Prédication d’Isabelle Ott-Baechler – Valangines – 8 décembre 2024
Lectures
Voici deux extraits. L’un tiré du Psaume 94:
Dieu juste, il est temps que tu viennes, il est temps que tu apparaisses. Viens citer le monde en justice, traîne-le à ton tribunal.
Les laisseras-tu triompher ceux qui piétinent le bon droit? Ils se vantent devant les autres; ils sont fiers de leurs mauvais coups. Vois à quel point ils nous écrasent; jusqu’où, sans honte, ils nous exploitent (…)
L’autre du Psaume 73:
J’ai failli douter, et un peu plus je renonçais. J’ai envié les gens sans foi, j’ai jalousé les sans scrupules. Ils sont quittes de nos soucis. Ils prospèrent de tous côtés. Regarde les tout pleins d’orgueil et d’arrogance: leur corps s’engraisse d’égoïsme, leur cœur s’enfle de vantardise. Ils rient de leurs mauvais coups. Dieu ne leur fait pas peur.
Voilà ce que dit l’apôtre Paul aux paroissiens de Corinthe. Il compare leur vie à une construction dont le fondement est le Christ ressuscité. Nous lisons dans la 1re lettre aux Corinthiens, chapitre 3, les versets 12 à 15:
Si quelqu’un bâtit sa vie sur le fondement avec de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, du bois, du foin ou du chaume, l’œuvre de chacun sera mise en évidence. Un effet, le jour du Jugement la fera connaître, car elle sera révélée par le feu et le feu prouvera ce que vaut l’œuvre de chacun. Si l’œuvre de quelqu’un demeure, il recevra un salaire. Si son œuvre est consumée, il en subira le dommage, mais lui sera sauvé, comme à travers le feu.
Des mots, des images qui nous mettent mal à l’aise
Jugement: un mot tellement chargé, ressenti comme une menace, un mot incandescent, qui réveille parfois un fort sentiment de culpabilité; évoquer le Jugement, le Jugement dernier, c’est se retrouver comme un gamin devant un adulte qui va nous punir!!!
Ces tympans d’églises, magnifiques et terribles, séparant les bons des méchants… des images qui mettent mal à l’aise, et provoquent en moi des sentiments partagés.
Les foudres du Jugement dernier ont trop souvent été utilisées pour faire peur, par des personnes ou des systèmes qui souhaitaient asseoir leur pouvoir.
Jugement: sans compter que nous abritons en nous un terrible tribunal, avec le plus féroce des juges. Bien des gens appellent ce juge Dieu. Mais le juge le plus impitoyable de notre vie, ce n’est pas l’autre, mais c’est nous-mêmes. Nous sommes rarement à la hauteur de ce que nous avions imaginé ou espéré. Alors surgissent les scrupules dévorants, les éclairs brûlants de nos critiques sur nous-mêmes. La tyrannie vient de l’intérieur! Notre cœur nous accuse. Même si nous ne craignons pas tant que cela le feu de l’enfer… ou de finir dans le nouveau chauffage à pellets des Valangines.
Le Jugement dernier… ce thème concerne plutôt le dernier dimanche de l’année, avant le 1er dimanche de l’Avent. Mais les travaux effectués dans le Centre des Valangines en ont décidé autrement. Et aussi les circonstances mondiales.
J’espère qu’un jour, justice sera faite. Comme le disait un paroissien à qui mon collègue rendait visite: «Je suis obligé de croire, car il faut un Jugement!»
Nous avons besoin de justice.
Que la vérité soit dite sur notre vie et sur celle de nos ennemis, des dirigeants qui appauvrissent leur peuple et poursuivent leur seul intérêt, la liste est longue.
Je suis tiraillée entre l’envie du jugement et la peur d’être jugée!
1re Bonne Nouvelle
Il y aura un jugement, le jugement dernier de Dieu sur la manière dont nous aurons mené notre vie, sur nos actes, sur notre ouvrage, sur notre œuvre. Au jugement dernier, ce qui était caché sera révélé.
Paul reprend cette question à lumière de sa conviction fondamentale selon laquelle un chrétien est sauvé par l’amour de Dieu seul, et non par ses mérites, ces bonnes actions, même s’il en a aux yeux des autres.
Il y aura un jugement, symbolisé dans notre texte de ce matin par l’épreuve du feu, ce feu de l’Esprit divin qui met en lumière et purifie toute chose.
