Prédication par Florian Schubert


Luc 6
27 Mais je vous le dis, à vous qui m’écoutez : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent.


28 Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient.


29 À celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre joue. À celui qui te prend ton manteau, ne refuse pas ta tunique.


30 Donne à quiconque te demande, et à qui prend ton bien, ne le réclame pas.


31 Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux.


32 Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment.


33 Si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs en font autant.


34 Si vous prêtez à ceux dont vous espérez recevoir en retour, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu’on leur rende l’équivalent.


35 Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, car lui, il est bon pour les ingrats et les méchants.


36 Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux.


37 Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés.


38 Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. »


Chers paroissiens, chères paroissiennes,


Quel programme ! Jésus nous donne dans l’évangile de ce matin une tâche difficile : pardonner et faire du bien à ceux qui nous ont fait du tort et à ceux qui sont méchants avec nous. Comment vivre ce texte sans perdre tout respect de soi ? Il semble que ce qui nous est demandé c’est d’être toujours bon et de tout accepter quoiqu’on nous fasse. C’est vrai que lu à la lettre ce texte a quelque chose de très agaçant et peut-être êtes-vous aussi agacé par cette parole : Si on te frappe sur une joue tend l’autre ! Nietzsche, fils de pasteur, détestait ce genre de moral, où l’on nous apprend à faire le dos rond et à glorifier notre position de victime. C’est exactement ce qui l’a poussé dans l’athéisme, il ne voulait pas d’un Dieu qui demande de tendre l’autre joue. Alors pourquoi Jésus le fait-il ? Nous donne-t-il ce commandement pour excuser notre faiblesse ? Pas du tout : Il ne nous traite pas en faibles mais en forts dont il attend de pouvoir faire le premier pas. Il veut que nous renoncions à notre violence et à notre volonté de rendre pour nous ouvrir au mystère de l’autre. Je m’explique :
Celui qui frappe, celui qui prend le manteau de quelqu’un d’autre ou celui qui fait du mal à l’autre dit : Je suis plus fort, je vaux plus que toi, ma vie a tellement plus de valeur que la tienne que j’ai le droit de te prendre ce qui est à toi parce que j’en ai besoin. Celui qui agit mal impose un rapport de force et Jésus refuse d’entrer dans ce jeu : il nous rappelle que la vrai force n’est pas de pouvoir tout prendre mais de pouvoir renoncer à tout. Être libre ce n’est pas pouvoir se servir dans ce monde comme si tout nous appartenait et que tout était possible, mais être libre c’est pouvoir être soi sans avoir besoin de dominer, de voler et d’écraser l’autre. La liberté vient de l’assurance que notre valeur ne vient pas de ce que nous avons ou de ce que nous pouvons nous permettre, selon la logique plus je peux me permettre des horreurs sans être inquiété, plus j’ai de valeur, mais notre valeur vient de notre lien avec Dieu. Lui notre Père nous donne notre valeur, il nous dit qu’avec ou sans propriété et avec ou sans pouvoir, nous sommes ses enfants. Et c’est de cette filiation nous tirons la force d’affronter le mal, non en fuyant mais en y renonçant.


Pour faire grandir le salut dans ce monde, Jésus a besoin de nous et c’est pourquoi il nous demande, à nous qui l’écoutons, de rendre le bien pour le mal. Il ne nie pas que nous faisons face à des gens méchants et ingrats, mais il nous demande de regarder au delà de leur actes pour voir ce qu’eux-même ignorent : l’enfant de Dieu caché en eux. Il nous demande d’agir ainsi et de vivre notre vie les mains ouvertes, où on peut tout nous prendre, mais où nous pourrons aussi tout recevoir. Il nous demande de ranger notre calculette quand il s’agit de rapports humains : de ne pas calculer, réfléchir et investir dans les autres, mais de nous réjouir simplement de leur présence même quand celle-ci est désagréable. Il ne nous demande jamais l’impossible : juste d’aimer un peu plus que de raison. Car aimer c’est tout donner. Et comme toujours, Jésus ne prêche pas simplement, il vit ce qu’il dit, parce que si nous lisons attentivement ce texte, il n’y a qu’un seul qui l’ait vécu jusqu’à la mort : lui-même. C’est bien lui qui est toujours libre des jeux des autres, lui qui tend l’autre joue et lui qui miséricordieux comme son père est miséricordieux. Alors tirons en un encouragement : quand nous le pouvons vivons comme lui et partageons ainsi un peu de sa lumière. Amen