Zachée Betche, pasteur
Matthieu 2, 1-12
Cela n’a visiblement l’air de rien : une indication qui pourrait être une déviation, une impasse, un sens interdit … L’automobiliste d’aujourd’hui en sait quelque chose. Y avait-il des travaux comme on en connaît sur nos routes et autoroutes ? Etait-ce une manifestation dans une localité de nos nombreuses campagnes ? Saurions-nous rester si immobiles ou décider de braver l’interdit qui se dresserait devant nous ?
Frères et soeurs, il y a certainement une bonne raison pour nous faire passer outre, pour nous éloigner de l’évidence que nous semblions alors maîtriser.
A travers ce texte, retournons à ces années oubliées, ces années si lointaines qu’elles semblent se présenter, pour nous gens de l’époque postmoderne, comme une mythologie surannée, amusante et sans épaisseur par rapport à nos préoccupations.
Voici que l’évangéliste Matthieu nous raconte la brève histoire de l’épiphanie qui s’achève par l’irruption de ce tracé modifié pour ces mages au sortir de leur visite auprès de l’enfant qui vient de naître. Le récit nous apprend qu’ils étaient venus d’orient, de loin pour tout dire, en suivant un itinéraire bien précis. Dans leurs bagages, quelques présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Trois cadeaux qui se déclinent respectivement comme symboles de seigneurie, de divinité et de mortalité humaine. Le ministère de Jésus est cristallisé en ces 3 éléments qui lui sont offerts : vrai homme, vrai Dieu, il est Seigneur.
Passé ces moments intenses d’adoration, ils doivent repartir. Le texte précise que l’itinéraire inverse, celui du retour de nos mages chez eux, subit une modification ; ceci afin de leur faire éviter l’obstacle hérodien et ses sbires armés, sûrs de leur coup. Le présence des rois mages n’est pas un événement qui pourrait ainsi passer inaperçu. Les services de renseignements sont en alerte maximum et il faut agir.
Mais le panneau indicatif qui oriente nos mages ne se retrouve pas placardé dans le décor, dans le paysage. Ce panneau qui les somme de changer de chemin est intérieur ; c’est une parole reçue dans l’intimité de la relation, par la voix privilégiée qui donne tout son sens au fait d’être véritablement croyant, ouvert à cette voix singulière de Dieu.
La venue au monde de Jésus est ourlée de surprises sur fond de tensions interminables. Un autre chemin, c’est tout un symbole. Si nos yeux se rivent simplement sur l’événement tel qu’il est décrit sans en saisir le sens profond, nous risquerions d’ignorer que le chemin, ce n’est point cette géographie ordinaire ou ce tracé qui serpente nos cités et nos campagnes.
La rencontre avec le petit enfant est en soi bouleversante. C’est ce qui la caractérise. Elle provoque une expérience, elle ouvre un horizon nouveau. Ce n’est pas un livre à lire, un savoir à mémoriser, etc. C’est une folie qui nous fait basculer et nous rend à la fois vulnérables aux yeux du monde dominant qui considère notre changement comme un affront, et qui est tout aussi une rencontre qui nous porte vers ce que nous ignorions, vers cette sécurité intérieure, cette sérénité profonde…
Chers amis, l’épiphanie est pour nous une naissance, un retournement du regard qui nous sort de nos évidences quotidiennes, nos certitudes qui composent avec la facilité. Et c’est bien dans nos coeurs que peut gronder l’orage ! Mais c’est tout aussi dans cette communication d’un tout autre ordre que Dieu nous avertit et continue de nous rassurer à tel point que nous nous mettons en confiance et pouvons disposer ce qui nous tient à coeur. Nous avons en souvenir que les mages offrirent comme présents de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Quelle magnifique preuve d’adoration ! Qui peut douter que ces derniers sont de loin des choses les moins inutiles. On ne donne pas n’importe quoi à un prince ou à un roi.
Mais ces choses auxquelles l’on tient par expérience, aussi glorieuses soient-elles, ne seraient-elles pas parfois nos fardeaux que nous chérissons ! C’est-à-dire des habitudes dont nous osons nous séparer, ces gestes par lesquels nous semblons nous conforter et qui font la guerre à notre âme …
Après les avoir déposés, après s’être vidé de ces choses auxquelles nous pouvons être liés, il nous faudra repartir de plus belle ! Sans crainte, sans inutilement nous emmêler les pédales ; car nos panneaux indicatifs intérieurs sont censés fonctionner avec l’aide de l’Esprit divin. Et s’il nous arrive de faiblir ou de tomber, désirons de nous relever en reprenant confiance. Oui il nous faut repartir de plus belle ! AMEN