revient donc, êtres vivants que nous sommes et véritables candidats à l’éternité, d’en rechercher ardemment le sens. Il s’agit de vivre pour en faire une fête et pas n’importe laquelle: une fête joyeuse et éternelle. C’est peut-être là une répétition, mais c’est bien cela toute la vie. Vaste programme donc qu’est le fait de conquérir la joie. Qu’il s’agisse du travail, de l’effort fourni au quotidien, de nos mouvements dans le temps et dans l’espace, de nos rencontres, nos rendez-vous hebdomadaires, etc…
La vie est faite dans le but de saisir la joie dans ce qu’elle a de signifiant pour l’existence humaine. Or, au quotidien, nous pouvons voir la main de Dieu. Du moins, en saisir les lueurs de sa présence. Il nous arrive des choses bonnes malgré la rudesse des temps et des saisons. Il nous arrive de réaliser qu’au-delà de ce que nous traversons, il y a ces traces divines que nous appelons ses bienfaits ou sa grâce. Vivons donc pour en saisir promptement et librement la présence. Vivons pour les compter et nous en réjouir comme le psalmiste. Telle est l’aspiration profonde qui nous habite.

L’épître aux Romains n’est pas à l’opposé de cette conviction puisque nous et la création dans son ensemble ne visons que la rédemption; cette apothéose tant attendue dont la joie présente ne représente que les prémices.
Qu’en est-il donc dans notre quotidien? Sommes-nous éloignés de cette joie ou en avons-nous l’audace qui consiste à croquer la vie à pleines dents? Le chrétien triste n’est-il pas quelquefois cette caractéristique que nous montrons au monde qui nous observe? Il n’est pas rare que nos complaintes viennent trahir ce qui fait l’essence même de la vie chrétienne: la joie. Ressaisissons-nous. Il faut la reconquérir.

La vie d’église aussi est appelée à signifier et à manifester cette joie qui est sa raison d’être. Est-elle si visible dans son quotidien? Ne sommes-nous pas quelquefois ce lieu d’austérité qui repousse et qui ne libère que très parcimonieusement ces «Alléluia» tant scandés par le psalmiste?

Vivre l’église risque pour nous de se résumer à cette réunionite interminable au risque de passer à côté de l’essentiel du message: la joie libérée des enfants de Dieu.

Frères et sœurs, redonnons à nos vies et à l’église leur véritable substance ou plutôt laissons la joie du Seigneur nous dévorer; laissons l’église vivre de son être plutôt que du diktat du faire. Vivons l’Église, car elle est une fête éternelle. Esprit de liberté et de vie, Esprit de Pentecôte viens parmi nous!

AMEN