Les maladières étaient des établissements destinés à recevoir les malades atteints de la lèpre. Au XVe siècle, l’hospice construit au pied des rochers dans la région du Nid-du-Cro, hors des enceintes de la ville, a donné son nom aux vignes alentours. La léproserie reste active jusqu’au XVIIe siècle, et l’Église, alors catholique, y a eu sa part. Responsable de sa gestion, ce fut probablement dans le but d’augmenter les sources de revenus, essentiellement des aumônes et dons des corporations de la ville, de même que pour faire participer les lépreux au culte que l’on construisit en 1492 une chapelle à ses abords. Malheureusement, le curé et le vicaire prirent la mauvaise habitude de s’emparer des recettes, ils s’attirèrent à ce titre les plaintes du Conseil de Ville.
La chapelle est fermée en 1530 lors de la réforme religieuse et les offrandes pieuses cessent en même temps. Les pasteurs continuent cependant à prendre part à son fonctionnement et reçoivent le « serment du lépreux » que les malades devaient prêter, jurant notamment de ne pas toucher à une poignée de porte, de ne pas se mêler aux « gens sains », de ne pas s’éloigner de la maladière et autres promesses avilissantes. Ainsi, tout lépreux « marchera incontinent sur son crachat, lorsqu’il l’aura jecté et le couvrira et l’effacera le mieux possible, à ce que personne par mesgarde ne passât à pied nud dessus »… Heureusement, les conditions des malades s’améliorèrent quelque peu les siècles suivants, jusqu’à la disparition de la maladie sur le territoire neuchâtelois. Le XVIIe siècle ne présente plus que quelques cas isolés. La chapelle comme la léproserie ont disparu aujourd’hui, mais elles ont donné leur nom à la rue et au quartier, au stade… et à la chapelle actuelle.
La chapelle de la Maladière est le premier édifice du culte catholique construit à Neuchâtel. Elle est bâtie en 1827-1828, d’après les plans de Frédéric de Morel, intendant des bâtiments de l’État sur un terrain offert par le conseiller d’État Louis de Pourtalès. Selon un accord entre les Quatre-Ministraux et le Conseil de Ville, elle ne comporte pas de cloche pour l’appel à la messe… Premier édifice catholique depuis la Réforme, elle doit rester discrète. Extrêmement modeste à l’origine, elle doit être agrandie entre 1855 et 1861 des deux ailes au midi, ce qui lui vaut une extension de sa façade et son apparence actuelle avec ses quatre hautes fenêtres en plein cintre.
Placée à la limite des terrains de l’hôpital Pourtalès, la chapelle se dresse en bordure de route. La façade sud est de composition néo-classique. Quatre pilastres cannelés encadrent la porte à entablement, surmontée d’une fenêtre à fronton. La frise à triglyphes du couronnement est légèrement débordée par un fronton triangulaire orné de lourds denticules. Pour établir un lien entre la façade de la nef et celles plus basses des deux ailes, on construit des murets tenant lieu d’ailerons. La galerie de l’orgue forme un vestibule.
Le volume de la salle en impose du fait de son dispositif d’éclairage tout à fait inusité à Neuchâtel : il n’y a pas d’ouvertures dans les murs jusqu’à six mètres au-dessus du sol où sont percées des fenêtres en forme de demi-cercle, trois par côté, à l’origine des voûtes à pénétration du plafond. À la suite de la construction de l’église Rouge, actuel lieu de la communauté catholique, la chapelle devient propriété de l’hôpital Pourtalès en 1903. Elle est d’abord louée par la paroisse réformée, et finalement acquise en 1946 ; elle est toujours propriété de notre Église réformée aujourd’hui.
La restauration de 1948 entreprise par la paroisse de Neuchâtel a pour but de la rendre « plus protestante » et fait disparaître presque complètement l’ancien décor peint en trompe-l’œil. Son unique cloche actuelle lui est offerte par la paroisse de Corcelles à cette occasion. L’annexe qui comprend une grande salle avec cuisine et un sous-sol avec sanitaires est ajoutée en 1971-73. Une seconde restauration intervient en 1981, et, en 1988, on fête l’inauguration d’un nouvel orgue financé en partie par la Fédération des Paroisses de la Ville, les paroissiens et divers donateurs extérieurs : un temps fort de la vie des fidèles en cette fin de XXe siècle.
Principales sources: Jean Courvoisier, Les monuments d’art et d’histoire du canton de Neuchâtel , t. I, La ville de Neuchâtel, Bâle, Birkhäuser, 1955; Dr. Guillaume, Les Maladières du canton de Neuchâtel, Bulletin de la Société des Sciences naturelles, t. VI, 1864 ; Fernand Loew , La Maladière de Neuchâtel, Musée neuchâtelois, 1969.
Chaleureux remerciements à Elisabeth Studer qui a revu ses archives personnelles pour fournir de précieux renseignements sur la vie et les rénovations de la Chapelle de la Maladière dans la deuxième partie du XXe siècle.