À la réflexion, c’est plutôt rassurant. Tout n’est pas équivalent, tout ne se vaut pas. Nous ne sommes pas condamnés à un relativisme généralisé. Il existe des manières éthiques de se comporter et d’autres qui ne le sont pas. Il y a de bonnes et de mauvaises façons de mener sa vie. Il y a des erreurs, des fautes qui sont lourdes de conséquences. Dieu résiste à la confusion de dire «tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil».
Ce qui fait du mal, Dieu ne le cache pas sous le tapis, il le met en lumière. Comme ce qui fait du bien. La vérité sera faite sur tout. Son jugement est juste et équitable. Alors que la justice humaine, nécessaire, reste partielle, imparfaite.
Nous avons besoin de savoir que quelque part, il y a un lieu où tout peut être dévoilé, tout peut être avoué, un lieu où nous sommes écoutés, accueillis tels que nous sommes, et au bénéfice du pardon: c’est une Bonne Nouvelle.
2e Bonne Nouvelle
Ce jugement divin, ce passage par le feu, s’applique aux œuvres et non aux personnes.
Ce sont mes œuvres, mes actes, mes actions, ce que j’ai fait de la vie qui m’a été donnée: ce sont mes œuvres qui seront soumises à l’épreuve du feu. Ce sont les fruits que ma vie aura portés, les conséquences de mes actes et de mes engagements. Selon qu’ils seront trouvés comme de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, du bois ou du chaume, ils subsisteront ou ne subsisteront pas. Tout mon labeur terrestre partira peut-être en fumée. Je serai peut-être frustré d’un mérite que je m’attribuais. Ma personne ne partira pas en fumée.
Paul trace ici une frontière entre les actes et la personne qui accomplit ces actes. Si les actes peuvent être désapprouvés et rejetés par Dieu, la personne qui est à l’origine de ces actes n’est pas désapprouvée ni effacée. Ma vie vaut quelque chose indépendamment de ce que j’en fais ou n’en fais pas. Il n’y a donc jamais, de la part de Dieu, de condamnation à la mort éternelle. L’apôtre ferme les portes de l’enfer. L’enfer ne l’intéresse absolument pas. Il est possible que certains soient déçus d’apprendre que leurs ennemis ne seront pas éternellement tourmentés par des diablotins teigneux, mais c’est ainsi. L’apôtre Paul nous montre que l’on peut respecter, aimer une personne, tout en en s’opposant à ses manières de faire. Que toujours il s’agit de distinguer la personne de ses paroles et de ses actes…
Le Jugement fait de nous des adultes, appelés à rendre compte de nos vies. Un jour, toute la lumière sera faite. Le sens ultime de nos actes est dévoilé. La Justice sera rendue. C’est une Bonne Nouvelle.
3e Bonne Nouvelle
La philosophe Simone Weil évoque son expérience: «Le mal imaginaire est romantique, romanesque, varié; le mal réel est morne, désertique, ennuyeux. Le bien imaginaire est ennuyeux. Le bien réel toujours nouveau, merveilleux, enivrant!»
Le Jugement débusque le mal et le péché pour nous en libérer, nous donner une vie en plénitude.
Le Jugement, c’est la promesse de la délivrance du mal. Dieu ne va pas laisser le monde se corrompre toujours davantage jusqu’à sa destruction.
«Même le mal cesse d’être une fatalité sans remède face à la certitude que Dieu en demeure le maître.» selon le théologien Jean Zumstein.
Nous allons peut-être vers une 3e guerre mondiale, — certains disent qu’elle a déjà commencé —nous allons vers la fin d’un monde sans doute — pour nous les aînés, la fin du monde que nous avons connu — nous allons aussi — c’est un sujet de stress et d’inquiétude pour mes collègues en activités — vers une diminution drastique des postes de pasteurs, diacres dans notre Église, car il manque grosso modo deux millions dans la Caisse centrale de l’EREN
Fondamentalement, nous allons vers une naissance, qui encore et toujours fait briller sa flamme dans les ténèbres les plus épaisses nous allons vers le jugement, le pardon et l’ultime libération.
Je vous invite à vous lever
Paroles de grâce: debout
Seigneur Dieu
Tu nous délivres de la fascination du mal.
Tu mets en nos cœurs le feu qui réchauffe et ne détruit pas.
Tu nous relèves, tu prends notre vie au sérieux. Tu nous donnes ton pardon.
Qu’il ruisselle en nous, atteigne toutes nos cellules, nous lave et désinfecte nos plaies les plus anciennes comme les plus récentes… qu’il cicatrise nos blessures, nous allège de notre fardeau… renouvelle notre enthousiasme à te servir.
Amen.